L'Observatoire de Paris
L'Observatoire de Paris, vue du côté du faubourg de Saint-Jacques
L'Observatoire de Paris
Auteur : PERELLE Adam
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1667-1695
H. : 29,9 cm
L. : 40,2 cm
Eau-forte.
Domaine : Estampes-Gravures
© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / Gérard Blot
GR 137.050 - 99-023953
L’Observatoire de Paris
Date de publication : Décembre 2024
Auteur : Stéphane BLOND
La révolution scientifique
Fondé en 1667 sous l’autorité de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), secrétaire d’État à la maison du roi, l’Observatoire de Paris est une institution rattachée à l’Académie des sciences créée l’année précédente. La légende de la première gravure décrit le contexte et les objectifs assignés à cet établissement : « L’Observatoire est un édifice que le Roy a fait commencer environ l’année 1667, sur un lieu éminent du faubourg de Saint-Jacques, pour servir aux observations du cours des astres et à plusieurs expériences de physique. Il a tout l’appareil et toutes les commodités que demandent ces 2 belles sciences. Mais outre la magnificence de sa structure, on y voit une solidité qui la fait prendre de loin pour une citadelle. » La date de réalisation de ces estampes n’est pas connue, mais la légende de la planche 28 précise que la gravure est initialement publiée : « A Paris, Chez N. Langlois rue St Jacques à la Victoire, avec privilège du Roy. » Elle porte également la mention « Perelle fecit », en référence à Gabriel Pérelle (1603-1677) et son fils Adam Pérelle (1638-1695), deux graveurs parisiens spécialisés dans les vues paysagères et architecturales.
Cette image et la planche suivante s’insèrent dans un ensemble composite formant un recueil d’architecture, comme la mode se répand au cours du règne de Louis XIV, afin de décrire les réalisations du roi bâtisseur. Ce volume conservé au château de Versailles contient des gravures exclusivement réalisées par les Pérelle, avec les monuments de Paris, Versailles, la région parisienne, des châteaux provinciaux et des sites étrangers, comme les monuments de Rome.
L’Observatoire de Paris constitue la vitrine du progrès des sciences encouragé par la monarchie française. Cette image fait écho au célèbre tableau d’Henri Testelin avec Colbert présentant au roi les différents membres de l’Académie des sciences. En réalité, l'Observatoire a été construit après la scène peinte par Testelin. Cette toile comporte un trompe-l’œil figurant le bâtiment de l’Observatoire, manière de rappeler le lien étroit entre les deux institutions. Conçu au départ comme un lieu d’expérimentation pour tous les académiciens, son emplacement excentré le réserve finalement aux recherches astronomiques. Les gravures ne sont pas datées, mais elles sont antérieures à l’installation de la haute tour de Marly sur la terrasse en 1688. Le terrain du futur Observatoire est identifié en mars 1667 à l’extrémité du faubourg Saint-Jacques, sur une élévation à l’écart des habitations, donc favorable aux observations. Le 21 juin, l’axe du méridien est fixé par les astronomes de l’Académie, ce qui permet d’orienter le plan du futur bâtiment.
L’édifice est conçu par Claude Perrault (1613-1688), frère aîné de l’écrivain auteur des Contes. Ce médecin versé dans l’architecture vient de participer à l’édification de la Colonnade du Louvre. Le gros œuvre de l’Observatoire est achevé en 1672, malgré les difficultés posées par le vaste réseau d’anciennes carrières souterraines. Les aménagements se poursuivent pendant dix ans et le 1er mai 1682, Louis XIV effectue une visite officielle.
Un chef-d’œuvre architectural
Les gravures des Pérelle représentent les façades sud (planche 28) et nord (planche 29) de l’édifice. À l’arrière-plan de la première, on aperçoit le dôme de l’église abbatiale du Val-de-Grâce et la chapelle Saint-Vincent-de-Paul de l’hospice des Enfants-Trouvés. Sur la seconde gravure, la vue ouvre sur la campagne et les moulins environnants. Les trois niveaux du bâtiment sont repérables, tandis que le rez-de-chaussée est masqué à l’arrière par une vaste terrasse.
Les utilisateurs du bâtiment reprochent à Perrault d’avoir davantage recherché le beau plutôt que l’utile. De fait, l’édifice est connu comme chef-d’œuvre, car les ouvriers font des merveilles en matière dans la taille des pierres des voussoirs (1), des berceaux (2) ou des coupoles. Deux tours octogonales flanquées aux angles de la planche 28 donnent à l’ensemble une allure massive, le qualifiant régulièrement de donjon ou forteresse. Le toit plat de l’Observatoire permet d’y installer des instruments. La façade comprend deux bas-reliefs ciselés par Francisco Temporiti, avec des globes et des instruments d’astronomie. Certains sont représentés au premier plan par des saynètes (3) formant des démonstrations, avec une longue lunette, également repérable sur la terrasse de la planche 29, un quart de cercle mobile à lunette, un niveau à trépied, une sphère armillaire (4) et une lunette portative.
Pour le Soleil et l’Univers
La création de l’Observatoire de Paris s’inscrit dans le temps long des fondations européennes depuis le XVe siècle. Entre 1610 et 1667, 23 observatoires privés sont recensés à Paris, mais le roi n’en a pas. Louis XIV engage le royaume dans le mouvement qui participe à l’émergence d’une science moderne fondée sur les expériences et une instrumentation perfectionnée. Le patronage royal possède aussi des enjeux politiques, car le soutien aux mathématiques et à l’astronomie permet d’améliorer les instruments de navigation et les cartes, autant d’outils nécessaires au gouvernement.
Très vite, l’Observatoire royal de Paris devient un établissement de référence dans l’Europe des sciences. En 1669, l’Italien Jean-Dominique Cassini, ancien professeur d’astronomie de l’université de Bologne et superintendant des fortifications du pape, devient membre correspondant de l’Académie royale des sciences. Recruté par Colbert, il s’installe en 1671 dans un appartement de l’Observatoire, dont il assure la direction sans en avoir le titre. Naturalisé en 1673, il donne naissance à une prestigieuse lignée de cartographes qui améliore la connaissance topographique du royaume. Parmi les grandes entreprises scientifiques, il faut citer La Mesure de la Terre de l’abbé-académicien Jean Picard, publiée sous les presses de l’Imprimerie royale dès 1671, ou la carte du royaume réalisée à partir de 1756 par les Cassini. À chaque fois, le méridien de Paris sert de point de référence aux mesures de terrain. Au début du XVIIIe siècle, il est tracé symboliquement sur le sol du second étage de l’observatoire. Sur la planche 28, il est indiqué par la verticale du contrepoids de la lunette astronomique.
En 1884, le méridien de l’Observatoire de Greenwich devient finalement le standard international.
Suzanne DÉBARBAT, Solange GRILLOT et Jacques LÉVY, L’Observatoire de Paris, son histoire (1667-1963), Paris : Observatoire de Paris, 1984.
Monique PELLETIER, Les cartes des Cassini : La science au service de l’État et des régions, Paris : CTHS, 2002.
Béatrix SAULE et Catherine ARMINJON (dir.), Sciences & Curiosités à la Cour de Versailles (catalogue de l’exposition du château de Versailles du 26 octobre 2010 au 27 février 2011) Paris : RMN, 2010.
Charles WOLF, Histoire de l’Observatoire de Paris de sa fondation à 1793, Paris : Gauthier-Villars, 1902.
1 - Voussoir : pierre taillée pour former l'appareil d'une voûte.
2 - Berceau : en architecture, une voûte en berceau forme un arc continu.
3 - Saynète : petite comédie espagnole, souvent jouée lors d'un intermède.
4 - Sphère armillaire : modélisation de la sphère céleste, servant à montrer le mouvement des étoiles et du Soleil autour de la Terre.
Stéphane BLOND, « L’Observatoire de Paris », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/observatoire-paris
La Carte de Cassini numérisée sur le site web de Gallica BNF
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