L'Assomption
Mater Dolorosa
La Vierge adorant l'hostie
L'Assomption
Auteur : PRUD'HON Pierre-Paul
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
H. : 216 cm
L. : 149 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau
INV 7339 - 18-517162
Le culte de la Vierge Marie
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Ivan JABLONKA
Le XIXe siècle, contrairement au XVIIIe, est un grand siècle marial. Que ce soit dans les sanctuaires ou les cantiques, « Marie, Vierge, Mère, Madone et Reine est […] omniprésente » (J. Le Goff, R. Rémond, Histoire de la France religieuse. Du roi Très Chrétien à la laïcité républicaine, XVIIIe-XIXe siècle, t. 3, Seuil, 1991, p. 494). Dès 1801, Chaminade rédige un Manuel du Serviteur de Marie. On observe à partir de 1826 la diffusion du Rosaire vivant, qui consiste en prières et méditations sur les mystères de la Vierge. La pratique du mois de Marie se développe ; l’année est scandée par les fêtes de la Vierge, comme la Purification, l’Annonciation, la Visitation, l’Assomption (fêtée le 15 août), etc.
Cette piété mariale est nourrie par de nombreuses apparitions. La Vierge se manifeste en 1830, rue du Bac à Paris, à la novice Catherine Labouré ; en 1846, deux jeunes bergers de La Salette (Isère) l’aperçoivent ; c’est à Lourdes, en 1858, qu’elle parle à Bernadette Soubirous, âgée de 14 ans ; en 1871, quatre enfants de Pontmain (Mayenne) disent l’avoir vue. Ces apparitions, revanches des humbles sur les puissants, suscitent d’importants mouvements de ferveur populaire. La « médaille miraculeuse », utilisée contre le choléra, est frappée à 8 millions d’exemplaires après le prodige de la rue du Bac ; en 1842, elle atteint une diffusion de 100 millions de pièces. La hiérarchie s’intéresse de près à ces affaires. Au cours du siècle, Bernadette Soubirous et Catherine Labouré sont canonisées.
Surtout, le pape prononce en 1854 le dogme de l’Immaculée Conception, selon lequel Marie a été conçue sans souillure.
La peinture porte la trace de cette glorification.
L’Assomption de la Vierge de Prud’hon (1758-1823), souvent comparée aux Madones de Raphaël et de Murillo, remporte dès les années 1820 un vif succès. Dans ce tableau, Marie est miraculeusement enlevée au ciel par des anges. La chaleur des tons, le geste de la Vierge et son drapé tumultueux emportent le fidèle dans un mouvement ascendant qui rappelle la peinture religieuse baroque.
La sensualité et l’atmosphère vaporeuse de cette Assomption contrastent avec la Mater Dolorosa de Flandrin (1809-1864). Élève et disciple d’Ingres, lauréat du prix de Rome en 1832, il représente Marie seule devant la Croix, le visage sévère, chargée des objets de la Passion. La sobriété de la palette et le style dépouillé dénotent la douleur, voire l’angoisse.
La Vierge adorant l’hostie d’Ingres (1780-1867), inscrite dans un cercle comme les tondi de la Renaissance, se recueille devant ce qui symbolise la chair de son fils.
Par-delà leurs différences, les trois tableaux se répondent : la frontalité de la composition tend à impliquer le spectateur, mais la majesté de Marie suscite un respect doublé de fascination.
Que la Vierge soit rappelée au ciel, dépositaire des instruments de la Crucifixion ou en méditation devant l’hostie, elle est toujours associée au Christ. Ici est illustrée l’ « idée d’une étroite participation au Salut, d’une Vierge corédemptrice ». C’est que la redécouverte des souffrances du Fils, au cours du premier XIXe siècle et dans le sillage de la pensée du Napolitain Liguori, attire naturellement l’attention sur Marie.
Mais ces images pieuses célèbrent, outre la mère de Dieu, la beauté de la femme. Ce n’est pas un hasard : on observe, au sein de l’Église, une féminisation des fidèles, des clergés, mais aussi des croyances. L’enseignement des filles, futures épouses et mères, entre dans une stratégie de reconquête catholique, alors que la désaffection religieuse s’accuse chez les hommes. En 1876, les congrégations instruisent 60 % des filles. L’iconographie s’en ressent : les figures de Catherine d’Alexandrie, Sainte-Thérèse de Lisieux, Thérèse d’Avila et Jeanne d’Arc (sans parler de la Vierge) gagnent en importance. Plus largement, les écrits des saint-simoniens, d’Auguste Comte ou de Michelet, pourtant éloignés de toute préoccupation religieuse, traduisent une « véritable sacralisation de la femme » – ce qui n’empêche pas cette dernière d’être en état d’infériorité légale par rapport à l’homme, mari ou père, tout au long du siècle.
Gérard CHOLVY, Yves-Marie HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, 1880-1930, t. 2, Toulouse, Privat, 1985.
Gérard CHOLVY, Être chrétien en France au XIXe siècle, 1790-1914, Paris, Seuil, 1997.
Claude LANGLOIS, Le Catholicisme au féminin. Les congrégations françaises à supérieure générale au XIXe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 1984.
Jacques LE GOFF, René RÉMOND, Histoire de la France religieuse. Du roi Très Chrétien à la laïcité républicaine, XVIIIe-XIXe siècle, t. 3, Paris, Seuil, 1991.
Ivan JABLONKA, « Le culte de la Vierge Marie », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/culte-vierge-marie
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