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La Gare de banlieue

La Gare de banlieue

La Gare

La Gare

La Gare de banlieue

La Gare de banlieue

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1896-1897

Date représentée :

H. : 97 cm

L. : 130,5 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

RF 1979-21 - 05-511292

La gare dans le paysage urbain

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Ivan JABLONKA

Avec le développement du réseau ferré apparaissent des ouvrages et des équipements nouveaux, mais aussi des lieux qui n’existaient pas auparavant. Les gares, qui s’insèrent dans le tissu urbain, sont dans la seconde moitié du XIXe siècle l’un des symboles de la civilisation moderne, comme les Expositions universelles et les grands magasins.

À Paris, leur emplacement a été décidé sous Louis-Philippe : les gares Montparnasse, du Nord, de l’Est, Saint-Lazare et d’Orléans-Orsay ont été placées à la périphérie de la ville, contrairement à celles de Londres, construites le plus près possible du centre. Leur architecture est très travaillée : Hittorff, concepteur de la façade de la nouvelle gare du Nord à Paris, l’orne d’arcades vitrées, de colonnes et de pilastres néo-grecs. Pavillons, frontons, pilastres et statues couvrent l’extérieur de la gare d’Orsay.

Mais, plus que les aspects architecturaux ou techniques, il nous faut saisir la trouble « poésie des gares » qui sut charmer Zola à l’exposition impressionniste de 1877.

La toile de Chabaud, peinte au début du XXe siècle, évoque moins une gare qu’un tunnel ou une souricière géante, dont l’ouverture est fermée à moitié par une herse et que s’apprête à quitter un train surmonté d’un panache noir. Elle n’est éclairée par aucune couleur, hormis le bleu de la vapeur au loin et le rouge des feux arrière. La perceptive des rails a beau guider le regard vers l’extérieur, le convoi a beau s’échapper vers la lumière, la voûte de la gare semble happer le spectateur. À l’intérieur de cette structure massive, formée tout d’un bloc, opposée en tous points aux délicates cathédrales modernes que sont les gares des impressionnistes, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment d’oppression. La Gare semble appartenir au même univers de noirceur que le Voyage au bout de la nuit de Céline, publié vingt-cinq ans plus tard.

La Gare de banlieue d’Espagnat, au contraire, est construite à ciel ouvert et inspire l’apaisement. Alors que La Gare est plongée dans l’anonymat, les figures sont ici représentées en grande taille et avec précision : une élégante bourgeoise et sa fille attendent tranquillement l’arrivée à quai du train qui se profile, au fond, dans un nuage de vapeur. Les couleurs claires allègent la composition (fondée sur la diagonale de la voie dans la moitié gauche), tandis que le tableau de Chabaud repose sur une saturation de noir qui accuse la monumentalité du lieu et la sensation d’étouffement.

Les deux tableaux, pourtant, illustrent une même réalité, les nouveautés introduites par le rail dans la région parisienne. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les voies ferrées pénètrent au cœur des villes, facilitant les échanges, améliorant les communications entre les régions, accroissant la mobilité des citadins et des banlieusards. S’il est plus facile de quitter les villes, il est aussi plus aisé de s’y rendre. Le gain de temps est net : dans la banlieue sud de Paris, en 1861, le train ne met plus qu’une heure pour parcourir 15 à 20 km. Les progrès seront rapides : en 1871 se réunit une commission technique chargée de réfléchir à l’extension du réseau ferré (chemins de fer et tramways) de la Seine, afin de mieux intégrer Paris à sa banlieue, d’améliorer la circulation intra muros et de faciliter les échanges entre le centre et la périphérie.

Assuré en province par la modernisation des lignes de tramways électriques et à Paris par la construction du métro, le développement des transports collectifs de masse permet l’expansion spatiale de la ville. Le point d’intersection entre le citadin et la voie ferrée est la gare. Et, de fait, La Gare et La Gare de banlieue (l’article défini est révélateur, comme si le peintre représentait un idéal-type) célèbrent l’apparition d’un lieu d’un genre nouveau, un lieu ouvert de départs, d’attentes, de trafic, inquiétant et confiné comme dans la toile de Chabaud, paisible et familial comme dans celle de d’Espagnat.

Georges DUBY (dir.), Histoire de la France urbaine, t. 4, La ville de l’âge industriel, Paris, Seuil, 1983.

Alain FAURE (dir.), Les Premiers Banlieusards. Aux origines des banlieues de Paris (1860-1940), Paris, Créaphis, 1991.

Annie FOURCAULT (dir.), Un siècle de banlieue parisienne (1859-1964), Paris, L’Harmattan, 1988.

Bernard MARCHAND, Paris, histoire d’une ville (XIXe-XXe siècle), Paris, Seuil, 1993.

Ivan JABLONKA, « La gare dans le paysage urbain », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/gare-paysage-urbain

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