Mademoiselle Madeleine Brohan de la Comédie Française.
Auteur : BAUDRY Paul-Jacques-Aimé
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1860
Date représentée : 1860
H. : 107 cm
L. : 58 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© Photo RMN - Grand Palais - T. Le Mage
03-007173 / RF1279
Une grande actrice sous le Second Empire
Date de publication : Juillet 2005
Auteur : Jean-Claude YON
Une reine de la « fête impériale »
Resté dans la mémoire collective comme une époque de plaisirs (la « fête impériale »), le Second Empire est en effet une période de prospérité pour les théâtres parisiens dont les recettes battent des records lors des deux Expositions universelles (1855 et 1867). Si Offenbach et Labiche triomphent sur les scènes privées (dites alors « secondaires »), le régime maintient, pour des raisons de prestige, la qualité des spectacles proposés par les théâtres officiels (Comédie-Française, Odéon, Opéra, Opéra-Comique). Dirigée par Arsène Houssaye puis par le baron Empis et enfin par Édouard Thierry, gestionnaire remarquable, la Comédie-Française a certes du mal à surmonter le décès (en 1858) de la tragédienne Rachel, mais elle réunit une troupe d’une valeur exceptionnelle où se mêlent talents confirmés (Samson, Régnier, Mlle Plessy) et jeunes acteurs (Bressant, Coquelin aîné, Mlle Favart). Parmi ces derniers, Madeleine Brohan (1833-1900) est sans doute celle dont les débuts sont les plus spectaculaires. Premier Prix de comédie au Conservatoire à 16 ans, elle débute en octobre 1850 dans Les Contes de la reine de Navarre, une comédie écrite pour elle par Eugène Scribe. Théophile Gautier voit en elle « la beauté crue comme un fruit vert ». Sociétaire dès 1852, elle crée Marianne dans Les Caprices de Marianne et joue Marivaux et Molière (Célimène, Elmire, Philaminte). Elle connaît un grand succès à la fin de sa carrière, en 1881 Dans le monde où l’on s’ennuie d’Édouard Pailleron. Retirée en 1885, elle meurt en 1900.
Un souci de respectabilité
Assise dans un grand fauteuil, Madeleine Brohan contemple de trois quarts le spectateur. Alors que sa main droite tient un livre fermé (peut-être un volume de Molière), sa main gauche est gracieusement appuyée sur sa joue. Sa robe sombre est relevée par de fines dentelles et par une broche élégante placée au bas du décolleté. Les boiseries qui forment le fond neutre du tableau contribuent à fixer l’attention du spectateur sur le visage de l’actrice, dont Baudry sait rendre tout le charme. Futur décorateur du foyer de l’Opéra, tâche que lui confie Charles Garnier en 1865 (dix ans avant l’achèvement du bâtiment), Baudry manifeste ici sa capacité à mettre en scène les séductions du théâtre tout en respectant les convenances bourgeoises. Madeleine Brohan est présentée en tenue de ville, et seuls le négligé étudié de sa pose et le livre qu’elle tient suggèrent discrètement son état de comédienne. Ce parti pris de sobriété permet à Baudry de concentrer son art sur la beauté de son modèle, alors âgée de 27 ans et déjà sujette à un début d’embonpoint qui ne va pas tarder à l’obliger à renoncer aux rôles de jeunes premières.
Une carrière de comédienne à la Comédie-Française
Madeleine Brohan est assez représentative de ce qu’est une comédienne de la Comédie-Française au milieu du XIXe siècle. Comme beaucoup de ses camarades, elle est issue d’une famille d’artistes. Sa mère, Suzanne Brohan (1807-1887), avait joué à l’Odéon, au Vaudeville et à la Comédie-Française, et s’était retirée dès 1842. Sa sœur, Augustine Brohan (1824-1893), était également actrice. Sociétaire de la Comédie-Française à l’âge de 19 ans, elle joua à merveille les rôles de soubrettes (par exemple Dorine et Toinette) jusqu’en 1868 ; elle était connue (et redoutée) pour son esprit mordant. Madeleine est donc la troisième des « trois Brohan ». Elle doit sa fulgurante renommée sans doute d’abord plus à son éclatante beauté qu’à son talent, bien réel cependant. Son triomphe dans Les Contes de la reine de Navarre en fait en tout cas la maîtresse du prince-président, futur Napoléon III, ce qui sert sa carrière. En 1853, elle s’éprend d’un agent de change, Mario Uchard (1824-1893). Lassée de son mari, elle part jouer au Théâtre français de Saint-Pétersbourg. Uchard se venge en faisant représenter en mars 1857, avec un grand succès, La Fiammina, une comédie où il raconte son infortune. Après son retour à la Comédie-Française dès 1858, Madeleine Brohan doit lutter contre diverses affections, fréquentes chez les comédiennes du XIXe siècle : problèmes de voix (une laryngite l’oblige à garder un mutisme complet durant six mois) et perte de rôles à cause d’un surpoids récurrent. Trop confiante en sa beauté, en outre, elle ne travaille pas assez ses rôles et son indolence l’empêche d’obtenir des créations la mettant en valeur. Elle est devancée à la fois par des actrices plus expérimentées (Mlle Plessy, de quatorze ans son aînée) et plus jeune (Sophie Croizette, sa cadette de quinze ans). Sa carrière est il est vrai quelque peu relancée quand elle accepte de renoncer aux rôles de jeune première pour aborder ce qu’on appelle alors les « rôles marqués ». C’est toutefois le portrait d’une actrice ayant déjà le meilleur de sa carrière derrière elle que peint Baudry en 1860.
Catalogue de l’exposition La Comédie-Française : 1680-1980, Paris, Bibliothèque nationale, 1980.Paul GAULOT, Les Trois Brohan, Paris, Librairie Félix Alcan, 1930.Anne MARTIN-FUGIER, Comédienne. De Mlle Mars à Sarah Bernhardt., Paris, Le Seuil, 2001.
Jean-Claude YON, « Une grande actrice sous le Second Empire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/grande-actrice-second-empire
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
La vision de la mer au XIXe siècle
Avant 1750, les espaces océaniques n’attirent guère que les marins. Au XVIIe siècle, Claude Gellée, dit Le Lorrain, est l’un des rares…
Les plaisirs de la plage au XIXe siècle
Guinguettes et imagerie populaire
À la fin du XIXe siècle, les guinguettes constituent un référent culturel et…
Les auberges de jeunesse
Cette affiche, créée en mars 1945 par M. Lassalle pour le Mouvement Uni des Auberges de Jeunesse (MUAJ), est conservée…
L’Exposition russe de 1895 : l’alliance se donne en spectacle
Après sa victoire sur la France à Sedan en 1870, l’Allemagne se rapproche sur le plan diplomatique et…
La mode des courses de chevaux
C’est sous le Second Empire que les premiers grands champs de courses sont créés.
Dans ses Mémoires, le baron et préfet de la Seine…
Le Développement des pratiques amateur féminines
Au cours du XIXe siècle, les femmes se retirèrent progressivement de la vie active…
L’Amour à la Comédie-Française
C’est sous l’influence de son maître Claude Gillot que Watteau va s’intéresser à l’art dramatique et s’initier aux sujets théâtraux. Lorsque…
Le Paris-Méditerranée
Si la côte d’azur est un lieu de villégiature pour les plus fortunés depuis le XVIIIe siècle, elle…
Les « Années folles »
Deux places mythiques de la nuit parisienne ponctuent le boulevard de Clichy, qui sert de déambulatoire à la…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel