Alger, capitale provisoire de la France.
Lieu de conservation : Le Mémorial de Caen (Caen)
site web
Date de création : 1943
Date représentée : 03-nov-43
H. : 24,3 cm
L. : 15 cm
Tirage argentique
Domaine : Photographies
© O.F.I.C / Le Mémorial de Caen
34236 / MEMO_PHOT_00729
Alger, « capitale » de la France Libre
Date de publication : mai 2014
Auteur : Alexandre SUMPF
Séance inaugurale de l’Assemblée consultative provisoire d’Alger
Le 8 novembre 1942, l’opération Torch (nom de code du débarquement allié en Afrique du Nord) permet la libération progressive de l’Algérie et du Maroc. Après une période de transition où l’Afrique française du Nord reste partiellement soumise au régime de Vichy, la création du Comité français de Libération nationale (C.F.L.N.) le 3 juin 1943 entérine la fusion des deux autorités françaises engagées du côté allié : le Comité français national de Londres dirigé par le général de Gaulle (chef de la France libre) et le commandement en chef civil et militaire d’Alger, dirigé par le général Giraud.
Organisme gouvernemental (dirigé d’abord par les deux hommes puis de facto par le seul de Gaulle à partir d’octobre 1943), le C.F.L.N. crée par l’ordonnance du 17 septembre 1943 une Assemblée consultative provisoire. Placé sous l’autorité du C.F.L.N., ce parlement de la résistance doit « représenter les mouvements résistants, les partis politiques et les territoires engagés dans la guerre au côté des Alliés » en rendant des avis sur les décisions du C.F.L.N.
Représentée par « Alger, capitale provisoire de la France », la séance inaugurale de cette Assemblée se tient au palais Carnot d’Alger le 3 novembre 1943. À l’instar des nombreuses images mondialement diffusées de cet événement à la fois politique et hautement symbolique, une telle photographie comporte bien d’autres significations, lourdes de conséquences sur les consciences et les représentations de l’époque.
De Gaulle au centre
Photographie de reportage destinée aux actualités (la séance est aussi filmée), « Alger, capitale provisoire de la France » montre un moment du discours que de Gaulle, en tant que président du C.F.L.N., fait au début de cette séance inaugurale.
Placé parmi les membres de l’Assemblée (visibles de dos au premier plan) et assez près de la tribune, le photographe a choisi de cadrer le général au centre de l’image. C’est d’ailleurs une succession verticale de trois éléments qui construit symboliquement et visuellement la photographie : le buste de Marianne qui se détache sur un grand drapeau tricolore couvrant tout le mur du fond ; le socle sur lequel il est posé, qui comporte le sigle « RF » et la croix de Lorraine ; de Gaulle lui-même, en uniforme, les mains sur le pupitre et s’exprimant face aux micros. Dans la suite de cet axe structurant, deux secrétaires de séance prennent des notes de manière presque mimétique, qui semblent poursuivre cette ligne et la diffuser, horizontale maintenant, dans l’Assemblée.
Deux rangées se dessinent face aux « députés », tout en se poursuivant sur les côtés. Elles sont constituées essentiellement de militaires : marine, armée de terre et de l’air (d’Afrique du Nord et de la France libre). Les femmes (plutôt dans la rangée du bas) et les hommes (en haut) sont ici tous en uniforme et sont placés selon leur arme et leur troupe (regroupés en haut, alternés pour les femmes). Deux membres du C.F.L.N. sont par ailleurs assis à des bureaux placés juste derrière l’orateur.
Le retour de la République
« Alger, capitale provisoire de la France » représente d’abord le retour de la République française. Proscrite (de fait et au moins partiellement) par le régime de Vichy qui lui préférait d’autres emblèmes, Marianne surplombe à nouveau l’Assemblée et donc le pays de son autorité. De même, la mention « RF » (République française), qui la suit et la répète dans l’ordre vertical.
La croix de Lorraine, emblème de la France libre, s’inscrit elle aussi dans cette « lignée » symbolique et politique. S’il ne s’agit pas ici de la République à proprement parler, l’image suggère pourtant une sorte de continuité et de lien constitutif entre les deux entités. Certes, la première reste la référence principale, mais elle se conjugue désormais à la seconde.
Une croix de Lorraine qui, elle-même, se continue dans l’homme qui incarne la France libre. De Gaulle, dont la tête la cache en partie, donne l’impression de fusionner avec elle. Depuis peu unique président du C.F.L.N. et ayant enfin réalisé l’unité sous son commandement, le général apparaît alors aux yeux de tous comme celui qui représente et exprime la France, définie par cette ligne Marianne - RF - Croix de Lorraine - de Gaulle.
Les militaires victorieux et les députés constituent aussi cette France retrouvée, rassemblée et réalisée. En effet, et même s’ils ne sont pas élus, les membres de l’Assemblée (qui est à ce titre provisoire) se sont illustrés, selon Crémieux-Brilhac « en s’opposant à l’ennemi et au régime de Vichy. Des délégués des mouvements de résistance et des centrales syndicales reconstituées dans la clandestinité sur le sol national, des parlementaires de 1939 n’ayant pas souscrit le 10 juillet 1940 à l’abdication de la République, des représentants des comités de la France libre à travers le monde ou des combattants volontaires toujours en uniforme des Forces françaises libres » composent cette scène où la France résistante et le chef qu’elle se reconnaît désormais sont exposés.
· Jean-Pierre AZÉMA, Nouvelle histoire de la France contemporaine, tome XIV « De Munich à la Libération, 1938-1944 », Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1979, nouv. éd. 2002.
· Jean-Louis CRÉMIEUX-BRILHAC, La France libre, Paris, Gallimard, 1996.
· Yves Maxime DANAN, La Vie politique à Alger de 1940 à 1944, Paris, L.G.D.J., 1963.
· Charles de GAULLE, Mémoires de guerre, tome II « L’unité : 1942-1944 », Paris, Plon, 1956.
· Christine LEVISSE-TOUZE, L’Afrique du Nord dans la guerre, 1939-1945, Paris, Albin Michel, 1998.
· François MARCOT (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance. Résistance intérieure et France libre, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006.
Alexandre SUMPF, « Alger, « capitale » de la France Libre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/alger-capitale-france-libre
Lien à été copié
Découvrez nos études
Les opérateurs soviétiques et la Shoah
Après les défaites qui se sont suc cédées depuis l’invasion…
Alliés, mais pas trop
Six mois après le Débarquement de Normandie (6 juin 1944) et l’ouverture du « second front » à l’ouest tant réclamée par Staline,…
Le Mauvais camp
Si Léon Trotski, assassiné à Mexico le 21 août 1940, avait pu voir enfin dénoncée la violence stalinienne, chiffres à l’appui,…
Le Travail forcé
Inscrit dans l’idéologie du national-socialisme, le travail forcé occupe une place centrale dans son projet dès l…
La collaboration de la police et de la gendarmerie françaises
À la suite de l’armistice du 22 juin 1940 et plus encore après l’entrevue de Montoire…
L’exode
Après la percée de Sedan du 13 mai 1940 et la victoire de l’armée allemande lors de la bataille de France (mai-…
Philippe Pétain, Maréchal de France
Pétain est promu général en août 1914 – il a alors 58 ans. En février 1916, il prend la direction du secteur défensif de Verdun et parvient à…
Le procès de Nuremberg
Intenté par les forces alliées contre vingt-quatre hauts responsables nazis, le procès de Nuremberg se tient du 20…
La Flotte assassinée : Mers el-Kébir
Le 3 juillet 1940, sous l’objectif d’une caméra des actualités et d’un photographe anonyme, la flotte française…
La milice française
La Milice française est créée par le régime de Vichy le 20 janvier 1943. Constituée d’environ 30 000…
FERCHICHE KADER || erreur sur la photo
Bonjour
Cette photo n'est pas celle de la séance inaugurale de l'assemblée consultative en 1942. Elle est plus tardive. Mes recherches m'ont permis par le plus grand hasard de dire que cette photo date du 18 juin 1944. Prise à Alger pour le quatrième anniversaire de l'appel du général en 40. Elle est publiée le 19 juin par L'Echo d'Alger. Avec mes salutations.
M. Ferchiche Kader, journaliste écrivain. 06 88 59 12 67
avis
très belle image historique.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel