Aller au contenu principal
Danse à la ville.

Danse à la ville.

Danse à la campagne.

Danse à la campagne.

Après le bal (ancien titre : Retour du bal)

Après le bal (ancien titre : Retour du bal)

Danse à la ville.

Danse à la ville.

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1883

Date représentée : 1883

H. : 180 cm

L. : 90 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski

http://www.photo.rmn.fr

96-016605 / RF1978-13

Le bal, une pratique sociale

Date de publication : Octobre 2014

Auteur : Jean-Claude YON

Le siècle de la « dansomanie »

Au XIXe siècle, le bal fait partie, selon des modalités variées, des loisirs de toutes les couches de la population. En automne et en hiver, la saison mondaine est rythmée par un certain nombre de bals privés, réservés à la haute société, dont la fonction la plus importante est la préparation des alliances matrimoniales. Ouverts à tous (mais payants), les bals publics apparaissent à Paris sous le Directoire et regroupent salles d’hiver et jardins d’été. Le phénomène connaît son apogée sous la monarchie de Juillet ; dans les jardins installés pour la plupart aux Champs-Élysées – comme le bal Mabille – triomphent la valse, la polka et la mazurka. La décadence des bals publics à partir du Second Empire est contemporaine de l’essor des guinguettes le long de la Seine et de la Marne. Alors que les anciennes guinguettes établies aux barrières de Paris disparaissent, des bourgades comme Charenton, Suresnes ou Chatou (avec la célèbre maison Fournaise immortalisée par Renoir) accueillent dans leurs buvettes dansantes une clientèle parisienne venue goûter aux joies d’une nature plus ou moins factice. Dans ces lieux, bientôt appelés « bals musettes », apparaissent après 1900 de nouvelles danses importées de l’étranger : boston, matchiche, cake-walk. La danse s’impose ainsi comme un loisir pratiqué par tous. L’étudiant qui va « guincher » avec une grisette dans un bal de quartier, le fonctionnaire que sa carrière oblige à se rendre avec son épouse au bal de la préfecture, la jeune fille qui fait ses débuts lors d’un bal donné au faubourg Saint-Germain : tous participent à cette « dansomanie » observée par les contemporains.

Danse et bourgeoisie

Les personnages peints par Renoir et par Roll appartiennent au même monde, malgré les apparences. En effet, La Danse à la campagne n’est pas une scène populaire. Conçus comme un diptyque, les deux tableaux de Renoir sont les deux faces d’une même réalité sociale, comme le suggèrent mieux leurs titres primitifs : Danse à Paris et Danse à Chatou (en 1883 à la galerie Durand-Ruel), Danse l’hiver et Danse l’été (en 1886 lors d’une exposition à Bruxelles). C’est bien le même danseur (Paul Lhote, un ami du peintre ayant posé pour l’une et l’autre toiles) qui est deux fois mis en scène – dans un cas portant la traditionnelle tenue de soirée (habit noir et gants blancs) et dans l’autre un simple veston et un pantalon bleus. Sa partenaire à Chatou est peut-être une demi-mondaine ou une jeune fille de la campagne. Sa robe longue à volant, son chapeau rouge à brides et ses gants à manchettes jaunes n’aident guère à la situer socialement. Mais l’expression spontanée de joie qui se lit sur son visage tourné vers le spectateur fait supposer qu’elle se livre franchement au plaisir de la danse. Le coin de table avec ses restes de repas à l’arrière-plan tout comme le canotier de paille qui a roulé à terre suggèrent en outre un joyeux laisser-aller et un oubli des convenances que le danseur ne saurait s’autoriser, pour sa part, qu’exceptionnellement. La Danse à la ville, au contraire, montre le même personnage dans une posture bien plus guindée. Les marronniers de Chatou ont laissé place aux plantes vertes, la terrasse à balustrade est remplacée par une salle de bal en marbre. La seconde partenaire du danseur porte une robe de soirée à traîne et ses cheveux sont relevés en un élégant chignon qu’orne une fleur. Un critique remarque, en 1892 : « L’orchestre, qui sait la froideur des plaisirs mondains, ralentit la mesure et le couple circule paresseusement. Nulle animation, nulle fringale de plaisir en cette physionomie. » On peut imaginer que le tableau de Roll montre la même jeune femme quelques heures plus tard, de retour chez elle au petit matin. Secondée par sa bonne, elle délace son corset. La connotation érotique que pourrait avoir ce geste est atténuée par la mélancolie qui se dégage de la scène, comme si, dépouillée de sa parure mondaine, l’héroïne de Roll était renvoyée à une douloureuse solitude.

Le tourbillon de la vie moderne

Élève de Gérôme et de Bonnat, Alfred Roll n’est pas pour autant un peintre académique et conventionnel ; comme les impressionnistes, il trouve de grands attraits aux scènes de la vie moderne. Aussi Retour du bal peut-il être légitimement placé à côté de La Danse à la ville et de La Danse à la campagne qui comptent pourtant parmi les toiles les plus célèbres de Renoir. Les trois tableaux ont du reste la particularité de présenter des personnages peints en pied et grandeur nature qui s’imposent avec force au spectateur. Renoir et Roll semblent rechercher dans le thème du bal comme une transposition du rythme nouveau imposé aux Français par la modernisation que connaît le pays à partir des années 1850. Tandis que le développement du chemin de fer rend possible la découverte de la vitesse, le bal apparaît comme la métaphore d’une société en perpétuel mouvement et où chacun est condamné à tourner dans le cercle qui lui est assigné. Quand ce mouvement s’arrête, comme dans le tableau de Roll, il semble ne pouvoir déboucher que sur l’ennui et sur le vide – en l’occurrence la vue grise que reflète le miroir face auquel elle se déshabille. Alors que la danse telle qu’elle se pratique à Chatou permet encore l’expression d’une vraie joie de vivre, le bal mondain n’est qu’un rite social où, malgré leur enlacement, les danseurs paraissent s’ignorer.

Anne DISTEL, John HOUSE et Lawrence Gowing, Renoir, catalogue de l’exposition du Grand Palais, 14 mai-2 septembre 1985, Paris, RMN, 1985.

François GASNAULT, Guinguettes et lorettes : bals publics et danse sociale à Paris entre 1830 et 1870, Paris, Aubier, 1986.

Henri JOANNIS-DEBERNE, Danser en société : bals et danses d’hier et d’aujourd’hui, Paris, C. Bonneton, 1999.

Jean-Claude YON, « Le bal, une pratique sociale », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/bal-pratique-sociale

  • Retrouvez cette œuvre dans le MOOC « L’impressionnisme, du scandale à la consécration ». Chaque cours s’articule autour d’une thématique précise et comprennent des ressources documentaires sous forme de vidéo et des activités d’apprentissage. A la fin de chaque séquence, un quiz ludique permet aux participants de s’autoévaluer sur les connaissances acquises.

Ce MOOC, gratuit et accessible à tous, est disponible à cette adresse : www.mooc-impressionnisme.com

 

Anonyme (non vérifié)

super site, superbes images
bravo aux deux peintres

ven 03/12/2010 - 16:23 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Merci pour vos compliments.
Et merci aussi aux deux peintres. Il est vrai que ces tableaux sont captivants.

lun 06/12/2010 - 16:57 Permalien
Anonyme (non vérifié)

ce site est très intéressant continuez ainsi

lun 25/05/2015 - 12:04 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La monarchie de Juillet ou le triomphe de la bourgeoisie

La monarchie de Juillet ou le triomphe de la bourgeoisie

Louis-François Bertin a d’abord été le secrétaire du duc de Choiseul. Partisan de la Révolution en 1790 puis de la monarchie constitutionnelle, sa…

Enterrement de la II<sup>e</sup> République

Enterrement de la IIe République

Singulier destin que celui de cet enterrement de campagne ! Symbole de l’ordure moderne pour les contemporains, chef-d’œuvre révéré aujourd’hui,…

Les caisses d’épargne

Les caisses d’épargne

La question sociale et le livret de caisse d’épargne

Les caisses d’épargne apparaissent dans divers pays européens à la fin du XVIIIe

Le vélo sous toutes ses formes

Le vélo sous toutes ses formes

Le vélo à la « Belle Époque »

Dans un premier temps réservée à la bourgeoisie, la pratique du « vélocipède » s’est largement répandue à partir…

Le vélo sous toutes ses formes
Le vélo sous toutes ses formes
Le vélo sous toutes ses formes
Le vélo sous toutes ses formes
Promenades aériennes

Promenades aériennes

La folie Beaujon

Nicolas Beaujon (1708-1786), banquier à la cour de Louis XVI fait construire une folie entre le faubourg Saint-Honoré et les…

Aspects de la misère urbaine au XIX<sup>e</sup> siècle

Aspects de la misère urbaine au XIXe siècle

Plusieurs événements, sous la monarchie de Juillet, ont éveillé la réflexion de la bourgeoisie au sujet de la misère populaire : la révolution de…

Aspects de la misère urbaine au XIX<sup>e</sup> siècle
Aspects de la misère urbaine au XIX<sup>e</sup> siècle
Vue d'une partie du port et des quais de Bordeaux : dit Les Chartrons et Bacalan

Vue d'une partie du port et des quais de Bordeaux : dit Les Chartrons et Bacalan

Entre 1804 et 1807, le port de Bordeaux connaît une période relativement faste en comparaison des années sombres de la Révolution. Sous la…

Femmes à la cigarette à la Belle Époque

Femmes à la cigarette à la Belle Époque

Les années 1900

La période d’avant la Grande Guerre passe pour un âge d’or. Bien sûr, c’est le cas uniquement pour l’élite sociale du pays. Par…

Femmes à la cigarette à la Belle Époque
Femmes à la cigarette à la Belle Époque
Madame Récamier

Madame Récamier

Fille d’un notaire promu conseiller de Louis XVI, Jeanne Bernard (qui se fait appeler Juliette) épouse en 1793, à quinze ans, le banquier Jacques-…

Pionnier du cinéma

Pionnier du cinéma

L’invention du cinématographe

Après les lanternes magiques, la chronophotographie et le Kinetoscope d’Edison, et dans la lignée des travaux de d’…