Aller au contenu principal
Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Date de création : 1842

Date représentée : 1842

H. : 105 cm

L. : 94 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Lien vers l'image

INV 5423 - 18-510059

Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Nathalie de LA PERRIÈRE-ALFSEN

Compositeur italien né en 1760, Cherubini s’établit à Paris en 1788 et se fait naturaliser français. Il traverse les gouvernements : porte-parole enflammé de la patrie pendant la Révolution il compose quelques années plus tard la Messe du sacre de Napoléon avant de devenir surintendant de la chapelle royale sous la Restauration.
Cherubini crée des compositions civiques comme des œuvres religieuses et des opéras, en particulier Médée (1797), qui étendra sa notoriété notamment outre-Manche et lui vaudra la reconnaissance des plus grands. En tant que l’un des principaux fondateurs du Conservatoire de Paris, il participe à sa création en 1795 et devient inspecteur puis professeur ; il formera deux générations de compositeurs. Dans le contexte très actif du romantisme musical français, Cherubini, directeur du Conservatoire au terme de sa carrière, se heurte au fougueux Berlioz, ce qui limite ses ambitions et son appétit de reconnaissance. Cette opposition le situe du côté des classiques conservateurs au moment où sa vie s’achève. Sa notoriété restera affectée par les railleries de Berlioz. S’il a senti et exprimé dans sa musique les premiers élans romantiques, Cherubini resta prisonnier du cadre du classicisme. Mais la musique de ce contemporain de Mozart et de Beethoven est imprégnée d’une tension entre émotion et rigueur, et sa figure historique austère cache une œuvre très créative.

C’est en 1834, alors qu’il prend ses fonctions de directeur de l’Académie de France à Rome, qu’Ingres commence le portrait de Cherubini. On ne sait s’il s’agit d’une commande du musicien ou d’une décision du peintre. Cherubini est représenté assis, appuyé contre une colonne de stuc, sous un porche antique. D’une main il se tient la tête, de l’autre sa canne. Il porte un carrick (une redingote) noir entrouvert. Il a l’air très concentré. Derrière lui et hors de son champ de vision se dresse Terpsichore, muse de la danse, des chœurs dramatiques et de la poésie lyrique. Elle tient une lyre, son attribut. Elle étend son bras droit sur la tête du musicien dans un geste de protection en même temps qu’elle le désigne à l’admiration des hommes. Dans un premier état Ingres avait peint un carrick jaune moutarde et le musicien était assis dans un fauteuil de velours rouge. Cette modification est aujourd’hui bien perceptible car cette partie de la toile d’Ingres est sans crevasses et forme une sorte de cerne autour du buste du modèle.
Cette étrange composition mêle époques antique et contemporaine grâce à un jeu d’opposition entre la beauté vigoureuse de la muse et le visage du vieillard comme tout entier retiré en lui-même. C’est le seul portrait pour lequel Ingres ait fait appel à un disciple, Henri Lehmann (Kiel, 1814-Paris, 1882), qui peindra la muse. Malheureusement, il emploiera une peinture trop grasse qui se crevassera quelques années plus tard.

Ce portrait de Cherubini rencontra en France un immense succès. Louis-Philippe acheta le tableau pour le musée du Luxembourg, y reconnaissant un tableau « moderne » plus qu’une œuvre à caractère historique. Ingres est cependant déçu ; il espérait voir son tableau au musée de l’Histoire de France de Versailles, créé par le roi.
Par l’audace de la composition, Ingres mêle le réalisme du portrait et l’allégorie avec la représentation de la muse. Environné d’un décor à l’antique mais habillé comme ses contemporains, Cherubini manifeste une véritable présence grâce à la précision du trait et au souci du détail qui contrastent avec la figure mythologique de la muse. Les relations de Cherubini avec Ingres sont parfois houleuses, car les deux hommes sont orgueilleux. Le journaliste Théophile Silvestre (1823-1876) convenait que « ces deux vanités aigres se comprenaient parfaitement ».
Mais lorsque Cherubini voit son portrait en mai 1841, il ne fait semble-t-il aucun commentaire. Approbation ou désapprobation ? Est-il heurté par les couleurs chamarrées ? Toujours est-il qu’Ingres en fut dépité, et c’est peut-être la raison pour laquelle il modifia ensuite son tableau.

Roland de CANDE Histoire universelle de la musique 2 vol, Paris, Seuil, 1978-1982.

André CHASTEL L’Art français , tome IV « Le temps de l’éloquence : 1775-1825 » Flammarion, 1995, rééd. 2000.

Marie-Claire BELTRANDO-PATIER Histoire de la musique Paris, Larousse, 1982, nouv. éd. 1998.

Georges VIGNE Ingres Paris, Citadelles et Mazenod, 1995.

Collectif Les portraits d’Ingres Paris, RMN, 1992.

Nathalie de LA PERRIÈRE-ALFSEN, « Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 09/07/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/compositeur-cherubini-muse-poesie-lyrique

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

L’Alsace, province perdue

L’Alsace, province perdue

Une peinture patriotique – Le thème des provinces perdues

L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua…

Allégorie du Retour des Bourbons le 24 avril 1814 : Louis XVIII relevant la France de ses ruines

Allégorie du Retour des Bourbons le 24 avril 1814 : Louis XVIII relevant la France de ses ruines

La monarchie restaurée

Nul n’aurait songé à restaurer les Bourbons sur le trône de France si la défaite puis l’abdication de Napoléon n’avaient…

Enterrement de la II<sup>e</sup> République

Enterrement de la IIe République

Singulier destin que celui de cet enterrement de campagne ! Symbole de l’ordure moderne pour les contemporains, chef-d’œuvre révéré aujourd’hui,…

Le traité de Nimègue

Le traité de Nimègue

Célébrer la paix

Le tableau anonyme et allégorique de la paix de Nimègue est représentatif de la manière dont le roi et son entourage voulaient…

Les figures symboliques de la II<sup>e</sup> République

Les figures symboliques de la IIe République

La Révolution de février 1848 entraîne un retour des républicains au pouvoir.
Dès la fin du mois de mars, le gouvernement lance par voie de…

Les figures symboliques de la II<sup>e</sup> République
Les figures symboliques de la II<sup>e</sup> République
Les figures symboliques de la II<sup>e</sup> République
Alexandre dans la tente de Darius

Alexandre dans la tente de Darius

Ce tableau a été peint, vraisemblablement, à la fin de l’année 1660. Charles Le Brun logeait à Fontainebleau, à proximité du roi, et Louis XIV «…

Pèlerinage à l’île de Cythère, dit l’Embarquement pour Cythère

Pèlerinage à l’île de Cythère, dit l’Embarquement pour Cythère

Les années Régence

Watteau incarne « le printemps du siècle » (Michelet) et la période d’ouverture des années Régence, qui tranche avec l’…

Le Mémorial du siège de Paris

Le Mémorial du siège de Paris

Le siège de Paris

Décrété le 19 septembre 1870, le siège dure jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871. Le commandement allemand s’est installé à…

Les Fugitifs : fuite, exode ou déportation ?

Les Fugitifs : fuite, exode ou déportation ?

La signification des Fugitifs est assez mystérieuse.

On invoque le plus souvent, pour expliquer l’irruption de ce thème dans l’œuvre de…

I Want You for U.S. Army

I Want You for U.S. Army

1917, tournant de la Grande Guerre

Paru en juillet 1916, le dessin I Want You for U.S. Army est recyclé en affiche et largement diffusé pendant…