Une sentinelle allemande devant le château de Chambord.
Auteur : HUBMANN Hanns
Lieu de conservation : Bayerische Staatsgemäldesammlungen: Neue Pinakothek (Munich)
site web
Date de création : 1940
Date représentée : 1940
Photographie
Domaine : Photographies
© BPK, Berlin, Dist. RMN-GP - Hanns Hubmann
09-515657 / Hu U/2034-4
L’Occupation en symbole
Date de publication : Mars 2012
Auteur : Alexandre SUMPF
Le château de Chambord sous l’Occupation
Dès avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le château de Chambord est choisi pour mettre de nombreuses pièces d’art des collections françaises à l’abri d’éventuels bombardements. Après la victoire nazie et durant toute l’Occupation, Chambord demeure un centre de triage et d’accueil d’œuvres, constituant le principal dépôt des musées nationaux de 1939 à 1945.
Comme de nombreux monuments historiques ou lieux symboliques de la zone occupée, le château est placé sous le contrôle direct des nazis et devient un lieu de pouvoir stratégique et symbolique, protégé comme le montre la photographie « Une sentinelle allemande devant le château de Chambord », prise par Hanns Hubmann à l’automne 1940.
Photographe et journaliste proche du régime, Hubmann a suivi la campagne militaire allemande en France, avant de réaliser de nombreuses images des débuts de l’Occupation, qui accompagnent souvent des films d’actualités ou des films de commande du régime. Si de telles photographies ont évidemment une fonction de propagande (surtout auprès du public allemand), elles ont aussi la valeur documentaire propre au photojournalisme et au reportage de guerre.
Caméra embarquée
Composé sur trois niveaux de profondeur, le cliché « Une sentinelle allemande devant le château de Chambord » a été pris depuis le véhicule dans lequel a embarqué le photographe.
Au premier plan à droite, une roue et le rétroviseur de la voiture à l’arrêt signalent la place qu’occupe le reporter. Au second plan, une jeune sentinelle a stoppé (et/ou salué) l’équipage. Vêtu d’un uniforme de simple soldat et armé d’un fusil, l’homme fixe l’objectif (et donc le spectateur), un léger sourire aux lèvres. Au troisième plan, l’esplanade (quasi déserte, une seule silhouette apparaissant près de l’entrée), puis la façade principale du château lui-même.
Bénéficiant d’une luminosité assez exceptionnelle, le photographe joue du contraste entre blancheur (du sol et de la pierre du château) et tons plus sombres (uniforme de la sentinelle et détails du véhicule) pour renforcer la disposition et la structure découlant de la prise de vue.
Le réel et le classique
Dans cette photographie, la situation d’occupation n’est signalée que par le soldat qui fait signe au conducteur. Seul, il devrait en effet apparaître presque anodin en comparaison du vaste panorama dessiné par l’esplanade et la façade du château. Ces derniers ne portant aucune marque inhabituelle, l’identité du monument (symbolisée par cette vue « classique ») serait donc comme inchangée par le caractère spécifique du contexte.
Pourtant, la manière dont Hubmann représente la scène suggère au contraire que l’actualité (les Allemands ont investi les lieux) prime sur l’histoire du lieu. Cadrées d’assez près, la sentinelle et la voiture sont en effet les véritables sujets du cliché, dont elles occupent l’espace central, reléguant l’édifice au second plan (au sens propre et figuré). Chambord devient ainsi une sorte de repère, un lieu qui permet de symboliser l’occupation de la France plutôt que de renvoyer à lui-même ou de faire référence à François Ier. La sentinelle « s’oppose » et « s’impose » ainsi au château, comme symbole de la domination (aisée et tranquille) de l’occupant allemand sur la culture française.
Par une sorte de juxtaposition de plans et de tons, le soldat et les éléments du véhicule opposent leur modernité et leur réalité immédiate, (carrosserie bien lustrée, uniforme, fusil) au château Renaissance. Presque facile et insouciante (voir le visage détendu du soldat, et le fait qu’il soit seul pour garder le passage), cette occupation n’est donc pas pour autant insignifiante : « Une sentinelle allemande devant le château de Chambord » renvoie bien à la présence victorieuse et tranquille de la modernité militaire, concrète et technique sur un territoire à la culture dépassée.
AZEMA, Jean-Pierre, De Munich à la Libération, 1938-1944, Paris, Éditions du Seuil, 1979.AZEMA, Jean-Pierre et WIEVIORKA, Olivier, Vichy, 1940-1944, Paris, Perrin, 1997.CORCY, Stéphanie, La vie culturelle sous l’occupation, Paris, Perrin, 2005.LABORIE, Pierre, Les Français sous Vichy et l'Occupation, Paris, Milan, 2003 PAXTON, Robert, La France de Vichy, 1940-44, Paris, Éditions du Seuil, 1973.
Alexandre SUMPF, « L’Occupation en symbole », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/occupation-symbole
Lien à été copié
Découvrez nos études
L’ombre de Staline sur la révolution d’Octobre
Les artistes ont fait le choix plus ou moins précoce de soutenir le régime. Né en 1917, Evgueni Khaldeï n’a pas eu à se…
La Grande Galerie abandonnée
En septembre 1939, le photographe Marc Vaux (1895-1971) réalisa un reportage au musée du…
Einstein. Photo-génie
Le prix Nobel de physique 1921, Albert Einstein (1879-1955) a été l’un des savants les plus photographiés de la première partie du XXe…
Berlin, capitale du monde, un projet total et totalitaire
L’idée de transformer Berlin en « capitale du monde » (Welthaupstadt) émerge, semble-t-il…
Felix Nussbaum, un artiste en clandestinité 2/2
À la période au cours de laquelle il peint ce qui est sans doute son dernier tableau, Le Triomphe de la mort,…
La "Rafle du billet vert" 1/2
Parmi la centaine de clichés documentant la « rafle du billet vert » récemment réapparus, nombreux sont ceux qui…
Felix Nussbaum, un artiste en clandestinité 1/1
Né en 1904 dans une famille allemande juive d’Osnabrück, en Basse-Saxe, Felix Nussbaum se forme comme…
Le Travail forcé
Inscrit dans l’idéologie du national-socialisme, le travail forcé occupe une place centrale dans son projet dès l…
15 mai – 31 juillet 1942 : l’exposition « Arno Breker » à Paris
Loin de cesser, la vie culturelle demeure relativement animée sous l’Occupation. Dans tout le pays et notamment…
L’entrevue de Montoire
Le 24 octobre 1940, le maréchal Pétain rencontre pour la première fois Hitler et son ministre des Affaires…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel