Paysage d'usines.
Auteur : STEINLEN Théophile Alexandre
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 27 cm
L. : 41 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Michel Urtado
RF 1970 23 - 12-544939
La banlieue parisienne à la fin du XIXe siècle
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Louis BERGERON
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, la banlieue nord de Paris a été soumise à une industrialisation massive. Ainsi est né un paysage urbain d’un type nouveau, caractérisé par un enchevêtrement presque chaotique d’usines et d’habitations hétéroclites, situées au voisinage de terrains vagues et soumises à une pollution atmosphérique omniprésente.
Cette croissance désordonnée s’éloigne du vieux modèle de l’urbanisme parisien ou de ses faubourgs, devenus depuis 1860 des arrondissements périphériques, modèle qui se caractérisait par la conquête d’îlots conservant en façade sur rue une allure relativement harmonieuse. Nous sommes également loin du modèle plus tardif et plus moderne des très grandes usines régnant exclusivement sur de vastes surfaces.
Il s’agit d’un tableautin qui est davantage l’œuvre du dessinateur-illustrateur de talent qu’était Steinlen que d’un peintre habitué aux grandes fresques historiques ou paysagères. Steinlen a côtoyé Toulouse-Lautrec, Vuillard, Bonnard, Braque, Picasso – et l’on pourrait retrouver sans doute l’influence de tel ou tel d’entre eux dans le choc des géométries ou dans la manière d’étaler assez grassement les couleurs.
Celui qui a été un merveilleux dessinateur et sculpteur de chats a fait son apprentissage professionnel comme exécutant de modèles de tissus imprimés chez les artistes mulhousiens. Philanthrope, influencé par le socialisme utopique, Steinlen a dessiné pour les revues satiriques ou franchement anarchistes : Le Chat noir, Gil Blas illustré, Le Chambard socialiste, La Feuille, L’Assiette au beurre.
Très sensible à l’atmosphère des rues populaires de Paris, aux misères de la Première Guerre mondiale, il peint ici l’atmosphère industrielle avec une vision très particulière : les teintes sont ternes ou sombres ; au premier plan, la terre. Est-ce une carrière, un dépotoir ? Dans le haut du tableau, les fumées brouillent et salissent le ciel ; en bas on ne distingue pas âme qui vive, mais on imagine bien que les lieux représentés sont ceux d’une condition ouvrière morose.
La représentation est précise à beaucoup d’égards : variété des cheminées dont les unes, à gauche, évoqueraient celles d’une centrale thermique, tandis que vers le centre du tableau d’autres, plus étroites, évacuent sans doute les fumées de petits ateliers à bonne hauteur au-dessus des toits. La plus massive, au centre, est peut-être celle d’un four. Les immeubles à deux, trois ou quatre étages, aux façades nues percées de fenêtres étroites, trahissent quant à eux l’accumulation d’appartements aux surfaces resserrées.
L’œuvre nous montre l’harmonisation difficile de l’industrie et de la ville, des exigences de la production et de celles de la vie quotidienne. Hors de Paris, l’usine acquiert des droits qui étaient strictement contrôlés intra-muros, et impose des conditions de promiscuité pénibles dont la population, logée au contact même des nuisances et des pollutions, s’accommode tant bien que mal. Le résultat est éloquent : la première banlieue est celle d’un « non-urbanisme » dont elle commence tout juste à se remettre aujourd’hui. Le peintre a donc fixé de façon éloquente sur la toile un moment – un paroxysme peut-être – de l’histoire de la congestion industrielle de la proche banlieue.
Gérard NOIRIEL, Les Ouvriers dans la société française, Paris, Seuil coll. « Points Seuil », 1986.
Jean BASTIÉ, La Croissance de la banlieue parisienne, Paris, PUF, 1964.
Louis BERGERON, L’Industrialisation de la France au XIXe siècle, Paris, Hatier, coll. « Profil-dossier », 1979.
Louis CHEVALIER, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIXe siècle, Paris, Plon, 1958.
Georges DUBY (dir.), Histoire de la France urbaine, t. 3, La Ville de l’âge industriel, par Maurice AGULHON, Françoise CHOAY, Maurice CRUBELLIER, Yves LEQUIN, Marcel RONCAYOLO, Paris, Seuil, 1983, réed coll. « Points Histoire », 1998.
Alain FAURE (dir.), Les Premiers Banlieusards : aux origines des banlieues de Paris (1860-1940), Paris, Créaphis, 1991.
Jean BASTIÉ, La Croissance de la banlieue parisienne, Paris, PUF, 1964.
Louis BERGERON, « La banlieue parisienne à la fin du XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/banlieue-parisienne-fin-xixe-siecle
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
La banlieue parisienne à la fin du XIXe siècle
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, la banlieue nord de Paris a été soumise à une industrialisation massive. Ainsi est né un paysage…
La gare dans le paysage urbain
Avec le développement du réseau ferré apparaissent des ouvrages et des équipements nouveaux, mais aussi des lieux qui n’existaient pas auparavant…
Le décintrement du pont de Neuilly
Achevé en 1775, ce tableau représente le décintrement des arches du pont de Neuilly, le 22 septembre…
Jaurès et le pacifisme
Le 20 mai 1913, craignant des débordements antimilitaristes, le gouvernement interdit la manifestation annuelle à la mémoire des communards qui…
Football et culture urbaine
En 1937, un peintre presque anonyme, signant du nom de Lanoux, réalise la peinture à l’huile…
L'Évolution du paysage industriel
Les dates qui encadrent ces quatre œuvres correspondent très exactement à la période d’intense industrialisation de la plaine Saint-Denis, situé…
Les Citadins à la campagne
Au XIXe siècle, le terme de « banlieue » fait naître un certain nombre d’impressions négatives : on imagine volontiers la saleté des…
Le chemin de fer dans le paysage français
En France, le Second Empire ouvre à bien des égards l’ère du rail. La révolution que le pays connaît dans les années 1850 et 1860 est due à l’…
L'impressionnisme de Jean Renoir
En plein Front populaire, Jean Renoir, alors très proche du parti communiste français, entreprend un moyen métrage (50 min) tiré…
Plaisirs aux barrières
Dans le premier tiers du XIXe siècle, Paris grandit vite : 547 000 habitants en 1801, le million est atteint en…
touristeruse
Etonne par l'omission du travail essentiel a ce propos de Louis Chevalier du College de France, specialiste de la demographie historique de la population de Paris et sa region, et l'auteur notamment de Classes Laborieuses, Classes Dangereuses.
Histoire-image
Merci pour ce complément d'informations. Nous intégrerons cet ajout bibliographique lors de la prochaine mise à jour.
brevet histoire des arts
Quel est le mouvement artistique de ce tableau ? Merci de répondre rapidement.
louise
certes l'ouvrage de Chevalier "Classes laborieuses .." est important mais à prendre avec circonspection, car elle ne voit le problème que par un bout de la lorgnette, comporte beaucoup de conclusions tendancieuses.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel