Adolf Hitler devant les cercueils des sept victimes de l'attentat du 8 novembre 1939
Adolf Hitler visite les décombres de son quartier général après l'attentat du 20 juillet 1944
Adolf Hitler devant les cercueils des sept victimes de l'attentat du 8 novembre 1939
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK, Berlin)
site web
Date de création : 1939
Date représentée : 10-nov-39
Domaine : Photographies
BPK, Berlin, Dist. RMN - Grand Palais / image BPK
12-530365
Tentatives d’assassinat contre Hitler
Date de publication : Septembre 2018
Auteur : Alexandre SUMPF
Attentats et propagande
Si plusieurs attentats ont été organisés contre Hitler de 1938 à 1945, les deux plus marquants sont incontestablement celui du 8 novembre 1939 à Munich et celui du 20 juillet 1944 à la Wolfsschanze en Prusse Orientale.
Malgré leurs différences, ces photographies illustrent toutes les deux l’utilisation par le pouvoir d’un attentat manqué à des fins de propagande. À travers elles, il s’agit en effet de tisser le récit presque mythologique de l'insubmersibilité du Fürher et de démontrer par l’effet – quelque peu paradoxal – la puissance du Reich. On peut ainsi s’interroger sur leur portée et sur les réactions qu’elles suscitent à des moments si différents du conflit, en Allemagne comme à l’étranger.
En 1939, un simple ébéniste opposé au nazisme nommé Georg Elser prépare un attentat à la Bürgerbräukeller, la brasserie munichoise où Hitler commémore tous les 8 novembre son putsch manqué de 1923. À 21h20, l’explosif qu’il a installé se déclenche et tue 7 membres du parti nazi. Parti 13 minutes plus tôt que prévu (des raisons climatiques l’obligeant à prendre le train plutôt que l’avion), Hitler en réchappe. Organisée le 10 novembre à Munich, la cérémonie d’hommage aux victimes saisie par la première photographie est conçue comme un grand moment de communion nationale, qui exalte le Reich et ses héros.
Planifié par des militaires haut-gradés et quelques civils, le complot du 20 juillet 1944 a pour cadre la Wolfsschanze, la « tanière du loup », le quartier général d’Hitler. Malgré la violence de la déflagration qui se produit à 12h42 et fait plusieurs victimes, Hitler n’est que légèrement blessé par la bombe contenue dans une serviette déposée par le colonel Claus von Stauffenberg. L’après-midi même, Hitler revient sur les lieux de l’attentat comme le montre, entre autres, la photographie.
Mises en scène
Cliché anonyme, Adolf Hitler devant les cercueils des sept victimes de l'attentat du 8 novembre 1939 a été pris lors de la cérémonie du 10 novembre 1939. Organisée sur l’Odeonsplatz de Munich, elle se déroule sur le parvis de la Feldherrnhalle, (hors-champ, sur la droite pour le spectateur), entre l’église Theatinerkirche (derrière le photographe) et la Residenz, dont on aperçoit la façade au second plan. Les cercueils des sept victimes sont alignés, avec à leurs côtés chacun une couronne de fleurs blanches et, debout, un membre des SA (comme semble l’indiquer leur uniforme). Au centre de l’image, Hitler, seul, effectue le salut nazi pour saluer la mémoire des disparus, imité par des dignitaires et des militaires du régime (dont on aperçoit les bras sur la gauche de l’image). D’autres soldats sont visibles au fond, le long de la Residenz, ainsi que quelques visages à ses fenêtres. Protocolaire et bien réglée, la mise en scène est solennelle et grave, cérémoniale mais sobre.
Du fait des circonstances, Adlof Hitler visite les décombres de son quartier général offre une représentation très différente. Prise sur le vif quelques heures à peine après l’explosion, elle est l’œuvre de Henrich Hoffmann, photographe personnel et officiel d’Hitler qu’il suit dans presque tous ses déplacements et dont il est l’un des très proches collaborateurs. L’image semble ainsi plus « spontanée », le spectateur étant impliqué au cœur de l’événement dans ce lieu intime du pouvoir hitlérien, au plus près de ses membres les plus éminents et notamment du premier d’entre eux. Dans les décombres, on aperçoit plusieurs dignitaires nazis en compagnie de Hitler qui s’entretient avec eux (au premier rang, de gauche à droite : Göring, Goebbels, Fegelein et Naumann). Tous écoutent le Fürher, indemne, avec la plus grande attention teintée de respect.
Immortel ?
La première photographie donne tout d’abord à voir un hommage officiel et lourd de symboles. Alors que la guerre débute glorieusement (la Pologne a été envahie deux mois auparavant), les victimes de l’attentat - dont la plupart sont civils - ont droit aux honneurs militaires, se voyant ainsi élevés au rang de héros morts pour la cause nazie, comme les futures victimes des campagnes à venir. L’hommage que leur rend un Hitler martial et recueilli, est ainsi pensé comme une réplique de celui que le pouvoir rend à ses soldats engagés sur le front. À l’intérieur comme à l’extérieur, sur le champ de bataille comme dans une brasserie, le combat contre les ennemis est le même.
Centrale, la figure du chef se dégage de l’image. Survivant miraculeux, Hitler cultive ici une certaine stature, celle de la figure immortelle (comme le Reich) choisie par la destinée plutôt que par la chance ou les heureuses circonstances. Ce qui pourrait renvoyer à une certaine vulnérabilité (il a échappé de peu à un attentat) est ainsi retourné en démonstration de force particulièrement adaptée au moment historique, qui est celui de son ascension continue et irrésistible puis de sa toute-puissance naissante.
Si le même retournement est à l’œuvre dans Adolf Hitler visite les décombres de son quartier général, les effets sont ici plus ambigus. Ici, le lieu du pouvoir (le quartier général) est manifestement touché et détruit, la proximité visuelle avec les chefs nazis miraculés pouvant aussi signifier, involontairement, leur faiblesse toute humaine. Malgré un contexte historique plus sombre en juillet 1944 qu’en novembre 1939, il reste néanmoins que le but de cette représentation assez intimiste est atteint : Hitler montre qu’il est vivant (des rumeurs ont circulé sur son état depuis l’explosion), indemne, courageux (il revient sur le lieu du drame), entouré, respecté, déjà (et à nouveau) occupé à guider son peuple vers la victoire. Il reçoit d’ailleurs Mussolini ce jour même comme il était prévu dès 16h et lui fait, à lui aussi, visiter les décombres, bien décidé à signaler à tous qu’il résiste à tous les revers et à toutes les difficultés, indestructible comme l’Allemagne nazie.
CHAUVET, Didier, Georg Elser et l'attentat du 8 novembre 1939 contre Hitler, Paris, Éditions L'Harmattan, 2009.
Evans, Richard, Le Troisième Reich. 1933-1939, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l’histoire », 2009.
KERSHAW, Ian, Hitler. 1936-1945, Paris, Flammarion, 2001.
KERSHAW, Ian, La Chance du diable. Le récit de l’opération Walkyrie, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l’histoire », 2009.
Alexandre SUMPF, « Tentatives d’assassinat contre Hitler », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/tentatives-assassinats-contre-hitler
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