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Couverture du catalogue de l'Exposition Le Juif et la France au palais Berlitz (5 septembre 1941 - 5 janvier 1942)

Couverture du catalogue de l'Exposition Le Juif et la France au palais Berlitz (5 septembre 1941 - 5 janvier 1942)

Auteur : PÉRON René

Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web

Date de création : 1941

impression

Domaine : Affiches

© Paris - musée de l'Armée, dist. RMN - Grand Palais / Christophe Chavan

lien vers l'image

12-553815 / 23594 BIB

L’exposition Le Juif et la France à Paris

Date de publication : Février 2016

Auteur : Alexandre SUMPF

Une exposition « pédagogique » et « scientifique ».

Du 5 septembre 1941 au 5 janvier 1942, l’exposition intitulée « Le Juif et la France » se tient au palais Berlitz, situé dans le deuxième arrondissement de Paris, près de l’Opéra. L’événement est financé et organisé par l’Institut d’étude des questions juives, une association privée créée en mai 1941 avec le soutien du bureau de la propagande allemande (Propagandastaffel) et placée, dans les faits, sous le contrôle direct de l’occupant nazi.

Officiellement, l’Institut d’étude des questions juives est un organisme privé sans lien formel avec Vichy, et plutôt sous l’influence directe des services de propagande allemands. On peut penser néanmoins que l’exposition doit aussi permettre de justifier les mesures anti juives du régime (notamment les articles relatifs au statut des Juifs d'octobre 1940 et de juin 1941) qui catégorisent et différencient ces populations pour restreindre leurs droits, établissant de fait l’antisémitisme en politique d’État.

En partie inspirée par les travaux « scientifiques » du professeur d’anthropologie George Montandon (notamment son ouvrage Comment reconnaître le Juif ? publié en novembre 1940), l’exposition est présentée comme une entreprise pédagogique. Il s’agit en effet d’« aider les Français à reconnaître les Juifs par leurs caractéristiques physiques » et de démontrer « l’emprise corruptrice générale » que ces derniers exerceraient sur le pays.

À cet effet, de nombreuses illustrations, photographies, moulages et maquettes entendent présenter les juifs. De manière caricaturale, stéréotypée et raciste, les portraits physiques (nez crochus, cheveux sales, doigts griffus, bouches lippues) et moraux (avidité, mensonge, etc.) destinés au public suggèrent le danger qu’ils font courir à la France.

L’image « Le Juif et la France » au palais Berlitz (5 septembre 1941-5 janvier 1942) ici étudiée, est à la fois la couverture du catalogue de l’exposition et l’affiche choisie pour promouvoir cette dernière. Placardée dans différents endroits de la ville et placée en très grand format sur le devant du palais Berlitz, cette représentation lourde de symboles soulève des questions sur la propagande antisémite et ses résultats dans la France occupée par les nazis et gouvernée par le pouvoir Vichyste.

Une iconographie typique

Le catalogue de l’exposition, comporte une introduction de Paul Sézille (secrétaire général de l’Institut d’étude des questions juives) et des textes de Jean Marquès-Rivière, écrivain et journaliste collaborationniste. L’image utilisée comme couverture a été réalisée par René Péron, illustrateur renommé, auteur notamment de nombreuses affiches de cinéma parmi les plus célèbres depuis les années 30 et après la guerre.

« Le Juif et la France » au palais Berlitz (5 septembre 1941-5 janvier 1942) indique l’événement et sa localisation en lettres rouges. On remarque la typographie différenciée pour le mot « juif », dont les caractères en simili hébraïque « s’opposent » au mot « France » écrit en lettres franches, pleines et massives. L’affiche indique également (en bas) que cette exposition se tient « sous l’égide de l’Institut d’étude des questions juives ».

L’image reprend certains codes de l’iconographie antisémite traditionnelle. Le « Juif » est ici une sorte de rabbin (habits et châle de prière, cheveux et barbe caractéristiques) qui enserre le globe terrestre comme pour se l’accaparer. Les traits de son visage sont assez modérément caricaturaux (le nez, les yeux en amande) ; on remarque également son regard avide, fourbe et presque possédé. Il pose des mains crochues sur les pays d’Europe (et donc la France), recouvrant partiellement la planète des pans de sa robe. Il s’agit donc bien de marquer les esprits en montrant que « le Juif » est autre, différent, prédateur et dangereux.

La propagande antisémite dans la France occupée

La caricature et la propagande antisémites ne naissent évidemment pas en France avec l’occupation allemande. La deuxième partie du XIXe siècle notamment avec l’Affaire Dreyfus, comme les années 30 ont donné lieu à de nombreuses représentations comparables à celle présentée ici. Il faut néanmoins souligner le contexte dans lequel se tient l’exposition, la nature de celle-ci ainsi que les conditions de la diffusion (affiches, fascicules, catalogue) de cette illustration pour évoquer sa portée. Si les chiffres de fréquentation de l’exposition varient, on estime que près de 200 000 visiteurs se sont rendus au Palais Berlitz, on sait que les images comme « Le Juif et la France » au palais Berlitz (5 septembre 1941-5 janvier 1942) touchent un public encore plus large.

Pour les nazis et les collaborationnistes, il s’agit de convaincre les français que le véritable ennemi n’est pas l’Allemagne mais « le Juif », responsable des maux de la France. Dans une rhétorique assez classique, la typographie utilisée oppose le eux et le nous (la France), tandis que l’illustration elle-même (regard inquiétant) insiste sur le danger mondial mais aussi national que les juifs feraient courir au pays. L’image montre d’ailleurs que le péril est grand, tant « le Juif », ici littéralement cosmopolite, a déjà presque achevé son entreprise d’accaparement ou de recouvrement. C’est dans cette perspective qu’il serait urgent de savoir le reconnaître (pour le chasser ou du moins de s’en prémunir), avec l’aide de l’Allemagne qui ne voudrait finalement rien de mieux qu’aider la France et l’Europe à se retrouver elles-mêmes, au sein d’un nouvel « ordre » plus sain.

Plus globalement il s’agit aussi de légitimer autant que possible la collaboration en présentant l’occupation comme un moindre mal, moindre que « le Juif » en tout cas. La défaite serait due à des forces extérieures et étrangères à la Nation qu’il faudrait d’abord identifier et combattre avant d’engager le « Redressement National ».

AFOUMADO Diane, L’affiche antisémite en France sous l’Occupation, Paris, Berg International Éditeurs, 2008.

AZÉMA Jean-Pierre, Nouvelle histoire de la France contemporaine. XIV : De Munich à la Libération (1938-1944), Paris, Le Seuil, coll. « Points : histoire » (no 114), 1979.

AZÉMA Jean-Pierre, WIEVIORKA Olivier, Vichy (1940-1944), Paris, Perrin, 1997.

ORY Pascal, Les collaborateurs (1940-1945), Paris, Le Seuil, 1976.

PAXTON Robert O., La France de Vichy (1940-1944), Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique » (no 2), 1973.

RIDING Alan, Et la fête continue : la vie culturelle à Paris sous l’Occupation, Paris, Plon, 2012.

Alexandre SUMPF, « L’exposition Le Juif et la France à Paris », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/exposition-juif-france-paris

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