Imagerie nouvelle. Les Vendanges
Coin de vigne, Languedoc
Imagerie nouvelle. Les Vendanges
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
H. : 35,3 cm
L. : 45,2 cm
Imprimeur : Élie Haguenthal, Pont-à-Mousson.
Lithographie coloriée.
Domaine : Estampes-Gravures
© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Franck Raux
1953.86.4677 - 08-521445
Les Vendanges
Date de publication : Novembre 2009
Auteur : Alban SUMPF
Les vendanges au XIXe siècle
Ayant lieu à l’automne, les vendanges constituent le dernier événement important de la saison agricole et, plus largement, un moment important de la vie rurale. Encore exclusivement manuelle au XIXe siècle, la cueillette du raisin destiné à la production de vin est l’occasion d’un travail collectif, de même que les opérations qui lui succèdent : transfert de la récolte, foulage, pressage, mise en tonneaux ou en bouteilles. De ce fait, les vendanges s’accompagnent de nombreuses fêtes et coutumes villageoises autour du vin nouveau.
La surface des vignobles augmente considérablement en France au XIXe siècle. S’il s’agit encore pour l’essentiel de petits lopins cultivés par des familles qui vendront leur raisin (ou leur vin) à des coopératives pour compléter leurs revenus, les grandes exploitations vont devenir de plus en plus nombreuses au cours du siècle. Dans le même temps, le déroulement des vendanges évolue peu, et très rares sont les cas de « modernisation » dans ce domaine. Cette activité implique dans les régions viticoles une part importante des acteurs du monde rural. En effet, même si l’on ne possède pas toujours de vignes, on peut alors aider d’autres personnes, ou du moins participer aux célébrations diverses liées à l’occasion.
Deux scènes de vendanges
La première image, Les vendanges, est une lithographie coloriée éditée par l’imprimerie Haguenthal vers le milieu du XIXe siècle. Elle comporte trois séries de saynètes humoristiques assorties de légendes : les deux premières, consacrées à la récolte du raisin, montrent des paysans, hommes, femmes et enfants, qui évoluent au milieu des vignes près d’une maison. Ils sont vêtus d’habits traditionnels et portent des sabots. Dans la dernière série ne figurent que des hommes : certains foulent ou pressent le raisin tandis que d’autres se reposent, discutent ou « dégustent » le vin nouveau.
La seconde image, Coin de vigne, Languedoc, est l’œuvre d’Édouard Debat-Ponsan (1847-1913), peintre toulousain connu pour ses portraits, ses peintures d’histoire et, surtout, ses représentations « provincialistes » de paysages et de scènes de la vie rurale. Présentée au salon de Nantes de 1886, cette toile de facture ultraréaliste fait presque l’effet d’une photographie. Au premier plan se tient une paysanne en sabots, droite, le regard pur fixé au loin, un panier tressé rempli de grappes de raisin à la main. Près d’elle, un jeune enfant est penché sur l’un des trois grands bacs de bois où les cueilleurs déversent les fruits. Au second plan à droite apparaissent deux femmes et un homme eux aussi occupés à cueillir le raisin. À gauche figure un homme debout sur une haute charrette traînée par deux bœufs. Attendant vraisemblablement de charger les bacs, il regarde la belle jeune femme. Derrière lui, un champ s’élève en pente douce. Des haies et quelques arbres bornent l’horizon.
Imagerie traditionnelle et imagerie renouvelée des vendanges
Les deux représentations des vendanges se différencient nettement. En effet, la gravure Les vendanges présente une scène générale, sans contexte, où figurent des paysans peu individualisés, placés dans des situations archétypales. Le propos est comique, les vendanges sont l’occasion d’un travail éprouvant, mais associé à la fête et à la beuverie. Cette lithographie reprend l’imagerie traditionnelle et immémoriale du vin et des vendanges.
Au contraire, dans Coin de vigne, Languedoc, Debat-Ponsan centre l’attention (du spectateur et de l’homme debout au second plan, qui en est une figure mise en abyme) sur un personnage et un lieu précis. Associant le réalisme technique et un certain idéalisme (justement servi par l’extrême précision de la touche), l’artiste suggère la noblesse du travail paysan. Contrairement à la première image, les vendanges renvoient ici plus au labeur qu’à la fête et à la griserie. À travers cette jeune femme fière, belle et digne, le peintre semble proposer une vision renouvelée, moderne, des vendanges, pour mieux exalter le monde rural.
Quoique différentes et même opposées, les deux images se rejoignent sur certains points. D’une part, on constate dans les deux cas l’absence de changement et de progrès techniques dans l’exercice des vendanges. Les mêmes instruments sont utilisés. D’autre part, on comprend que les vendanges sont l’occasion d’une certaine répartition des tâches : la cueillette des grappes est assurée essentiellement par les femmes assistées par les enfants, alors que le transport est assuré exclusivement par les hommes qui réalisent ensuite tout le processus de vinification. Ainsi, les paysannes sont totalement absentes du troisième et dernier niveau de la gravure. Enfin, les vendanges, comme les moissons, se font en commun et sont donc une occasion de sociabilité.
Gilbert GARRIER, Histoire sociale et culturelle du vin, Paris, Bordas Cultures, 1995.
Marcel LACHIVER, Vins, Vignes et Vignerons, Paris, Fayard, 1988.
Emmanuel LE ROY-LADURIE, Les paysans de Languedoc, Paris, S.E.V.P.E.N., 1966.
Imagerie populaire : Née avec les techniques d’impression mécanique qui permettent la reproduction d’une même image à l’infini et sa diffusion à moindre coût et au plus grand nombre à des fins d’information, mais également de propagande. L’un des principaux centres de fabrication de ces gravures populaires est Épinal – on parle en ce cas d’images d’Épinal.
Alban SUMPF, « Les Vendanges », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vendanges
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