Aller au contenu principal
La Part des pauvres.

La Part des pauvres.

Auteur : ROY Marius

Lieu de conservation : musée des Beaux-Arts (Rennes)
site web

Date de création : 1886

Date représentée : 1886

H. : 105 cm

L. : 155 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Musée des beaux-Arts de Rennes, Dist. RMN - Grand Palais / Adélaïde Beaudoin

Une vision sociale de l'armée

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Patrick DAUM

La pauvreté et la malnutrition dans la France de la IIIe République

Dans la société française du XIXe siècle, les inégalités sont encore criantes alors que les classes supérieures représentent seulement 15 % environ de la population urbaine. Souvent touchées par la précarité, les classes populaires sont attirées par les villes, dont la physionomie témoigne des disparités sociales. Dans les quartiers les plus pauvres, les revenus sont insuffisants et irréguliers, les logements insalubres, l’alimentation carencée et le travail fatigant. La condition des travailleurs manuels est celle du dénuement et des lendemains incertains. L’existence y est pour bon nombre difficile, tributaire d’un rythme irrégulier de travail, d’une embauche au coup par coup et d’un chômage récurrent.

Une vision sociale de l’armée

La population urbaine touchée par la pauvreté se rassemblait fréquemment à la porte des casernes militaires situées dans les villes. Le tableau représente une scène authentique : le dimanche, des cuirassiers à la porte de leur quartier, situé vraisemblablement dans la région de Rennes, donnent un reste de soupe à des mendiants. Le peintre Marius Roy, nommé maître de dessin à l’Ecole polytechnique, se spécialisa dans la représentation de la vie militaire dans ses aspects les plus simples. Plusieurs cuirassiers à l’intérieur de leur quartier semblent être des appelés, dont certains sont de corvée. Ce tableau, exposé au Salon de 1886 et à l’Exposition nationale et régionale de Rennes en 1887, dans lequel se fait sentir l’influence du naturalisme, illustre le lien de solidarité qui unissait l’armée et la population sous la IIIe République. En assurant la défense de la nation, l’armée n’est plus coupée du peuple comme auparavant, elle se veut aussi éducatrice, sociale, voire charitable comme ici.

Le renouvellement de l’iconographie militaire

Ce tableau de propagande cherche à renouveler l’iconographie militaire. Cette vision sociale de l’armée, très rare en peinture, illustre l’idéologie égalitaire de la IIIe République. Tenue pour responsable de la défaite de 1870-1871, l’institution incarne par la suite le salut social et représente un rempart contre la guerre civile. Le redressement moral de la nation lui incombe.

Au cours des années 1880, le service militaire, obligatoire pour tous les citoyens depuis 1872, bouleverse la société française par le mélange des classes sociales qui s’opère dans les casernes. Pour pallier le manque de bâtiments nécessaires à l’accueil des conscrits, l’armée réquisitionne parfois des monuments anciens comme c’est le cas dans le tableau de Roy où apparaît un pont-levis. Une instruction ministérielle du 20 mars 1875 améliore le confort des bâtiments à usage militaire, introduisant l’hygiène dans les quartiers.

Au cours des années 1880, les quartiers suscitent curiosité et sympathie. La peinture militaire s’écarte des conventions précédemment en vigueur au profit d’un réalisme documentaire, genre inauguré par Edouard Detaille. La représentation militaire évolue de l’épique vers l’anecdotique et privilégie la vie quotidienne du soldat. Les rituels du quartier ou de la caserne, lieu de passage obligé de la majorité des jeunes Français, sont au cœur d’un nouveau folklore illustré par le comique troupier. La vie de garnison rythme la vie des cités provinciales par les manœuvres des régiments et surtout la revue du 14-Juillet.

Toutefois, dès les années 1890, l’opinion publique se lasse de ces représentations banales de la vie quotidienne d’une armée de temps de paix et reste nostalgique d’une peinture militaire évoquant les glorieuses victoires d’un passé prestigieux. La Part des pauvres témoigne ainsi de l’épuisement du sujet militaire en peinture, qui n’a plus rien à offrir à la curiosité du public. De manière générale, la peinture militaire continue d’entretenir la nostalgie des provinces perdues, bientôt reconquises par les « poilus ». Il faut attendre la Première Guerre mondiale et la vie dans les tranchées pour voir les artistes renouveler entièrement le sujet et l’intérêt du public.

Chistophe CHARLE Histoire sociale de la France au XIXe siècle Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1991.

François ROBICHON, L’Armée française vue par les peintres, 1870-1914 Herscher-Ministère de la Défense, 1998.

Raoul GIRARDET La Société militaire de 1815 à nos jours Perrin, Paris, 1998.

Patrick DAUM, « Une vision sociale de l'armée », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/vision-sociale-armee

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Célébrer la guerre : la bataille des images d’Épinal

Célébrer la guerre : la bataille des images d’Épinal

L’imagerie populaire et l’imaginaire patriotique

Quand éclate la guerre, au début du mois d’août 1914, l’imagerie populaire a déjà amplement gagné…

Célébrer la guerre : la bataille des images d’Épinal
Célébrer la guerre : la bataille des images d’Épinal
Célébrer la guerre : la bataille des images d’Épinal
Les Premiers aéroplanes militaires

Les Premiers aéroplanes militaires

La » nouvelle arme »

Durant les premières années du XXe siècle, l’aviation connaît sa véritable naissance : les machines se…

Les Premiers aéroplanes militaires
Les Premiers aéroplanes militaires
Les Premiers aéroplanes militaires
Le prince de Condé

Le prince de Condé

Le prince et le peintre

Le 19 mai 1643, le jeune Louis II de Bourbon, duc d’Enghien, fils aîné du prince de Condé et cousin du roi de France,…

Le 14 juillet 1880 : la République et l’armée

Le 14 juillet 1880 : la République et l’armée

Le premier 14 juillet

Un an après l’élection du premier républicain à la présidence de la République, Jules Grévy, la loi du 6 juillet 1880 fait…

Reconstituer la guerre de 1914

Reconstituer la guerre de 1914

Compte tenu des handicaps techniques liés à la prise de vue photographique en 1914-1918, et surtout de l’immense danger du champ de bataille, nous…

Bivouac après le combat du Bourget, 21 décembre 1870

Bivouac après le combat du Bourget, 21 décembre 1870

La défaite de l’armée de Napoléon III à Sedan (Mac-Mahon) et à Metz (Bazaine) à l’automne 1870 provoqua l’effondrement du Second Empire et la…

Une Rue de village pendant la révolution mexicaine

Une Rue de village pendant la révolution mexicaine

Les débuts d’une longue révolution

Après le soulèvement dirigé par Madero, en novembre 1910, pour contester une nouvelle réélection du vieux…

1870 : de la défaite au désir de revanche

1870 : de la défaite au désir de revanche

Les défaites françaises de 1870

La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Durant les semaines suivantes, l’armée française…

1870 : de la défaite au désir de revanche
1870 : de la défaite au désir de revanche
Louis XIV couronné par la Victoire

Louis XIV couronné par la Victoire

La guerre de Hollande (1672-1678) menée par Louis XIV contre les Provinces-Unies (les Pays-Bas actuels) relève de plusieurs causes, mais la…

Les Bretons dans la guerre de 1914-1918

Les Bretons dans la guerre de 1914-1918

Les Bretons dans la guerre

Le nombre des Bretons tués au cours de la Grande Guerre est estimé à 130 000, ce qui représente un pourcentage de…