L'Esclave blanche
Les Soupirants
Farniente
Le Thé
L'Esclave blanche
Auteur : LECOMTE DU NOUY Jean Jules Antoine
Lieu de conservation : musée d'arts (Nantes)
site web
H. : 146 cm
L. : 118 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn / Gérard Blot
INV 1063 - 99-020173
Le nu enfumé
Date de publication : Octobre 2011
Auteur : Didier NOURRISSON
Le nouveau Nu
Avec la IIIe République, les mœurs se libéralisent et la censure se relâche. Sans doute, le grand dessin du nu académique, à l’exécution soignée et toujours figurative, demeure, mais les références obligée aux scènes de la mythologie ou les transports émotionnels dans des harems de pacotille s’estompent. L’intimité féminine se dévoile en des lieux familiers, cabinet de toilette, salle de bain, et sur des meubles confortables (divans). Un élément vient souvent donner une note d’actualité : la cigarette.
L’association de la femme et de la cigarette date de Mérimée avec sa Carmen. Mais au temps de la monarchie de Juillet, la fume au féminin faisait scandale et dénonçait la « lionne », une femme qui cherchait à s’émanciper. George Sand, qui introduit le mot « cigarette » dans la littérature, en est la figure emblématique. Sous la IIIe République débutante, la cigarette se banalise : on compte 100 millions de cigarettes vendues en 1872, 3 milliards en 1909. Les femmes, dans leur espace privé, commencent à s’adonner couramment à cette pratique nouvelle. L’essence du savoir-vivre est simplement de ne pas fumer dans la rue et en société.
La fumeuse nue
Jean Jules Antoine Lecomte du Nouy (1842-1923) reprend l’idée de la scène de harem et de la traite des Blanches avec son Esclave blanche (l’année de l’abolition de l’esclavage au Brésil). La facture est furieusement romantique : au bord du bassin, sous le regard de deux eunuques, assise sur ses parures de soie, à côté de coussins, tapis et vaisselle d’art, une femme nue se perd dans des rêveries. La modernité vient de la cigarette qu’elle tient nonchalamment dans la main gauche. Elle souffle un filet de fumée qui donne mystère et saveur à l’espace. Le tabac est sans doute au « goût levantin » ; les marques de cigarettes de ce type se comptaient par dizaines dans les années 1880.
La peinture de Paul Albert Laurens (1870-1934) intitulée Les Soupirants fait tourner un Arlequin et un Pierrot de comédie autour d’une belle Orientale lascivement étendue sur un sofa : le mythe de la Circassienne bat toujours son plein en faisant battre les cœurs.
Le Farniente d’Ernest Philippe Zacharie (1849-1915) montre la plastique d’un corps lisse et glabre d’une femme qui vient de se lever après la sieste et s’étire nonchalamment.
Jules Scalbert (1851-1928) donne une version très érotique de la pause thé : une soubrette impeccablement vêtue apporte le plateau (avec deux tasses : l’homme n’est pas loin ?) à sa maîtresse nue sous un déshabillé qui ne cache rien de ses formes. Là encore, la scène se situe dans un intérieur bourgeois (canapé Louis XV à la Pompadour).
Dans les trois cas, la cigarette souligne la beauté de la femme par l’élégance du geste. À remarquer le fume-cigarette de l’Orientale qui, avec le long collier de perles à double rang, annonce la mode des années folles.
Bientôt la cigarette fait femme
Dans les années 1910, la publicité pour les cigarettes n’ose encore guère utiliser l’image de la femme. Il faudra attendre les années 1920 pour voir à l’affiche de belles fumeuses chargées d’entraîner les hommes à la fume. La Gitane en est un bel exemple : d’abord dessinée, elle est photographiée dans les années 1930 sous les traits d’une danseuse de flamenco, toujours habillée cependant. En revanche, la peinture donne déjà à voir des femmes, de préférence nues, avec une cigarette langoureuse, dans une scène intime en principe naturaliste.
Jacqueline BALTRAN, Paris, carrefour des arts et des lettres. 1880-1918, Paris, L’Harmattan, 2002.
Kenneth CLARK, Le Nu, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Art », 1969, rééd. Hachette coll. « Pluriel », 1998.
William A.EWING, Le Siècle du corps, Paris, éditions de La Martinière, 2000.
Michel HADDAD, La Divine et l’impure. Le nu au XIXe siècle, Paris, Éditions du Jaguar, 1990.
Didier NOURRISSON, Cigarette. Histoire d’une allumeuse, Paris, Payot, 2010.
Didier NOURRISSON, « Le nu enfumé », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/nu-enfume
Lien à été copié
Découvrez nos études
Madame Roland et l'engagement politique des femmes sous la Révolution
Nés au XVIIe siècle, les salons particuliers tenus par des femmes se multiplient au siècle…
Une femme force les portes de l’Académie
L'Académie royale de peinture et de sculpture est fondée sur mandat royal en 1648. Elle constitue l'un des socles institutionnels sur lesquels…
Théroigne de Méricourt
Dès le début de la Révolution française, les femmes ont joué un rôle significatif,…
Les « tondues » de la Libération
On estime que 20 000 à 40 000 femmes accusées à tort ou à raison de collaboration avec l’occupant allemand auraient…
L'impératrice Eugénie entourée de ses dames d'honneur
Franz-Xaver Winterhalter, qui fut le peintre officiel de la dynastie des Orléans avant 1848, devint le portraitiste privilégié de la famille…
La femme exotique-objet
Au sein des vastes collections de clichés ethnographiques réalisés en Europe dans le dernier tiers du XIXe…
Juive d’Alger
Après la campagne d’Égypte de Bonaparte (1798-1801) et le début de la conquête de l’Algérie (1830), la France et la Grande-Bretagne étendent…
La Dame aux camélias
Le dessin à l’aquarelle de Camille Roqueplan représente Marie Duplessis, qui fut probablement la toute première…
Les suffragettes
L’Union française pour le suffrage des femmes, créée en 1909 par Jeanne Schmahl avec l’appui du journal La Française…
L'immoralité au cœur de la lutte religieuse pendant la IIIe République
Vingt ans séparent la date de réalisation de ces deux affiches. En 1884, l’ouvrage de Léo Taxil publié par…
Observations
Bonjour,
Deux petites observations :
d'abord, concernant l'interprétation de l'image : il ne s'agit pas de deux eunuques compte-tenu de la généreuse poitrine de la femme noire que l'on aperçoit de profil, trois-quart dos... si ?
Ensuite, vous dites que la publicité ne s'empare pas de la figure de la femme pour promouvoir la cigarette avant les années 20, mais sauf erreur, les artistes de l'art nouveau comme Mucha ou Atche le font dès les années 1880. Ces exemples ne comptent-ils pas ?
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel