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<i>Oui à la Constitution...</i>

Oui à la Constitution...

<i>Contre ce crime !...Non au référendum</i>

Contre ce crime !...Non au référendum

<i>Oui à la Constitution...</i>

Oui à la Constitution...

Lieu de conservation : Bridgeman Images

Date de création : 1958

Date représentée : 28 septembre 1958

H. : 80 cm

L. : 60 cm

Affiche sur le référendum sur la Constitution de la Ve République.

Commanditaire : Comité ouvrier et professionnel pour le soutien de l'action du général de Gaulle.

Lithographie colorée.

Domaine : Affiches

© Archives de Gaulle / Bridgeman Images

Lien vers l'image

RGA287220

  • <i>Oui à la Constitution...</i>

1958, pour un oui ou pour un non

Date de publication : Décembre 2024

Auteur : Alexandre SUMPF

Sauveur ou dictateur ?

Le 28 septembre 1958, les Français sont appelés aux urnes pour décider par référendum si, oui ou non, la nation va voir naître un nouveau régime : la Ve République. La IVe République instaurée en 1946 voit le gouvernement chuter trop souvent, les alliances à la Chambre se faisant et se défaisant entre une myriade de partis. Les guerres de décolonisation précipitent la fin du régime : la défaite en Indochine est actée par les Accords de Genève (21 juillet 1954) (1), la guerre d’Algérie (2) s’envenime alors que le socialiste Guy Mollet (3) a décidé en 1956 d’y envoyer le contingent, c’est-à-dire les hommes effectuant leur service militaire. À la suite du putsch d’Alger du 13 mai 1958 (4), le président de la République René Coty (5) demande au général de Gaulle de sortir de sa retraite, entamée le 20 janvier 1946 après qu’il a démissionné du gouvernement.

L’homme de l’Appel du 18 juin 1940  accepte de revenir à la tête du pays, à la condition d’instaurer un régime plus présidentiel. C’est la question qu’il soumet au vote des Français lors du référendum : oui ou non acceptent-ils la Constitution qu’il a fait élaborer en se passant d’une Assemblée constituante. Partisans du oui et partisans du non tentent d’influer le vote par des campagnes d’affichage, des réunions publiques.

Les premiers réunissent le parti gaulliste U.D.R. (Union pour la défense de la République), le parti socialiste S.F.I.O. (Section française de l’Internationale ouvrière), le parti radical, le parti chrétien-démocrate M.R.P. (Mouvement républicain populaire) et la droite conservatrice non gaulliste (C.N.I.P., Centre national des Indépendants et Paysans).

Le parti communiste français (P.C.F.), la gauche du M.R.P. (Mouvement républicain populaire Mendès-France (6)), la gauche radicale et le petit parti de François Mitterrand (7)(U.D.S.R., Union démocratique et socialiste de la Résistance) militent pour le non. Fort du soutien des classes populaires qui en font le premier parti en voix (25,4%) et en sièges (150), le P.C.F. est un habitué des grandes campagnes d’opinion. Il peut compter sur des artistes célèbres, ses compagnons de route, pour créer des images ; ici, toutefois, l’auteur est anonyme.

Outre les partis, des mouvements comme le Comité ouvrier et professionnel de soutien à l’action du général de Gaulle investissent aussi l’espace public. Indépendant de l’U.D.R., affilié à une association nationale, c’est ce comité qui a produit l’affiche la plus célèbre de ce référendum – là aussi, son dessinateur reste anonyme.

L’homme qui a dit oui

Oui à la Constitution. Oui à la République libérée du système est une affiche d’une grande clarté, à la composition efficace. Sur fond blanc se détache une Marianne, allégorie de la République, drapée des trois couleurs du drapeau ; elle lève les bras pour montrer les chaînes brisées à ses poignets. L’ombre qu’elle projette est celle du général de Gaulle en 1944, reconnaissable à sa haute silhouette, son képi, et le geste des bras signifiant le V de la victoire… et de la Ve République. En bleu, couleur politique de la droite en France, le slogan principal est martelé en haut de l’affiche. En bleu-blanc-rouge, le vote oui est assimilé à un vote pour la République. Le comité place aussi l’accent sur l’essor économique, celui des Trente Glorieuses (8) ; sur la Communauté, c’est-à-dire ce qu’il reste de l’empire colonial ; et sur la libération du « système », c’est-à-dire du système des partis, de la République parlementaire, et peut-être aussi de l’administration.

Contre ce crime ! Non au référendum emploie la même gamme chromatique tricolore. Cependant, c’est le rouge qui domine la partie haute, et le ton du slogan accusatoire n’a pas de rapport direct avec l’objet du vote. La typographie cherche à évoquer un discours direct, comme un cri du cœur. C’est le bas de l’affiche qui porte le message concret du non. L’image centrale est encore plus allégorique que dans l’affiche gaulliste. Un simple bonnet phrygien symbolise la République ; il est percé au cœur de la cocarde tricolore par un poignard bleu, qui porte la mention « pouvoir personnel ». Tout le monde en 1958 peut y reconnaître l’arme blanche qui équipait les soldats de la Wehrmacht (9).

Référendum ou plébiscite ?

L’emploi des trois couleurs nationales par le P.C.F. témoigne de sa mue au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il est en effet devenu un parti de gouvernement en 1944-1946, il se définit comme le parti des « 75 000 fusillés » de la Résistance, il est presque plus patriote qu’internationaliste – surtout cinq ans après la disparition de Staline. Cependant, le parti donne des gages à ses militants : le bonnet phrygien a été un symbole de libération des esclaves dans la Rome antique, il est porté par la frange radicale des révolutionnaires de Paris en 1791, les « sans-culottes ». C’est donc la liberté populaire, révolutionnaire, que le P.C.F. oppose à l’entreprise de De Gaulle, en l’accusant de vouloir devenir un dictateur.

De fait, le 3 juin, celui-ci s’est vu confier les pleins pouvoirs par l’Assemblée, ravivant le souvenir de ceux obtenus par Pétain le 10 juillet 1940. En outre, les conditions dans lesquelles l’Homme du 18 juin revient au pouvoir sont pour le moins troubles. Le putsch d’Alger, suivi de la soumission de la Corse, et la menace de débarquement en métropole de troupes aéroportées en provenance d’Algérie sont fomentés par des gaullistes historiques comme Léon Delbecque (10) et Lucien Neuwirth (11), très actifs au sein du Comité de salut public à Alger. Jouant sur son statut de héros, l’affiche du comité rappelle que de Gaulle est un militaire de carrière et un conquérant. Le Général a l’intelligence de ne pas préciser de quoi il se présente comme le sauveur, sinon de la nation, comme en 1940 : d’aucuns pensent à l’Algérie française, certains à la menace rouge, et d’autres même au système politique français.

La dimension personnelle du référendum, qui ne fait pas de doute dans l’esprit des Français, ne peut que heurter un P.C.F. par essence fidèle aux « masses »… et échaudé par le culte de la personnalité de Staline dénoncé en 1956 au XXe Congrès du P.C.U.S. Le 18 septembre 1958, le « oui » l’emporte avec 82,6% des suffrages, avec un taux de participation de 80,6%.

Maurice Agulhon, Les métamorphoses de Marianne. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1914 à nos jours, Paris, Flammarion, 2001.

Grey Anderson, La guerre civile en France, 1958-1962. Du coup d'État gaulliste à la fin de la Guerre d'Algérie, Paris, La Fabrique, 2018. Arnaud Teyssier, Histoire politique de la Ve République : 1958-2011, Paris, Perrin, 2011.

1 - Guerre d'Indochine (1946-1954) : conflit armé entre la France, puissance coloniale dominant la péninsule indochinoise, et la Ligue révolutionnaire pour l'indépendance du Vietnam (le Viêt-minh) dirigé par Hô Chi Minh. Après le désastre subi par l'armée française à Diên Biên Phu en mai 1954, les Accords de Genève du 21 juillet 1954 négociés par Pierre Mendes-France avec le Viêt-minh scellent l'indépendance du Vietnam, du Laos et du Cambodge. Les Français évacuent l'Indochine en 1955. Cependant la guerre reprendra au Vietnam dès 1955 dans le contexte de la Guerre froide. Elle opposera cette fois le Vietnam du Nord communiste d'Hô Chi Minh aux Vietnamiens du sud pro-occidental soutenus par les U.S.A.

2 - Guerre d’Algérie (1954-1962) : conflit armé qui oppose la France, colonisatrice depuis 1830 du pays, au Front de Libération national (F.L.N.) algérien. La guérilla algérienne affronte l'armée française. Le 13 mai 1958, un Comité de salut public est créé et est dirigé par le général Salan. En septembre, un gouvernement provisoire de la République Algérienne (G.P.R.A.) est formé. Le général de Gaulle est alors rappelé à la tête de l'État. En 1959, il accorde le droit à l'autodétermination du peuple algérien. Le 21 avril 1961, un nouveau putsch militaire tente de s'emparer d'Alger, mais c'est un échec. Les Accords d'Évian signés le 18 mars 1962, libèrent l'Algérie de la France.

3 - Guy Mollet (1905-1975) : homme politique français, Guy Mollet est membre du S.F.I.O. dès 1923. Il en sera le secrétaire général de 1946 à 1969. Sous la IVe République, il participe à plusieurs gouvernements. En 1956, il forme une coalition de Front républicain avec Pierre Mendes-France, François Mitterrand et Jacques Chaban-Delmas, qui remporte les élections du 2 janvier 1956, sur le thème de la paix en Algérie. Avec la crise du canal de Suez et la guerre d'Algérie, Guy Mollet démissionne de la présidence du conseil en mai 1957 et de la vice-présidence du conseil en mai 1958. S'il participe au gouvernement formé par le général de Gaulle il entre dans l'opposition en janvier 1959. Guy Mollet est remplacé à la tête de la S.F.I.O. en 1969.

4 - Putsch d’Alger du 13 mai 1958 : épisode de la Guerre d'Algérie, le putsch d'Alger est une tentative de coup d'État fomenté par des Européens soutenus par des militaires à l'issue d'une manifestation anti-indépendantiste. Le putsch de 1958 accélère le retour au pouvoir du général de Gaulle.

5 - René Coty (1882-1962) : homme politique et avocat français, il est élu président de la République en 1954. Son mandat est marqué par la fin de la guerre d'Indochine et la guerre d'Algérie. Après le putsch d'Alger de 1958, il appelle le général de Gaulle et lui cède ses pouvoirs en janvier 1959 après la promulgation de la constitution de la Ve République en octobre 1958.

6 - Pierre Mendès-France, dit PMF (1907-1982) : homme politique français, il adhère au parti radical socialiste et s'intéresse à l'économie. Il participe au Front populaire de 1936 comme sous-secrétaire au Trésor. En 1940, Mendès-France refuse l'armistice, s'embarque à bord du Massilia, fait prisonnier et jugé en mai 1941, il est condamné et déchu de ses mandats en tant que Juif. Il s'évade et rejoint Londres. Il s'engage comme aviateur dans l'escadrille Lorraine et participe aux combats. Le général de Gaulle l'appelle à Alger où il est une des membres du Comité français de libération nationale. En 1944, dans le Gouvernement provisoire, il est le ministre de l'Économie, mais il démissionne après le rejet par le Général de son plan de finance. Il participe à diverses missions pour des organisations internationales. En 1954, Mendès-France est le président du conseil et met fin à la guerre d'Indochine, engage les négociations avec la Tunisie pour son autonomie. Acteur du Front républicain lors des élections de 1956, il quitte le gouvernement formé par Guy Mollet, en désaccord avec sa politique menée à l'égard de l'Algérie. Mendès-France se retire peu à peu de la politique mais devient un des opposants majeurs à la Ve République. Il devient une des figures morales du socialisme.

7 - François Mitterrand (1916-1996) : homme politique français, François Mitterrand est fait prisonnier de guerre en 1940, il s'échappe en 1941 et rejoint Vichy. Il y travaille au Commissariat des prisonniers. En 1943, il s'engage dans la Résistance tout en restant en poste à Vichy, où il reçoit la Francisque. Il rencontre de Gaulle à Londres puis à Alger. En 1944, Mitterrand entre au Gouvernement provisoire comme chargé des Prisonniers et Déportés. Il rejoint l'Union démocratique et socialiste de la Résistance et est élu de la Nièvre en 1946. Il participe à divers gouvernements de la IVe République. En 1958, avec le retour de Charles de Gaulle à la tête de l'État, François Mitterrand entre dans l'opposition pour n'en sortir qu'en 1981. En 1971, il devient le premier secrétaire du Parti socialiste, qui a fusionné la S.F.I.O. et divers partis de gauche. Il rassemble l'ensemble des forces de gauche du P.C.F. au parti radical et devient le candidat unique de la gauche à la présidentielle en 1974 face à Valéry Giscard d'Estaing à laquelle il échoue de peu. Candidat de l'Union de la Gauche pour la troisième fois en 1981, François Mitterrand est élu Président de la République le 10 mai 1981. Il est réélu pour un second mandat en 1988. Ces deux mandats présidentiels sont marqués par une cohabitation avec la droite parlementaire. En 1995, François Mitterrand se retire de la politique.

8 - Trente Glorieuses (1946-1973) : période de l'après-guerre où l'ensemble des pays occidentaux ont connu une croissance exceptionnelle du fait de la reconstruction.

9 - Wehrmacht : nom officiel de l'armée allemande du IIIe Reich depuis 1935.

10 - Léon Delbecque (1919-1991) : entré en Résistance dès 1941, il devient un des responsables du Rassemblement du peuple français (R.P.F.), parti politique fondé par Charles de Gaulle en 1947. En mai 1958, il devient le vice-président du Comité de Salut public d'Alger. Opposé à l'indépendance de l'Algérie, il rompt avec de Gaulle en 1960 et quitte la politique en 1962.

11 - Lucien Neuwirth (1924-2013) : résistant dès 1940, Lucien Neuwirth rejoint les Forces Françaises Libres à Londres en 1943 et intègre le corps des parachutistes. Il rallie le Rassemblement du peuple français (R.P.F.) fondé par de Gaulle en 1947. Officier de réserve en Algérie, il devient un membre du Comité de salut public d'Alger formé le 13 mai 1958. En 1958, il est élu député de Saint-Étienne pour le parti gaulliste, l'Union pour la Nouvelle République (U.N.R.). Il sera député jusqu'en 1981. Ses mandats sont marqués par sa proposition de loi légalisant l'usage de la contraception orale pour les femmes, soutenue par le Général : la loi est promulguée le 28 décembre 1967. De 1983 à 2001, Lucien Neuwirth est sénateur de la Loire.

Alexandre SUMPF, « 1958, pour un oui ou pour un non », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/1958-oui-non

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