"Le Petit Parisien" publie "Viviane"...
Le cornard volontaire ou le mari commode
Assiette. "Danger d'arriver de voyage à l'improviste"
Fantaisies parisiennes. L'Adultère
"Le Petit Parisien" publie "Viviane"...
Lieu de conservation : musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille)
site web
H. : 150 cm
L. : 103.5 cm
Titre complet : Le Petit Parisien publie Viviane grand roman inédit par Pierre Sales.
Imprimeur : Champenoix & Cie (?).
Lithographie.
Domaine : Affiches
© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi
1961.18.77 - 05-513783
L’adultère au XIXe siècle
Date de publication : Mars 2011
Auteur : Charlotte DENOËL
Histoire de l’adultère
Au XIXe siècle, la question de l’adultère et de sa punition fait l’objet de très nombreux débats dont témoignent des romans comme Madame Bovary de Flaubert (1857) et Thérèse Raquin de Zola (1867). Elle suscite aussi une abondante iconographie où le rôle du coupable revient presque toujours à la femme.
Cette situation trouve son origine dans la loi du 27 septembre 1792 par laquelle la Constituante avait instauré le divorce et, dépénalisant l’adultère, en avait fait un motif légitime de rupture pour chacun des époux. Mais cette révolution de la législation matrimoniale échoue sous la pression des ultras et de l’Église qui, depuis des siècles, assimilent l’adultère à un crime passible d’un lourd châtiment pour la femme. Si le code civil de 1804 maintient l’adultère de la femme parmi les causes légales de divorce, il réaffirme l’autorité du pater familias sur son épouse et rétablit une sanction pénale plus lourde pour la femme que pour l’homme. Quand le catholicisme redevient religion d’État, c’est ensuite le divorce qui est supprimé par la loi du 8 mai 1816 ; seule la séparation de corps, admise par l’Église, reste autorisée.
De fait, jusqu’à la fin du XIXe siècle, cette appréciation dissymétrique de l’adultère demeure plus que jamais d’actualité : la femme, éternelle mineure, est placée sous l’autorité de son époux et, lorsqu’elle se rend coupable d’adultère, ne doit attendre d’indulgence ni de la justice ni de la société, au contraire du mari dont l’adultère passe inaperçu.
« Ciel, mon mari ! », l’adultère dans la littérature et l’art
Le roman de Pierre Sales, Viviane de Montmoran, publié en feuilleton dans Le Petit Parisien en 1884, s’adresse à un large public friand de secrets d’alcôves, goût que traduisent le titre de la série dans laquelle le roman paraîtra en librairie par la suite, « Les batailles de l’amour », et l’affiche du Petit Parisien aux couleurs criardes, où, lors d’un procès, un homme se suicide sous les yeux de sa femme impuissante devant les gendarmes et les magistrats.
Le fait divers passionnel inspire tout autant l’art populaire : de la gravure à la porcelaine et à la photographie, toute une production est consacrée à ce sujet à la mode, où la femme tient généralement le mauvais rôle. Le Cornard volontaire ou le Mari commode, gravure sur bois de fil imprimée sur papier vergé, représente ainsi un homme assis à une table sur laquelle se trouvent une lettre et une bourse pleine d’argent. Devant lui se tiennent sa femme et son amant. Comme le dit la chanson satirique qui accompagne l’illustration, le mari cocu est heureux de son sort : « Si mes cornes l’on voit d’abord / N’importe il m’en revient de l’or. »
Cette assiette de porcelaine produite par la manufacture de Creil présente une scène centrale dont la légende, Danger d’arriver de voyage à l’improviste, explicite très clairement le sens : revenu chez lui alors qu’on ne l’attend pas, le mari y surprend sa femme en rendez-vous galant avec son amant. Ses bras levés traduisent l’indignation que lui inspire son sort, considéré ici comme une fatalité (du fait de la nature foncièrement volage des femmes ?).
Extrait d’une série photographique de 1875 consacrée aux « Fantaisies parisiennes », ce cliché montre un couple adultérin au lit dans l’intimité d’une chambre. L’homme écarte la lourde tenture qui protège leurs ébats amoureux, comme si un bruit l’avait alerté. Cette crainte d’être surpris indique à quel point l’adultère représentait une faute grave et lourde de conséquences au XIXe siècle, quand la morale bourgeoise dictait la conduite des individus et interdisait toute infidélité, en particulier de la part de la femme dont le rôle était d’obéir à son mari et de se consacrer à ses enfants, et non de suivre ses passions. D’un autre côté, cette prolifération d’une littérature et d’une iconographie de plus en plus vaudevillesques traduit la distance que la société commence à prendre avec le phénomène de l’adultère à la fin du XIXe siècle.
La dépénalisation de l’adultère
La publication du roman de Pierre Sales coïncide avec la célèbre loi Naquet du 27 juillet 1884 qui, ayant rétabli le divorce, fait de l’adultère de l’un ou l’autre des époux la première de ses trois possibles causes. La promulgation de cette loi s’inscrit dans un large courant de pensée républicain qui rejette le principe de l’indissolubilité des liens du mariage au nom de la liberté des individus et dans un contexte un peu plus favorable à la condition féminine. En ce qui concerne la femme adultère, la loi marque un tournant important, puisque, pour la première fois dans l’histoire du droit français, l’époux et l’épouse sont égaux devant elle, et la faute de l’un comme de l’autre devient un motif valable de divorce ; en revanche, l’adultère reste sujet à des sanctions pénales. Par la suite, ce droit du divorce sera progressivement assoupli pour s’adapter aux mœurs. La loi du 15 décembre 1904 en particulier lève l’interdiction de mariage, une fois le divorce prononcé, entre la personne adultérine et son ou sa complice. Il faudra cependant attendre la réforme du 11 juillet 1975 pour que l’adultère cesse d’être considéré comme un crime et que les droits des enfants nés d’une relation adultérine soient identiques à ceux des enfants légitimes.
Jean-Claude BOLOGNE, Histoire du mariage en Occident, Paris, Lattès, 1995.
Jean GAUDEMET, Le Mariage en Occident, Paris, Éd. du Cerf, 1987.
Sabine MELCHIOR-BONNET et Aude DE TOCQUEVILLE, Histoire de l’adultère, Paris, La Martinière, 1999.
Francis RONSIN, Le Contrat sentimental : débats sur le mariage, l’amour, le divorce, de l’Ancien Régime à la Restauration, Paris, Aubier, 1990.
Agnès WALCH, Histoire de l’adultère, XVIe-XIXe siècle, Paris, Perrin, 2009.
Charlotte DENOËL, « L’adultère au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/adultere-xixe-siecle
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Mariage de Louis de France, duc de Bourgogne, et de Marie-Adélaïde de Savoie
Né à Versailles le 6 août 1682, quelques semaines seulement après l’installation de la cour au château, Louis de…
Le mariage à la campagne au XIXe siècle
La législation matrimoniale connaît une réforme en profondeur sous la Révolution : soustrayant le…
Mariage de Léopold Ier, roi des Belges, et de Louise d'Orléans
Ami personnel de Louis-Philippe, Léopold de Saxe-Cobourg n’obtint pourtant pas la main de Louise d’Orléans, fille du roi, lorsqu’il fit sa…
Napoléon et la politique des alliances
La politique internationale de Napoléon visant à asseoir sa dynastie le conduisit à se créer des alliés parmi les nouveaux souverains et à s’…
Noces juives au Maroc
Greuze et la peinture morale
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les excès de la société aristocratique et libertine incitent le gouvernement ainsi que…
La marquise de Maintenon et Saint-Cyr
Issue d’une famille d’origine protestante, Françoise d’Aubigné (1635-1719) est la veuve du poète Scarron. Sans enfant et…
La Monarchie de Juillet et la Belgique
À côté de ses grands voisins, la France et la Grande-Bretagne, la Belgique est un État bien jeune : à peine cent quatre-vingts ans d’existence !…
Le mariage bourgeois au XIXe siècle
Les mariages conclus dans la haute bourgeoisie au XIXe siècle permettent de se rendre compte de l’…
Le cortège nuptial de Napoléon et de Marie Louise d'Autriche
En 1810, la France domine l’Europe continentale, et Napoléon, après son divorce avec Joséphine, obtient la main de Marie-Louise,…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel