Aller au contenu principal
Femmes d'alger dans leur appartement

Femmes d'alger dans leur appartement

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : 1834

Date représentée :

H. : 180 cm

L. : 229 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Lien vers l'image

17-633017 / INV 3824

Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix

Date de publication : Janvier 2007

Auteur : Alain GALOIN

En 1832, Eugène Delacroix fait un unique voyage au Maroc et en Algérie. Il y accompagne le comte de Mornay, envoyé spécial de Louis-Philippe auprès du sultan Moulay Abd el-Rahman. Il en rapporte des livrets de croquis et d’aquarelles qu’il exploite longtemps. À Alger, il est autorisé à visiter le harem d’un corsaire turc, une révélation qui lui inspire Femmes d’Alger dans leur appartement, chef-d’œuvre qu’il expose au Salon de 1834.

Avec son voyage en Afrique du Nord, le répertoire esthétique d’Eugène Delacroix s’enrichit de motifs nouveaux qui deviennent récurrents dans son œuvre au cours des années suivantes. Il préfère désormais l’exploitation des sources orientales aux sujets tirés de la mythologie et de l’érudition. La toile Femmes d’Alger dans leur appartement inaugure admirablement cette veine qui se prolongera pendant trente ans, jusqu’à la mort de l’artiste.

Dans les immenses salles mornes du Salon annuel, le tableau de Delacroix brille d’une lumière nouvelle, que tous ne savent pas voir. Ce n’est pas seulement la qualité expressive de la couleur qui suscite les polémiques, ce ne sont ni la nouveauté, l’anticonformisme du sujet traité, ni l’audace de la représentation qui déchaînent les critiques. C’est la révélation authentique d’une âme et de ses émotions. Toute la peinture de Delacroix se situe dans ce rapport difficile entre l’imaginaire et le réel, entre l’observation du vrai et l’impulsion visionnaire.

Dans l’espace clos et confiné d’un harem algérois, trois femmes sont assises sur de luxueux tapis orientaux. Elles portent de riches tuniques de vaporeuse soie brodée, par-dessus des pantalons bouffants, des sarouels, qui laissent voir leurs mollets nus. Elles sont parées d’une abondance de précieux bijoux. La femme de gauche s’appuie négligemment sur des coussins empilés, tandis que ses deux compagnes semblent engagées dans une conversation douce et feutrée. À droite, une servante noire sort du champ en tournant la tête vers ses maîtresses. Les murs sont revêtus de carreaux de faïence ornés de délicats motifs. Dans la niche qui surplombe un placard aux portes entrouvertes apparaît de la vaisselle précieuse. À gauche de cette niche est accroché un miroir richement encadré. Sur le sol gisent trois babouches abandonnées. La femme aux longs cheveux assise à droite tient dans la main gauche le long tuyau d’un narguilé. La pièce est dépourvue de meubles mais il en émane une impression de luxe et d’exotisme.

Charles Baudelaire décrit ce tableau comme « un petit poème d’intérieur, plein de repos et de silence, encombré de riches étoffes et de brimborions de toilette ». Plus tard, Cézanne écrira que « ces roses pâles et ces coussins brodés, cette babouche, toute cette limpidité […] vous entrent dans l’œil comme un verre de vin dans le gosier, et on en est tout de suite ivre ». Quant à Renoir, il estimera qu’ « il n’y a pas de plus beau tableau au monde ». Pour lui, cette œuvre « sent la pastille du sérail ».

En effet, Eugène Delacroix dépeint un univers à la fois étrange et fascinant, dont l’exotisme a une tonalité explicitement érotique. La sensualité de ces femmes, leurs attitudes abandonnées, suggèrent une lascivité impossible à concevoir en Occident. Le corset des bonnes mœurs de la société européenne s’en trouve débridé, et le public du Salon est amené à une véritable révolution du regard qui bouscule conventions et conformisme bourgeois.

Objet de curiosité et de fantasmes aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’Orient devient, « pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale » (Victor Hugo, préface des Orientales, 1829) au siècle suivant. Son luxe, son mystère, l’exotisme dont il est auréolé, alimentent le rêve du Levant qui inspire les écrivains et les artistes.

« Le voyage d’Alger devient pour les peintres aussi indispensable que le pèlerinage en Italie : ils vont apprendre le soleil, étudier la lumière, chercher des types originaux, des mœurs et des attitudes primitives et bibliques », constate Théophile Gautier. Écrivains et artistes se muent en explorateurs, profitent des charges consulaires ou commerciales qui leur sont confiées pour voyager, se documenter, étudier les cultures, les mœurs et l’univers familier de cet Orient mythique. Ils suivent les missions scientifiques des universitaires orientalistes. Leurs enquêtes les mènent à Alger, au Caire ou à Constantinople. Cependant, nombre de peintres ne foulent jamais la terre d’Orient et ne voyagent qu’autour de leur chevalet en s’inspirant de récits de voyages faits par d’autres. C’est le cas, entre autres, d’Antoine Jean Gros (1771-1835), de Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), de Francisco Hayez (1791-1882) ou de John Martin (1789-1854), qui sacrifient néanmoins à la mode orientaliste.

Scènes de harem présentant des femmes alanguies et lascives, scènes viriles de chasse ou de combat, descriptions de paysages typiques – déserts, oasis ou villes orientales –, scènes de rue, tels sont les principaux sujets abordés par les peintres, qui mettent l’accent sur certains détails : les costumes, les particularités de l’architecture, les objets de la vie quotidienne et l’habitat. Autour de 1880, certains thèmes – celui du harem, par exemple – tombent en désuétude au profit d’une étude ethnographique réaliste qui laisse peu de place à l’exotisme et au fantasme.

Au début du XXe siècle, l’Orient cessa peu à peu d’inspirer la peinture française malgré l’ouverture à Alger, en 1907, de la villa Abd el-Tif, équivalent algérien de la villa Médicis. L’indépendance de l’Algérie en 1962 et la fermeture de cette institution sonneront le glas du courant orientaliste.

ANONYME, Delacroix et l’orientalisme de son temps. L’Atelier du Maître, Paris, Société des Amis d’Eugène Delacroix, 1951.

Jean CASSOU, Delacroix, Paris, Éditions du Dimanche, 1947.

Pierre COURTHION, La Vie de Delacroix, Paris, NRF, coll. « Vies des hommes illustres », no 12, 1927.

Henri GOURDIN, Eugène Delacroix. Biographie, Paris, Les Éditions de Paris, 1998.

A. MARTINI, Eugène Delacroix, Paris, Hachette, coll. « Chefs-d’œuvre de l’art, Grands Peintres », no 51, 1967.

Régis POULET, L’Orient : généalogie d’une illusion, Paris, Presses universitaires du Septentrion, 2002.

Edward W. SAÏD, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Le Seuil, 1997.

Lynne THORNTON, Les Orientalistes / Peintres voyageurs, Paris, ACR Éditions, 1983 (rééd. 2001).

Eugène Delacroix (1798-1863), catalogue de l’exposition du Centenaire à Paris, ministère des Affaires culturelles, 1963.

Couleurs du Maroc, Delacroix et les arts décoratifs marocains, catalogue de l’exposition du musée des Arts décoratifs de Bordeaux, 2002.

Alain GALOIN, « Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/femmes-alger-leur-appartement-delacroix

Le commentaire de l’œuvre sur le site du musée du Louvrehttp://www.louvre.fr/oeuvre-notices/femmes-dalger-dans-leur-appartementUne fiche consacrée à Delacroix et l’orientalisme sur le site internet du musée Fabre (Montpellier)http://museefabre.montpellier3m.fr/pdf.php/?filePath=var/storage/original/application/0ecc376ceb2b9d77424141c8bb9d1fb3.pdfUn dossier sur les carnets de voyage de Delacroix sur le site de l’Institut du monde arabehttp://www.imarabe.org/sites/default/files/delacroix.pdfUn dossier consacré à Delacroix sur le site education.francetv.frhttp://education.francetv.fr/matiere/arts-visuels/dossier/delacroixLe portrait de Delacroix par Nadar sur le site Panorama de l’arthttp://panoramadelart.com/portrait-de-delacroix-par-nadar

Anonyme (non vérifié)

J'àiiim£ TrOow s£ tabloOt, il ai superbe kiifan à là fàsson d£ représanté les esclàves deu couleur pàs blench£ mes noiirtes. Cinoon j'<3 bien la décot.
Post scriptium : jeux suis en 1èreL é jeux done dais cours de françè pour seux que sa intéraisse..

jeu 19/05/2011 - 22:08 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Est-ce la vrai peinture ou il y a un effet pour accentuer les couleurs chaudes?

lun 18/05/2015 - 20:12 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

L'orientalisme

L'orientalisme

Objet de curiosités et de fantasmes au XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle, l’Orient devient « une préoccupation générale »(Victor Hugo dans…

L'orientalisme
L'orientalisme
L'orientalisme
L'orientalisme
L'achèvement de la conquête d'Algérie

L'achèvement de la conquête d'Algérie

La reddition d’Abd el-Kader en décembre 1847 ne marqua pas la fin de la résistance à l’occupation française en Algérie. Pour achever la conquête,…

Ali Ben Ahmed, calife de Constantine, lors de la conquête française de l'Algérie

Ali Ben Ahmed, calife de Constantine, lors de la conquête française de l'Algérie

Les yeux tournés vers l’Orient.

Depuis 1830, le pays s’est lancé dans la conquête de l’Algérie. Inaugurée par Charles X, poursuivie par Louis-…

École de jeunes filles en Algérie

École de jeunes filles en Algérie

Un intérêt croissant pour l'Algérie

Après la prise d’Alger par les Français le 5 juillet 1830, la monarchie de Juillet, un temps hésitante,…

Le cardinal Lavigerie

Le cardinal Lavigerie

Évêque de Nancy, Charles Martial Allemand Lavigerie fut nommé archevêque d’Alger en 1867. Il créa alors les Pères blancs (1868) et les Sœurs…

La conquête de Constantine (1836/1837)

La conquête de Constantine (1836/1837)

Les difficultés de la France pour conquérir le Constantinois

Si la conquête de l’Algérie décidée par Charles X en 1830 et poursuivie par son…

La conquête de Constantine (1836/1837)
La conquête de Constantine (1836/1837)
La conquête de Constantine (1836/1837)
La conquête de l’Algérie

La conquête de l’Algérie

La conquête de l'Algérie

En juin 1830, la prise d'Alger décidée par Charles X est une opération de prestige conduite à des fins de politique…

La conquête de l’Algérie
La conquête de l’Algérie
La conquête de l’Algérie
La conquête de l’Algérie
Alger, « capitale » de la France Libre

Alger, « capitale » de la France Libre

Séance inaugurale de l’Assemblée consultative provisoire d’Alger

Le 8 novembre 1942, l’opération Torch (nom de code du débarquement allié en…

La prise de Constantine

La prise de Constantine

La prise de Constantine

En 1834, le roi Louis-Philippe se résout à maintenir la présence française en Algérie, mais choisit de restreindre l’…

La prise de Constantine
La prise de Constantine
La prise de Constantine
Le Vin et les colonies

Le Vin et les colonies

La viticulture dans les colonies d’Afrique du Nord de la fin du XIXe siècle aux années 1930

Les exploitations agricoles du Maghreb…