Louis Pasteur
Auteur : EDELFELT Albert
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1885
H. : 155 cm
L. : 127,5 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Martine Beck-Coppola
11-565381 / DO 1986 16
Pasteur par Albert Edelfelt (1885)
Date de publication : Novembre 2019
Auteur : Christophe CORBIER
La découverte du vaccin contre la rage
Au début des années 1880, le chimiste français Louis Pasteur (1822-1895) a atteint le sommet d’une longue carrière jalonnée par des découvertes capitales (réfutation de la théorie de la génération spontanée, études sur la fermentation, procédé de stérilisation appelé pasteurisation, mise au point de vaccins contre le choléra des poules et l’anthrax). Pasteur est couvert d’honneurs : après avoir obtenu de nombreux prix scientifiques, il a été fait grand-croix de la Légion d’honneur en 1881, année où il est élu à l’Académie française. Mais son principal titre de gloire pour la postérité est acquis en 1885 : la mise au point d’un vaccin contre la rage.
Le 6 juillet 1885, Joseph Meister, un enfant alsacien âgé de 9 ans, est examiné à Paris par Pasteur : le garçon a été mordu, deux jours plus tôt, par un chien enragé. Comment faire pour le sauver avant que la maladie ne se déclare ? Pasteur a observé, au cours de ses recherches sur les maladies infectieuses des animaux, qu’un microbe perd de sa nocivité au contact de l’air et par vieillissement. Pour ce qui est de la vaccination contre la rage, qui l’occupe depuis 1880, il s’est livré à des expériences sur les chiens, puis sur les lapins, en utilisant leur moelle épinière, car il a compris que le virus de la rage touche le système nerveux. Il découvre qu’une série d’inoculations de matière organique infectée de plus en plus virulentes entraîne une immunisation contre le virus de la rage. Reste à franchir le pas de la vaccination humaine. En juillet 1885, Pasteur décide d’appliquer sa méthode. Avec l’aide du docteur Grancher, il fait administrer au petit garçon, en l’espace de dix jours, treize injections d’un broyat de moelle épinière prélevée sur un lapin atteint de la rage. L’enfant ne développe pas la maladie ; il est sauvé. Le vaccin thérapeutique est découvert, et Meister est le premier être humain vacciné.
Dans les semaines qui suivent cette expérience capitale, le peintre finlandais Albert Edelfelt (1854-1905) représente Pasteur dans son laboratoire. Edelfelt avait suivi les cours de l’École des beaux-arts de Paris au début des années 1880, et s’était fait connaître d’Émile Zola et Alphonse Daudet. Ami de Jean-Baptiste Pasteur, le fils du savant français, qu’il avait peint en 1881, Edelfelt expose au Salon de 1886 ce portrait de Louis Pasteur, saisi au moment où il conçoit le vaccin contre la rage.
De la méthode expérimentale à la fabrication du vaccin
Le portrait d’Edelfelt a pour cadre le laboratoire que Louis Pasteur a installé en 1867 à l’École normale supérieure, à Paris. L’intérieur est éclairé par une lumière naturelle, tamisée par des rideaux tirés devant les fenêtres qui donnent sur la rue d’Ulm. Sur la table, on reconnaît un instrument fameux, le microscope, que Pasteur utilisait depuis ses travaux sur la fermentation et les générations spontanées. L’étagère le long du mur, à droite, est remplie de fioles et de bocaux, et la table couverte de flacons divers, qui rappellent les nombreuses expériences du savant sur les microbes.
Debout au milieu de la salle, s’appuyant sur un gros livre, Pasteur, les traits sévères, en tenue de ville sombre, indifférent au spectateur, observe attentivement un flacon qu’il tient de la main droite. La pose du savant évoque subrepticement l’infirmité dont il a été frappé en 1868 (hémiplégie du bras gauche). La main gauche tient un carnet destiné à recueillir le résultat de ses recherches. Le gros ouvrage fermé suggère que la méthode expérimentale fondée sur l’observation et mise en œuvre en laboratoire, que Claude Bernard avait définie en 1878, est désormais privilégiée par rapport au savoir livresque.
Le visage et les mains éclairés par la lumière du jour, Pasteur regarde le contenu du flacon stérile à deux ouvertures, dont l’une des extrémités est bouchée par un peu d’ouate. Y est suspendu un morceau de moelle épinière (rougeâtre) prélevée sur un lapin atteint de la rage. Au fond du flacon, de l’hydroxyde de potassium (de couleur blanche) permet d’en dessécher un échantillon. La moelle infectée est scrutée par le savant, qui découvre alors le moyen de combattre la maladie en diminuant la virulence du microbe par dessiccation. C’est donc un moment crucial de la recherche qui est représenté par le peintre : Pasteur, dans une illumination symbolisée par la lumière qui frappe le flacon stérile, invente le vaccin contre la rage.
Le bienfaiteur de l’humanité
La conception du vaccin contre la rage n’a pas été réalisée par le seul Louis Pasteur. Depuis de nombreuses années, le scientifique était entouré de collaborateurs qui ont joué un grand rôle dans ses travaux sur la vaccination en France et à l’étranger (Émile Roux, Louis Thuillier, Charles Chamberland). Les travaux d’Émile Roux (1853-1933), qui avait soutenu en 1883, à Paris, une thèse de doctorat intitulée « Des nouvelles acquisitions sur la rage », ont notamment ouvert la voie à la découverte du vaccin antirabique. Pasteur s’est « servi » des recherches de Roux et du procédé de dessiccation de la moelle que son collègue avait mis au point. Pourtant, Edelfelt a choisi de représenter le savant seul dans son laboratoire, parmi les instruments avec lesquels il a réussi à juguler les maladies infectieuses. On peut d’ailleurs encore les voir exposés au musée Pasteur, dans les locaux de l’Institut Pasteur, à Paris, fondé en 1887.
Ce portrait d’un homme qui s’est fait le maître du vivant et a fondé une science nouvelle, l’immunologie, contribue à créer un « mythe » de Pasteur, héros de la science française, rival du biologiste allemand Robert Koch, et bienfaiteur de l’humanité qui, par l’invention d’un vaccin thérapeutique, a modifié notre rapport avec des maladies jusque-là incurables et terrifiantes.
Ce tableau à la gloire de la science, valeur fondamentale de la IIIe République, a valu au peintre finlandais la reconnaissance de l’État français (Edelfelt sera fait chevalier de la Légion d’honneur en 1889). Acquis par l’État dès 1887, exposé successivement à la Sorbonne, au musée du Louvre et à Versailles avant de rejoindre le musée d’Orsay en 1986, il est devenu l’une des images les plus célèbres du savant.
DARMON Pierre, Pasteur, Paris, Fayard, 1995.
SIMONET Michel-Louis, « Monsieur Roux, un bienfaiteur de l’humanité », Feuillets de biologie, no 345, 2018, p. 51-60.
TROTEREAU Janine, Pasteur, Paris, Gallimard, coll. « Folio : biographies » (no 43), 2008.
Académie : L’Institut de France est créé par la loi du 25 octobre 1795 sur l’organisation de l’instruction publique. Au sein du palais de l’Institut de France, travaillent cinq académies : l’Académie française (fondée en 1635), l’Académie des inscriptions et belles-lettres (fondée en 1663), l’Académie des sciences (fondée en 1666), l’Académie des beaux-arts (créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie de musique, fondée en 1669, et de l’Académie d’architecture, fondée en 1671) et l’Académie des sciences morales et politiques (fondée en 1795, supprimée en 1803 et rétablie en 1832). (Source : https://www.institutdefrance.fr/les-cinq-academies/.)
Broyat : Produit pharmaceutique obtenu par broyage.
Dessication : Action de dessécher un corps, de le déshydrater.
Christophe CORBIER, « Pasteur par Albert Edelfelt (1885) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/pasteur-albert-edelfelt-1885
Voir les ressources numériques consultables sur le site de l’Institut Pasteur.
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