
Affiche Job papier à cigarettes.
Auteur : ATCHE Jane
Lieu de conservation : musée des Arts décoratifs (Paris)
site web
H. : 50 cm
L. : 69,1 cm
Lithographie coloriée.
Domaine : Affiches
© Photo RMN - Grand Palais - Bulloz
00-008693
Papier à cigarettes JOB
Date de publication : Octobre 2011
Auteur : Didier NOURRISSON
La fume est à la mode
Depuis 1843, date de la mise sur le marché français des premiers modules industriels, la cigarette investit l’espace social. Après la fabrication manuelle par les nombreuses ouvrières de la Régie des Tabacs, la production de cigarettes se mécanise au début des années 1870, avec la révolution industrielle qui s’accélère : la machine révolutionnaire dite « Gauloise » est présentée par son inventeur Anatole Découflé à l’Exposition universelle de 1889. Cependant les cigarettes fabriquées à la main, dites « cousues main », représentent encore la majorité des modules vendus. La fabrication d’un papier adapté devenant essentielle, l’industrie privée y pourvoit, et les premières machines apparaissent sous la monarchie de Juillet. Au début artisanale et familiale, la production devient industrielle. Jean Bardou, qui a déposé un brevet d’invention à Perpignan, s’associe dès le début de la IIe République au représentant de commerce toulousain Jacques-Zacharie Pauilhac et amorce une organisation commerciale pour la vente des cahiers de papier : le sigle JB se voit séparé par un losange qui rappelle à la fois les armes de Perpignan et la carotte du débitant. Bien vite, le public lira « JOB ». Une grande usine est fondée à La Moulasse dans l’Ariège, puis à Toulouse. Au même moment, un papetier d’Angoulême se met à fabriquer du papier à cigarettes, sous la marque Zig Zag, à l’effigie du zouave. Le propre frère de Jean Bardou, Joseph, crée le papier Le Nil dans cette même ville.
La promotion des produits passe par le développement de la « réclame » illustrée : on achète mieux ce que l’on voit (ou croit voir). Les artistes recourent à la chromolithographie, procédé d’impression en quadrichromie développé par Godefroy Engelmann en 1839. L’emploi des trois couleurs primaires (bleu, jaune, rouge), auxquelles on ajoute le noir, permet d’obtenir toutes les teintes et nuances possibles.
La femme publicitaire
L’image de la femme est systématiquement utilisée par les artistes depuis les premières affiches de Chéret (Le bal Valentino, 1869) : la femme donne le ton du produit de mode. Que ce soit pour aller au bal, pour croquer du chocolat, et même pour donner envie de fumer, elle fait vendre.
En novembre 1896 se tient au Cirque de Reims une grande exposition d’affiches artistiques. Y participent des célébrités du monde des arts : Alphonse Mucha (biscuits Lefèvre-Utile), Toulouse-Lautrec (cycles Michaël), Firmin Bouisset (biberons Robert). La jeune Jane Atché – elle a vingt-quatre ans –, venue de Toulouse, y présente une jeune femme blonde, assise, en robe jaune paille et grande capeline noire, qui contemple la fumée d’une cigarette qu’elle tient dans la main droite, tandis que les volutes se concentrent pour faire cercle, voilant d’un nimbe la tête de la demoiselle. Cette affiche suit celle de Firmin Bouisset de 1895 et précède les deux affiches Art nouveau de Mucha de 1897 et 1898. Le projet de Toulouse-Lautrec n’est pas retenu, tandis que celui de Jane Atché est récupéré par la société JOB au prix de quelques modifications : la robe devient vert tendre, assortie au fond, et l’écharpe de fumée flotte désormais autour de la marque JOB, tandis que sur la robe figure une formule valorisante, « Hors Concours Paris 1889 » (à l’Exposition universelle). La femme qui fume fait tourner la tête des hommes. Elle abat les cloisons des conventions.
La femme fume
Une femme qui fume, voilà qui n’est pas banal dans une société encore très intolérante. Les manuels de savoir-vivre (celui de la baronne de Staff, entre autres) soulignent à l’envi l’incorrection de la fume au féminin. Il serait tout à fait inconvenant d’acheter des paquets de cigarettes toutes faites au débit de tabac. Utiliser un papier pour rouler sa cigarette est peut-être une bonne manière de contourner l’interdit social, quand on appartient à la bonne société, celle des femmes qui ne sont ni vulgaires comme des ouvrières, ni émancipées comme des « lionnes » de la première moitié du XIXe siècle, ni prostituées comme les filles publiques d’extraction populaire. La distinction passe par la beauté du vêtement, l’élégance du geste, le soin de la tenue.
La publicité pour la fume tourne à l’affichage de la femme. Il est certain que la promotion de la cigarette, de la pratique de la fume, conduit à l’identification sociale de la femme, mystérieuse enfumeuse et sujet des désirs masculins.
Bénigno CACÉRÈS, Si le tabac m’était conté…, Paris, La Découverte, 1988.
Claudine DHOTEL-VELLIET, Jane Atché, Lille, éditions Le Pont du Nord, 2010.
Thierry LEFEBVRE, Didier NOURRISSON et Myriam TSIKOUNAS, Quand les psychotropes font leur pub. Cent trente ans de promotion des alcools, tabacs, médicaments, Paris, Editions du Nouveau Monde, 2010.
Dominique LEJEUNE, La France des débuts de la IIIe République, 1870-1896, Paris, Armand Colin, 1994.
Dominique LEJEUNE, La France de la Belle Époque. 1896-1914, Paris, Armand Colin, 1991.
Didier NOURRISSON, Cigarette. Histoire d’une allumeuse, Paris, Payot, 2010.
Didier NOURRISSON, « Papier à cigarettes JOB », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 02/04/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/papier-cigarettes-job
Lien à été copié
Découvrez nos études

Femmes au travail
Dès qu’il arrive à Paris, en 1881, Steinlen, Vaudois de naissance, se rapproche des milieux ouvriers anarchistes dont il accepte d’illustrer…





Le Travail aux champs
La représentation du labeur paysan par le biais de figures grandeur nature, autrefois réservées à la peinture d’histoire, est une des nouveautés…




Droit au cœur : de quelques représentations d’escrimeuses
En 1894, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, se tient le Congrès international pour le rétablissement des Jeux olympiques au…




L’ouvrière au début du XXe siècle
En 1905, la population ouvrière est estimée à plus de…



Marie Vassilieff, une figure de Montparnasse
Née en 1884, Marie Vassilieff étudie la médecine et l’art à Saint-Pétersbourg. Grâce à une bourse de voyage…

Le thème de l’entremetteuse
Pietro Paolini est un peintre italien baroque du XVIIe siècle. Né à Lucques en Toscane, en 1603, il a…

Louise Michel et sa légende
Institutrice républicaine, cantinière pendant le siège de Paris, oratrice au club de la…



Théroigne de Méricourt
Dès le début de la Révolution française, les femmes ont joué un rôle significatif,…

L’amour maternel au XIXe siècle
L’historien Philippe Ariès a décrit le processus par lequel, au XVIIIe siècle, l’enfant devient un être digne d’intérêt, avec des…




La publicité pour les marques de cycles : l’angle des loisirs
Après l’invention de la bicyclette à pédale par Pierre Michaux en 1861, le vélocipède connaît un succès populaire…


Francois || Affiche toujours visible
Cette affiche Job est toujours visible dans plusieurs établissement à Perpignan, je pense que la valeur doit augmenter de jour en jour, comme le papier à cigarette ! Quand je vois le prix aujourd'hui sur internet comme par exemple : http://www.tubeuse-cigarette-electrique.fr/produit/job-38-bis/ C'est 10 fois plus cher qu'avant, pourtant pas de surtaxe de l'état...
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel