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Entrée du Village suisse

Entrée du Village suisse

Phono-Cinéma-Théâtre

Phono-Cinéma-Théâtre

Entrée du Village suisse

Entrée du Village suisse

Date de création : 1900

Date représentée : 1900

H. : 7 cm

L. : 11 cm

Carte-réclame éditée par l'entreprise Suchard à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900 (Paris).

Chromolithographie

Domaine : Estampes-Gravures

© Mucem, dist. RMN - Grand Palais / image Mucem

Lien vers l'image

1996.40.202.2 - 08-533422

La publicité à l’Exposition universelle de 1900

Date de publication : Octobre 2020

Auteur : Alexandre SUMPF

Le monde en miniature

La carte-réclame Entrée du Village suisse est l’une des multiples vues dessinées ou photographiées que le visiteur de l’Exposition universelle de 1900 pouvait emporter avec lui en quittant Paris.

Depuis l’origine en 1851, à Londres, ce type d’exposition internationale se donne un thème large, moins focalisé sur les réalisations économiques, et confronte les progrès effectués dans les nations industrialisées et leurs colonies. Dès 1867, à Paris déjà, les pavillons nationaux font leur apparition en lieu et place des stands au sein d’un bâtiment central. Désormais, leurs concepteurs rivalisent d’inventivité technique et de créativité esthétique afin d’attirer les visiteurs et marquer l’opinion internationale. Le succès du Village suisse, imaginé en vue de l’Exposition nationale suisse organisée à Genève en 1896, pousse la Confédération à le reproduire non pas l’année suivante à Bruxelles, mais en 1900 à Paris. Là, on l’érige à part pour donner la place suffisante à ses 23 000 m2 : l’entrée se situe avenue de Suffren, immédiatement à l’ouest du Champ-de-Mars et du palais de l’Électricité.

Cette approche folkloriste et ethnographique, typique de l’époque, cohabite en effet avec l’exaltation de la capacité d’innovation de l’humanité – thème central des Expositions universelles. Les visiteurs ont ainsi la possibilité d’observer de près les étoiles au pavillon de l’Optique, où le sidérostat, avec ses 125 cm de diamètre, est le plus grand télescope d’alors.

Si le procédé de projection lumineuse est connu depuis longtemps, les frères Lumière ont innové en 1895 en proposant des séances payantes et en créant une industrie du spectacle. Ils bénéficient de l’essor de la chimie, de l’optique et de l’électricité, qui se voit célébrée à Paris au travers d’un pavillon qui fait sensation. Les deux industriels lyonnais négocient une place de choix au cœur de la galerie des Machines, où ils plantent un écran géant de 21 m sur 16 m.

Leurs concurrents ne sont pas en reste : Henri Lioret de France (1848-1938), spécialiste des phonographes, et le cinéaste producteur Clément-Maurice Gratioulet (1853-1933) font des tentatives de synchronisation de l’image et du son dans un petit pavillon de la « rue de Paris », où se concentrent boutiques et restaurants. Leur Phono-Cinéma-Théâtre promet d’être l’une des attractions phares de l’Exposition.

Au royaume de l’illusion

La carte-réclame Entrée du Village suisse choisit une perspective qui met en valeur le simulacre folkloriste proposé par Berne et les cantons confédérés. Elle reprend les codes de la carte postale souvenir photographique en juxtaposant deux éléments particulièrement pittoresques : une porte et des remparts de type médiéval au premier plan, et des montagnes enneigées à l’arrière-plan. Le vent qui fait flotter les oriflammes et les nuages où se reflète le soleil couchant viennent compléter l’illusion. Minuscules mais individualisés par un dessin minutieux, des personnages figurent les touristes – aussi bien ceux qui visitent la Suisse que ceux qui ont pu parcourir ce « Village suisse » à Paris en 1900. Ils en ont emporté le souvenir édité et offert par les chocolats Suchard, dont le nom s’imprime à la fois en capitales rouges sur le ciel bleu et en écriture cursive bleue et rouge sur le rempart de droite. Ce dernier, de manière à créer le doute, porte gravé dans l’imitation de la pierre trois pots du cacao en poudre faisant alors la réputation mondiale de Suchard.

Contrairement à nombre de cartes-réclames, le carton programme se présente en format vertical afin de se rapprocher de l’affiche de spectacle dont il constitue une réduction, tout en offrant, comme il est précisé, un « souvenir de l’Exposition de 1900 ». Divisée en deux dans le sens de la hauteur, l’image présente à gauche vingt-trois drapeaux de vingt nations (et trois colonies françaises) accrochés à un mât. Ils portent l’inscription « Voir et entendre les artistes célèbres » dans la langue de chacun de ces pays. À droite, dans le style Art nouveau en vogue à l’époque, une femme élégante et sensuelle présente le programme des « visions animées des artistes célèbres » que propose le pavillon Phono-Cinéma-Théâtre dessiné en médaillon en haut à droite. La liste propose, de Sarah Bernhardt à Mlle Réjane en passant par les Coquelin, la fine fleur des acteurs français convertis au pouvoir démultiplicateur de la caméra. C’est sur cet appareil déjà familier des visiteurs que s’appuie avec nonchalance la belle Parisienne copie des fées de Mucha, tandis qu’un phonographe à cylindre orne le coin inférieur droit – signe de tentatives de synchronisation entre théâtre filmé et déclamations enregistrées dans la cire. En dessous, l’adresse précise et le numéro de téléphone situent l’événement à Paris et dans la modernité conquérante du début de siècle.

La « Belle Époque » de la publicité

L’invention de la chromolithographie dans les années 1830 a permis l’essor de la reproduction mécanique des images et suscité une création artistique spécifiquement destinée à la publicité. Aux affiches pour les spectacles, se joignent dans les années 1880 celles pour les produits de luxe puis de consommation plus courante, dans un climat de concurrence pour une clientèle nationale et internationale de plus en plus nombreuse. Le format réduit de la carte-réclame a le mérite de réduire les coûts avec des tirages massifs et de pouvoir emporter celle-ci, contrairement aux affiches. Les plus grandes firmes de l’époque se saisissent donc de ce support pour diffuser gratuitement leur image de marque ; afin de fidéliser la clientèle, notamment enfantine, les publicitaires imaginent la création de séries thématiques qui pourraient être collectionnées.

Parmi d’autres confiseurs et industriels, la firme créée par Philippe Suchard en 1826 à Neuchâtel était devenue en 1900 un important acteur économique suisse renommé sur le plan international. Le cacao, importé des colonies et transformé en poudre à boire avec du lait, bonbons et tablettes, devient peu à peu un objet de consommation courante qui profite de la mode exotique et de l’avènement du régime sucré. La carte-réclame établit intelligemment une équivalence entre la Suisse et Suchard, qui doit rester gravée dans l’esprit du visiteur à qui l’on a immanquablement proposé, dans le Village, de consommer ce chocolat et d’en acheter à emporter.

Attirer le chaland et faire impression sont aussi les intentions du carton programme Phono-Cinéma-Théâtre. Le spectateur est guidé visuellement avec la représentation détaillée du pavillon, qui ne doit pas être confondu avec ses concurrents.

Outre les frères Lumière et leur catalogue déjà impressionnant, les vues animées fondent en effet le principe du Cinéorama : debout dans un fac-similé de nacelle de montgolfière, les spectateurs verraient défiler des paysages sur dix écrans disposés de façon circulaire. Le dispositif, inventé en 1897 par Raoul Grimoin-Sanson (1860-1941), attire la foule mais, pour des raisons de sécurité, aucune projection n’est finalement organisée.

Le Phono-Cinéma-Théâtre diffuse les films de Clément Maurice. Opérateur chez les Lumière, il est passé à la production et réalisation en 1899-1900, avec les passages épiques du répertoire théâtral.

La publicité imprimée joue la carte non du particularisme national, mais de l’œcuménisme international. Les drapeaux, les langues, l’usage du style Art nouveau sont autant de signaux à destination des Européens et des Américains, qui constituent la grande majorité du public. L’histoire ne dit pas si celui-ci s’est pressé pour voir sur écran les stars françaises inconnues, à part le « monstre sacré » Bernhardt, d’autant qu’il est peu probable que les cylindres aient été gravés en anglais ou en russe. C’était donc le dispositif qui était l’attraction principale, comme souvent dans les Expositions universelles.

COSANDEY Roland, ALBERA François (dir.), Cinéma sans frontières (1896-1918) : aspects de l’internationalité dans le cinéma mondial. Représentations, marchés, influences et réception / Images across borders : internationality in world cinema. Representations, markets, influences and reception, actes de colloque (Lausanne, 1992), Lausanne, Payot / Québec, Nuit Blanche Éditions, coll. « Sciences humaines », 1995.

MARTIN Marc, Trois siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, coll. « Histoire, hommes, entreprises », 1992.

ORY Pascal, Les Expositions universelles de Paris : panorama raisonné, avec des aperçus nouveaux et des illustrations par les meilleurs auteurs, Paris, Ramsay, coll. « Les nostalgies », 1982.

Sidérostat : Télescope de formule optique originale. La lumière, au lieu d’être directement focalisée par un miroir concave (parabolique), subit une première réflexion sur un miroir plan. Cette particularité permet l’immobilité du miroir parabolique, et donc du point de focalisation de la lumière, ce qui permet d’y adapter des appareils lourds.

Art nouveau : Style qui se développe dès la fin du XIXe siècle, d’abord en Belgique et en France. Il s’épanouit dans l’architecture et dans les arts décoratifs. La recherche de fonctionnalité est une des préoccupations de ses architectes et designers. L’Art nouveau se caractérise par des formes inspirées de la nature, où la courbe domine.

Alexandre SUMPF, « La publicité à l’Exposition universelle de 1900 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/publicite-exposition-universelle-1900

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