La maison Ipatiev
L'Armée rouge a écrasé les parasites [...]
Les promesses bolcheviques [...]
L'ennemi désigné par la propagande
Date de publication : Janvier 2005
Auteur : Jean-Louis PANNE
Avec la création de la Commission panrusse extraordinaire de lutte contre la contre-révolution (Tchéka), le bras armé du pouvoir, puis la dissolution de la Constituante (janvier 1918), Lénine et ses partisans engagent la Russie sur la voie de la guerre civile. Pouvoir minoritaire, le bolchevisme se maintiendra par la force et la violence. Au printemps 1918, les premiers affrontements ont lieu dans le Sud. Lénine ne condamne pas les exactions des bolcheviks (dont des pogromes). Il les justifie et les encourage puis, à l’été, choisit la manière forte : suppression de la liberté de la presse, dissolution des soviets non bolcheviques, répression brutale des grèves, rétablissement de la peine de mort, politique d’otages...
Emprisonné depuis le 21 mars 1917 avec sa famille à Tsarskoïe Selo puis envoyé à Tobolsk en août, Nicolas II tombe aux mains des bolcheviks qui envisagent d’organiser un procès, comme la Convention l’avait fait à Louis XVI. A Ekaterinbourg, les Romanov sont gardés dans la maison de l’ingénieur Ipatiev (photo n° 1) par des tchékistes et des gardes rouges. Une palissade est édifiée pour les isoler. Devant la menace d’une libération du tsar, Lénine et les bolcheviks qui craignent de le voir fédérer les mouvements antibolcheviques, décident son exécution. Elle a lieu le 16 juillet 1918 dans des conditions atroces : Nicolas, sa femme, son fils et ses trois filles sont abattus avec une rage meurtrière dont les lieux gardent les traces. Les tchékistes font disparaître les cadavres. En 1975, le Politburo ordonnera la démolition de la maison Ipatiev, ordre qu’exécutera Boris Eltsine qui lui-même, en 1991, prononcera l’interdiction du Parti communiste russe.
Avec l’assassinat de la famille impériale, la guerre civile atteint un point de non-retour dont témoignent les propagandes.
La première affiche a une triple légende : en haut, « L’Armée rouge a écrasé les parasites - Youdénitch, Denikine, Koltchak. République socialiste fédérative soviétique de Russie. Prolétaires de tous les pays unissez-vous », dans l’image « Le pou typhoïde, nouveau malheur, s’avance sur eux » et en bas : « Camarades ! Luttez contre la contagion ! Éliminez le pou ! »
Pour les bolcheviks, la guerre civile est internationale. Ils tentent de susciter l’instauration de républiques soviétiques en Europe centrale. La défaite de l’armée rouge devant Varsovie les contraint à changer de tactique. Le conflit conduit l’armée polonaise à développer une intense propagande antibolchevique comme le montre la deuxième affiche intitulée « La liberté bolchevique », où un personnage au profil « trotskien » trône sur un monticule de crânes - un symbolisme simple, avec des couleurs frappantes, explicité par des slogans directs : « Les promesses bolcheviques : nous vous donnons la paix, la liberté, la terre, le travail et le pain. Ils ont lâchement menti en déclenchant la guerre contre la Pologne. Au lieu de la liberté, l’oppression ; de la terre, la réquisition ; du travail, la misère ; du pain, la famine. »
L’extermination de l’ennemi devient une thématique centrale dans le discours léniniste comme en témoigne la première affiche consacrée à la lutte contre le typhus, qui assimile les « Blancs » aux poux propagateurs de l’épidémie. Dans ses textes et allocutions, Lénine considère ses ennemis comme des parasites. Les paysans aisés sont des « scorpions », des « sangsues », des « buveurs de sang » dont la Russie doit se débarrasser. La terreur est l’instrument de cette « hygiène » sociale, et la guerre civile l’occasion de procéder à la liquidation physique des ennemis, préalablement déshumanisés par les mots. Par contre cette volonté d’extermination de l’ennemi n’est pas présente dans la propagande de l’armée polonaise qui, dénonçant la terreur bolchevique, s’en tient à une contre-propagande dénonciatrice des « mirages » proposés par le bolchevisme.
Marc FERRO, La Révolution russe d’octobre 1917, Paris, Albin Michel, collection « Bibliothèque de l’évolution de l’humanité », 1997.Malia MARTIN, Comprendre la révolution russe, Paris, Seuil.Richard PIPES, La Révolution russe, traduit de l’américain sous la direction de Jean-Mathieu LUCCIONI, Paris, Presses universitaires de France, 1993.
Jean-Louis PANNE, « L'ennemi désigné par la propagande », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/ennemi-designe-propagande
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