Aller au contenu principal
Portrait de Monsieur Alexandre Natanson

Portrait de Monsieur Alexandre Natanson

Marthe Mellot (Natanson)

Marthe Mellot (Natanson)

Misia à sa coiffeuse

Misia à sa coiffeuse

Portrait de Monsieur Alexandre Natanson

Portrait de Monsieur Alexandre Natanson

Auteur : VALLOTTON Félix

Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web

Date de création : 1899

H. : 81 cm

L. : 65 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

RF 2005 7 - 06-519804

Félix Vallotton et la Revue blanche

Date de publication : Février 2010

Auteur : Fabienne FRAVALO

La floraison des petites revues d’avant-garde

Les années 1880 et 1890, âge d’or de la presse en France, voient l’éclosion d’une multiplicité de revues littéraires et artistiques. Ces publications bénéficient de la récente loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, mais aussi des progrès techniques relatifs à l’insertion et à la reproduction des images. Malgré leur tirage restreint et leur diffusion souvent limitée à un cercle d’initiés, elles se présentent comme une voie d’expression privilégiée pour les nouvelles tendances littéraires et picturales. Ces petites revues permettent à leurs collaborateurs d’échapper à un secteur éditorial en cours d’industrialisation et à un contexte artistique officiel relativement peu ouvert aux innovations. Elles favorisent en outre la communication entre tous les secteurs de la création : poésie, théâtre, musique, peinture, estampe…

La plus célèbre d’entre elles, avec La Plume de Léon Deschamps, est sans doute La Revue blanche. Née en Belgique en 1889, elle prend véritablement son essor avec son transfert à Paris en octobre 1891, où elle paraîtra jusqu’en 1903. Elle doit son existence à la volonté et à la collaboration des trois frères Natanson, issus d’une famille juive d’origine polonaise : Alexandre (1867-1936), le généreux aîné qui assume les responsabilités administratives et financières, Thadée (1868-1951), directeur éditorial et critique d’art, et Alfred (1873-1932), qui assure la chronique théâtrale.

La famille Natanson et son réseau

Ces trois portraits de Félix Vallotton livrent de nombreuses informations sur la famille Natanson, indissociables de l’esprit de La Revue blanche.
Alexandre Natanson est représenté de manière frontale et classique sur un balcon à la rambarde rehaussée de dorures. Sa pose est très droite, presque rigide, à peine détendue par sa jambe droite croisée. Un nœud papillon à rayures violettes vient légèrement égayer sa veste de couleur beige, introduisant une petite touche de fantaisie. Subtilement, le portrait procure une impression de gravité et de tristesse. Victime d’une dépression, Alexandre décidera de mettre fin à l’aventure du titre en avril 1903.

Marthe Mellot, comédienne, est l’épouse d’Alfred, le plus jeune des trois frères. Vallotton livre de la jeune femme un portrait intime : assise avec naturel sur un fauteuil, devant un fond neutre, Marthe présente un visage à l’expression rêveuse, tandis que sa robe réveille les tonalités très douces de la composition. Ce portrait d’une grande simplicité révèle les relations amicales que Vallotton entretient avec l’ensemble du clan des Natanson ; il évoque aussi l’ouverture de La Revue blanche à l’univers dramatique.

Avec le portrait de Misia, l’épouse de Thadée Natanson, Vallotton rend hommage à l’une des personnalités les plus influentes du cercle de La Revue blanche. Penchée au-dessus de sa table de toilette, la jeune femme s’observe dans son miroir. Le peintre renforce l’intimité de cette scène par les limites que lui donnent le rideau à gauche et le bout de l’armoire à droite. Le lieu qu’il a choisi lui permet de mettre l’accent sur la coquetterie et la féminité du modèle, qui entretient des relations de séduction avec bien des collaborateurs de la revue, poètes et peintres. Le rôle de ces derniers est d’ailleurs discrètement évoqué par l’estampe accrochée au mur, allusion aux travaux de Vallotton pour La Revue blanche.

Le rayonnement de La Revue blanche

Très étroitement lié aux peintres nabis, le cercle fondateur de La Revue blanche contribue fortement à valoriser leur art. Ce soutien passe par les textes critiques de Thadée Natanson et par la diffusion des œuvres. De 1893 à 1895, chaque numéro présente en frontispice une estampe originale ; des expositions sont organisées, et des affiches commandées à Bonnard ou à Toulouse-Lautrec. Vallotton occupe une place privilégiée avec la reproduction de ses bois gravés dans plus de soixante livraisons. La revue offre ainsi une visibilité non négligeable à ces peintres qui évoluent hors des milieux officiels. Elle prend également parti en faveur de l’Art nouveau et joue un rôle de mécène quand elle commande l’aménagement de ses bureaux à Henry Van de Velde en 1900. La finesse de ses choix en matière littéraire et théâtrale contribue également à son rayonnement, grâce à la participation critique d’André Gide, de Gustave Kahn, d’Alfred Jarry et à la publication de textes de Verlaine, de Jules Laforgue ou de Mallarmé.

Enfin, La Revue blanche se distingue par ses tendances anarchistes à travers son secrétaire de rédaction, Félix Fénéon, et par son engagement politique en faveur de Dreyfus. Ses prises de positions lui vaudront d’ailleurs de tirer, à son apogée, jusqu’à 10 000 exemplaires, chiffre considérable pour une revue d’avant-garde.

Olivier BARROT et Pascal ORY, La Revue blanche : histoire, anthologie, portraits, Paris, U.G.E., coll. « 10/18 », 1994.

Georges BERNIER, La Revue blanche : ses amis, ses artistes, Paris, Hazan, 1991.

Paul-Henri BOURRELIER, La Revue blanche, une génération dans l’engagement, 1890-1905, Paris, Fayard, 2007.

Geneviève COMÈS, « Le groupe de la Revue blanche (1889-1903) », La Revue des revues, n° 4, printemps 1987, p.4-11.

Fabienne FRAVALO, « Félix Vallotton et la Revue blanche », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/felix-vallotton-revue-blanche

A découvrir l'analyse de La Paresse de Félix Vallotton sur le site Panorama de l'art

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Zola, écrivain et ami des peintres

Zola, écrivain et ami des peintres

Considéré comme le peintre de la rupture avec la peinture officielle au milieu du XIXe siècle, Manet n’a qu’une célébrité de scandale …

Félix Vallotton et la <i>Revue blanche</i>

Félix Vallotton et la Revue blanche

La floraison des petites revues d’avant-garde

Les années 1880 et 1890, âge d’or de la presse en France, voient l’éclosion d’une multiplicité de…

Félix Vallotton et la <i>Revue blanche</i>
Félix Vallotton et la <i>Revue blanche</i>
Félix Vallotton et la <i>Revue blanche</i>
Vue du Salon du Louvre

Vue du Salon du Louvre

La cinquantaine d’œuvres que nous connaissons de Gabriel-Jacques de Saint-Aubin révèle un goût particulier pour des scènes de la vie courante,…

Marchand d'art moderne

Marchand d'art moderne

Au service de l’art moderne

Lorsqu’au début de la guerre, Paul Guillaume ouvre sa première galerie, il bénéficie des conseils éclairés d’un poète…

L’Hommage à Delacroix, manifeste de Fantin-Latour

L’Hommage à Delacroix, manifeste de Fantin-Latour

Cette toile est composée peu de temps après la mort de Delacroix, en hommage au peintre disparu en 1863. Érigé en chantre de la modernité dès les…

Julius Meier-Graefe

Julius Meier-Graefe

La vie intellectuelle à Berlin au tournant du XXe siècle

Nés respectivement en 1858 et 1867, Lovis Corinth et Julius Meier-Graefe sont…

Hommage à Cézanne

Hommage à Cézanne

En 1888, de jeunes peintres se sont donné entre eux le nom de nabis (“ prophètes ” en hébreu). Sans être une école, les nabis, qui regroupent des…
Un Hommage au Greco

Un Hommage au Greco

Du « culte du Moi » au nationalisme

Maurice Barrès entama sa carrière littéraire par des ouvrages exaltant l'émotion, « l'épanouissement de l'…

Critique d'art et engagement

Critique d'art et engagement

Un nouveau système

Le critique d’art est un acteur culturel aujourd’hui bien connu. Si Diderot peut être considéré comme le premier critique d’…

Daumier  et les critiques d’art

Daumier et les critiques d’art

Le Salon et la puissance de la critique

Au début du XIXe siècle, le Salon annuel de peinture et de sculpture a acquis une importance…

Daumier  et les critiques d’art
Daumier  et les critiques d’art