Expédition de Madagascar : marche de la colonne légère sur Andriba
Auteur : TINAYRE Louis
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1895
Date représentée : 15 septembre 1895
H. : 73,2 cm
L. : 100,2 cm
Personnages représentés : Jacques-Charles-René-Achille Duchesne, Louis-Joseph-Gilles de Torcy, capitaine Bassard, capitaine Duchâtelet, maréchal des logis Bernard.
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin
MV 5445 - 21-557137
L’expédition de Madagascar, 1895
Date de publication : Février 2022
Auteur : Guillaume BOUREL
Une conquête sous la pression du lobby réunionnais
L’intérêt français pour Madagascar se précise depuis les années 1860. L’enjeu est d’abord commercial car l’île exporte du riz, des peaux, des produits de teinture et beaucoup de bois exotique, et importe de plus de produits manufacturés, notamment textiles. Anglais et Français tentent d’obtenir des reines Ranavalona II (1868-1883) puis Ranavalona III (1883-1896) (1) l’ouverture du royaume Mérina (2) à leurs marchands. A Paris, les députés de la Réunion poussent les gouvernements de la IIIe République à une politique de la canonnière (3) qui aboutit au traité de 1885 par lequel la France « présidait aux relations extérieures » du royaume Mérina. Les Malgaches restent toutefois réticents à la présence des marchands français. L’Assemblée nationale vote en janvier 1894 les crédits d’une expédition qui doit imposer un protectorat effectif. Le commandant Duchesne est chargé de débarquer avec 18 000 hommes et de prendre la capitale Tananarive.
L’illustrateur Louis Tinayre couvre l’expédition pour le Monde illustré. Il appartient à cette nouvelle catégorie de « peintres-reporters » qui accompagne les campagnes coloniales de la IIIe République. Il suit de mai à août 1895 le commandant Duchesne (1837-1918) jusqu’à la veille de la prise d’Andriba en septembre à laquelle il n’assiste pas car l’officier a refusé que les journalistes accompagnent l’armée. Fort toutefois de ses dessins et photographies, il réalise ce tableau à son retour à Paris. Il fait partie d’un ensemble de trois peintures retraçant les moments forts de l’expédition commandées pour le musée de Versailles.
Madagascar conquise par des Africains
A l’arrière-plan, au centre de la toile, se dresse l’imposante crête d’Andriba que tiennent les soldats malgaches, soulignant le défi que les forces françaises doivent affronter. Les officiers coloniaux, qui se distinguent par leur casque blanc, l’observent comme s’ils défiaient un ennemi qui est autant l’armée du royaume mérina que le vaste espace hostile de l’île. Louis Tinayre s’est particulièrement attardé sur les tirailleurs sénégalais aux chéchias rouges et lourdement équipés. Ils forment deux colonnes qui convergent vers le centre du tableau dans une avancée qui paraît aussi inexorable que leur pas est décidé. Sous cette appellation générique, participent à la campagne de Madagascar des Malgaches, des Haoussas recrutés au Niger et également des Réunionnais. Le peintre s’attache à souligner la valeur de ces soldats, marchant pieds nus, sous une chaleur que rendent les teintes pâles des herbes sèches et des rochers.
Donner à voir la conquête coloniale aux Français
Les troupes indigènes ont joué un rôle décisif dans la bataille d’Andriba qui ouvre la voie à la prise de Tananarive. Leur recrutement est nécessaire pour pallier les moyens limités que la métropole consacre à la conquête coloniale et fournit à l’armée coloniale des troupes plus accoutumées aux conditions climatiques. La campagne de Madagascar ne fut pas aussi aisée que le tableau le suggère puisque Duchesne perdit 7000 hommes, succombant pour la plupart à la maladie. Au vu du sacrifice, la reconnaissance d’un protectorat par la reine le 1er octobre ne satisfait pas le gouvernement français qui, unilatéralement, rattache Madagascar au ministère des colonies. Alors que l’opinion publique française s’émeut des pertes élevées au sein du corps expéditionnaire français, le tableau de Louis Tinayre exalte à l’inverse l’épopée française à Madagascar et d’une certain façon la mission civilisatrice dont se réclame la République en mettant en avant les Africains enrôlés par la France. Cette vision à la fois héroïque et exotique s’impose en France et le tableau de la prise d’Andriba a été réutilisé par Louis Tinayre pour l’un des panoramas de 3 mètres sur 5 mètres sur Madagascar qu’il réalise pour l’exposition universelle de Paris de 1900.
Stephen Ellis, Un complot colonial à Madagascar, Karthala, 1990
Jean Meyer, Jean Tarrade, Anne Rey-Goldzeiguer et Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale des origines à 1914, Armand Colin, 2016
Jean-Pierre Rioux (dir.) Dictionnaire de la France coloniale, Flammarion, 2007
Lyne Thornton, Les Africanistes, peintres voyageurs (1860-1960), ACR éditions, 1990
1- Ranavalona III (1883-1896) : après l'établissement du protectorat français, la reine fut déposée et déportée à Alger. Elle est la dernière reine de Madagascar.
2- Le royaume Mérina : il naît au centre de l'île ; au XVIIe siècle, la capitale est Analamanga, la future Tananarive actuelle Antananarive. La puissance du royaume s'affirme au XVIIIe siècle, son roi traite avec les Anglais et ouvre l'île aux Européens. Anglais et Français sont présents sur l'île. En 1885, la France installe un résident français à Tananarive, instaurant de fait un protectorat sur Madgascar, protectorat reconnu par l'Angleterre en 1890.
3 - La « politique de la canonnière » consistait à tirer depuis la mer au canon sur les côtes des États qui ne payaient pas leurs dettes financières. Elle a été abolie par la convention Drago-Porter en 1907.
Guillaume BOUREL, « L’expédition de Madagascar, 1895 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/expedition-madagascar-1895
Lien à été copié
Découvrez nos études
Madagascar. 1925. Travail d'écriture en plein air
Depuis la loi de 1896,…
Le plan d'un bateau négrier, symbole du mouvement abolitionniste
Vers 1770, apparaît en Angleterre et aux États-Unis l’abolitionnisme, mouvement d’une nouveauté radicale qui remet…
Ali Ben Ahmed, calife de Constantine, lors de la conquête française de l'Algérie
Depuis 1830, le pays s’est lancé dans la conquête de l’Algérie. Inaugurée par Charles X, poursuivie par Louis-…
Kan Gao, Chinois de Cayenne
« Noirs de pelle », esclaves en Guyane
En Guyane, le travail des esclaves est largement mobilisé pour la création d’unités de production…
La Guadeloupe, une image au service de la colonisation
L'histoire de la colonisation de la Guadeloupe par les européens débute avec le second voyage de Christophe…
Exposer l’autre : la muséographie des objets non occidentaux au tournant du XXe siècle
Avec l’exploration et la colonisation des pays non occidentaux se développent les expositions d’objets…
Les Soldats indigènes dans les troupes coloniales
La constitution des troupes de marine au début du XVIIe siècle doit permettre de…
"Le tour du monde en un jour", une exposition coloniale
Depuis les années 1890, la constitution de l’empire colonial français ne rencontre plus de…
La Croisière jaune, une conquête de l’Orient pour conquérir l’Occident
Trois semaines avant l’ouverture officielle de l’Exposition coloniale de Paris, André Citroën donne le signal…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel