Jacques Offenbach.
Scènes de la grande duchesse de Gerolstein et de Barbe-bleue d'Offenbach.
Orphée aux Enfers d'Offenbach.
Jacques Offenbach.
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Photographie sur papier salé.
Domaine : Photographies
© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski
91-001114-02 / PHO1991-2(58)
Jacques Offenbach, le XIXe siècle en musique
Date de publication : Octobre 2006
Auteur : Jean-Claude YON
Une trajectoire hors du commun
Lorsqu’il débarque à Paris en novembre 1833, à l’âge de quatorze ans, Jacques Offenbach est un petit immigré juif allemand sans le sou qui n’a pour tout capital que son talent de violoncelliste et la volonté acharnée de réussir. Lorsqu’il est enterré en grande pompe à la Madeleine en octobre 1880, il est devenu pour le monde entier le symbole de l’esprit parisien et l’un des compositeurs les plus joués de son époque. Une ascension aussi extraordinaire n’est pas allée sans beaucoup de souffrances et de sacrifices. Des années durant, les portes des théâtres lyriques restent fermées au virtuose du violoncelle qui rêve de composer des opéras. Il lui faut se contenter de briller dans les salons, en espérant obtenir les appuis indispensables pour « percer ». La révolution de 1848 ramène Offenbach à Cologne, sa ville natale, où il attend des jours meilleurs. En 1850, il obtient le poste de chef d’orchestre à la Comédie-Française – situation qui lui permet de nouer des contacts utiles. Sa carrière connaît une impulsion décisive en 1855, quand il est autorisé à fonder son propre théâtre, les Bouffes-Parisiens, d’abord installé aux Champs-Élysées, puis passage Choiseul. Le succès est immédiat. Offenbach crée également un nouveau genre dramatique, l’opérette, dont les racines sont à chercher à la fois dans l’opéra-comique, le vaudeville et l’opera buffa. Son Orphée aux Enfers triomphe en 1858. Dans les années 1860, Offenbach, qui a abandonné la direction de son théâtre au début de 1862 pour des raisons financières, trouve dans le Théâtre des Variétés le cadre qui lui convient. Il y remporte ses plus grands succès (La Belle Hélène, 1864 ; Barbe-Bleue, 1866 ; La Grande-Duchesse de Gérolstein, 1867 ; Les Brigands, 1869), tout en s’imposant dans d’autres salles (La Vie parisienne au Palais-Royal en 1866). La guerre de 1870 interrompt cet élan, mais lui est moins néfaste qu’on ne l’a souvent écrit. De 1871 à 1881, Offenbach fait encore jouer quarante œuvres scéniques. Il dirige notamment, avec faste, le Théâtre de la Gaîté de 1873 à 1875. Quatre mois après sa mort, il obtient un triomphe posthume à l’Opéra-Comique avec son opéra fantastique, Les Contes d’Hoffmann.
Un compositeur et ses images
La mémoire collective a gardé l’image de l’Offenbach vieillissant, perclus de goutte et emmitouflé dans ses fourrures. Le portrait réalisé par Nadar vers 1850 montre un autre Offenbach, plus jeune. Il n’a déjà plus la longue chevelure qu’il portait lorsqu’il était le « Paganini du violoncelle », et son lorgnon et ses favoris le rendent immédiatement reconnaissable. Installé dans le même fauteuil où Nadar fera asseoir Gérard de Nerval quelques années plus tard, le jeune musicien fixe le spectateur avec assurance, dans une attitude non dénuée d’un certain romantisme. Le cliché a été pris au moment où Offenbach entre à la Comédie-Française.
L’aquarelle du prince de Joinville se rapporte, elle, à la période la plus glorieuse de sa carrière puisqu’elle présente une scène de Barbe-Bleue (1866) et une autre de La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867). La première montre la fureur du général Boum alors que sa souveraine nomme général en chef le simple soldat Fritz. La seconde illustre la présentation par le sire de Barbe-Bleue de sa nouvelle épouse, l’ex-paysanne Boulotte, à la cour du roi Bobèche. Le prince de Joinville, troisième fils de Louis-Philippe et marin émérite, a réalisé ces deux scènes d’après des frontispices de partition, car, de 1848 à 1870, il est banni de France, comme toute sa famille.
Si l’aquarelle du prince est l’œuvre d’un amateur doué et n’a sans doute été montrée qu’à des proches, l’affiche d’Orphée aux Enfers a au contraire été conçue pour être vue par le plus grand nombre et pour produire le plus d’effet possible. Par son génie publicitaire, Chéret parvient à suggérer la richesse exceptionnelle de la mise en scène, Offenbach ayant dépensé plus de 200 000 francs pour la reprise de son œuvre fétiche au Théâtre de la Gaîté. Sur la gauche, John Styx, l’ex-roi de Béotie, masque la cohorte des dieux et des déesses tandis que, de l’autre côté, Eurydice lève sa coupe à Bacchus, devant Jupiter déguisé en mouche. Ces personnages encadrent le char d’Apollon dont l’élévation dans le ciel marque le clou du spectacle, lors du finale du deuxième acte.
Une esthétique de la richesse
Offenbach a su créer un genre lyrique adapté aux attentes d’un public désormais plus large. Pour tous ses contemporains, sa musique – vive, nerveuse, électrique – symbolise la nouvelle société qui naît sous le Second Empire. Si toutes les couches sociales apprécient les cent dix ouvrages scéniques composés par Offenbach, il les a cependant destinés en priorité à la bonne société dont il recherche les faveurs. Il est significatif que ce soit un prince, fils du dernier roi des Français, qui soit l’auteur de l’aquarelle ici présentée. Le prince de Joinville a sans doute applaudi la cantatrice Hortense Schneider (mise en valeur dans les deux scènes qu’il a peintes) lors d’une tournée à Londres où l’aristocratie anglaise lui faisait régulièrement un accueil triomphal. On sait que, d’avril à octobre 1867, le rôle de la grande-duchesse de Gérolstein a valu à Hortense Schneider la visite de toutes les têtes couronnées venues à Paris pour l’Exposition universelle. Pour retenir ce public élégant qu’il avait commencé à approcher depuis la fosse d’orchestre de la Comédie-Française, Offenbach a toujours voulu lui offrir les spectacles les plus riches et les plus magnifiques. Les deux théâtres qu’il a dirigés, les Bouffes-Parisiens et la Gaîté, furent aménagés à son initiative de façon à offrir aux spectateurs le maximum de luxe et de confort. À la Gaîté, Offenbach invente « l’opéra-bouffe-féerie », un genre qui concurrence les fastes du « grand opéra » et annonce la revue de music-hall en mêlant musique, chant, comédie, effets spectaculaires et ballet. À l’origine opéra bouffe en deux actes et quatre tableaux, Orphée aux Enfers devient en 1874 à la Gaîté un opéra-féerie en quatre actes et douze tableaux. Chéret, à qui Offenbach avait fait confiance dès 1858, traduit avec maestria cet « éblouissement en douze tableaux » que salua la presse.
Siegfried KRACAUER, Jacques Offenbach ou le Secret du Second Empire, Paris, 1937, rééd. Paris, Gallimard, coll. « Le Promeneur », 1994.
Jean-Claude YON et Laurent FRAISON, Offenbach, Les Dossiers du Musée d’Orsay n° 58, Paris, R.M.N., 1996.
Jean-Claude YON, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, coll. « N.R.F. Biographie », 2000.
Jean-Claude YON, « Jacques Offenbach, le XIXe siècle en musique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/jacques-offenbach-xixe-siecle-musique
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