Les plaisirs de l'Isle enchantée en 1664
La Fête "Les Plaisirs de l'Ile Enchantée" donnée par Louis XIV à Versailles
Les plaisirs de l'Isle enchantée en 1664
Auteur : SILVESTRE Israël
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1673
Date représentée : 1664
Domaine : Peintures
Château de Versailles, Dist. RMN - Grand Palais / Christophe Fouin
14-587358 / GR302
Les Plaisirs de l’Isle enchantée
Date de publication : Juin 2017
Auteur : Jean HUBAC
La fête royale
Véhicule de la gloire du roi, la gravure est utilisée pour diffuser dans un format raisonnable et à un prix relativement accessible une représentation des fêtes des Plaisirs de l’Isle enchantée de 1664. Israël Sylvestre, dessinateur et graveur du roi depuis 1662, et François Chauveau, dessinateur, peintre et graveur conseiller de l’Académie royale de peinture et de sculpture depuis 1663, se font d’ailleurs une spécialité de la reproduction gravée des épisodes festifs de la cour. Réunies pour illustrer la relation de l’événement, les gravures ont vocation à toucher un public très large, en France et en Europe, donnant ainsi à voir la grandeur des divertissements royaux en accompagnement des relations officielles. Ecrits par André Félibien, les textes qui accompagnent les quatorze gravures du recueil expliquent le déroulement des journées. Le choix opéré ici porte sur deux épisodes centraux de la fête, durant les premier et troisième jours.
Commandés par le roi, conçus par le machiniste et décorateur Carlo Vigarani et organisés par le duc de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre, les divertissements du printemps 1664, dits Les Plaisirs de l’Isle enchantée, reprennent un épisode du Roland furieux de l’Arioste. Dans cet épisode du célèbre roman du poète de la Renaissance italienne, le chevalier Roger est retenu enchanté par la magicienne Alcine, avant d’en être délivré par la bague de son amante Angélique. Pour l’occasion, le département des Menus Plaisirs s’est associé à celui des Bâtiments du roi, dont Colbert a pris la tête quelques semaines auparavant. Une organisation structurée se met au service d’une économie de la gloire royale.
Louis XIV, âgé de vingt-cinq ans, règne depuis 1643 et « personnellement » depuis 1661. Il a déjà témoigné de goûts affirmés pour l’art des jardins, la musique, la danse, les exercices équestres, et n’hésite pas à participer lui-même aux spectacles qui scandent la vie de cour, en particulier sur des airs de Lully, surintendant de la musique. Les Plaisirs de l’Isle enchantée réunissent donc l’ensemble des arts pour lesquels le roi a développé une appétence particulière. Le sujet galant de ces fêtes fait quant à lui écho à la situation personnelle du souverain, marié à Marie-Thérèse d’Autriche mais vivant une histoire d’amour adultérine avec Louise de La Vallière. Le décor choisi – le parc du château de Versailles – est depuis quelques années l’objet d’aménagements dirigés par André Le Nôtre, même si les grands remaniements du château n’interviennent que progressivement.
« Le roi machine »
Du 7 au 13 mai 1664, les jardins du château de Versailles s’illuminent au son des tambours et des violons pour célébrer la monarchie de Louis XIV. Les fêtes des Plaisirs de l’Isle enchantée durent trois jours et mêlent défilés, représentations théâtrales, spectacles nautiques et pyrotechniques, banquets et jeux équestres, constituant ainsi « une anthologie des plaisirs licites proposés à l’homme de cour » (Apostolidès). Elles sont suivies de quatre jours de divertissements, le tout s’adressant à des courtisans triés sur le volet.
Le soir de la première journée (7 mai – première gravure), un carrousel représente Roger, suivi d’Apollon sur son char dominant les quatre siècles (d’airain, d’or, d’argent et de fer) et conduit par le Temps. C’est cette scène que représente la première gravure, sur laquelle on distingue nettement Roger, figure centrale du premier plan jouée par Louis XIV et entourée de ses compagnons chevaliers, et le char d’Apollon à l’arrière-plan gauche. L’ensemble est inscrit dans un théâtre de verdure que le cadre de la gravure et les six cents courtisans spectateurs assis sur des gradins viennent fermer comme une scène. Dressée dans l’allée royale du château et close par des palissades de verdure entrouvertes de portiques aux armes du roi, la scène voit se succéder un magnifique défilé, puis une course de bague entre les chevaliers, un cortège de musiciens et de comédiens à la lueur des flambeaux et des bougies, parmi lesquels la troupe de Molière tient la première place, et se termine par un banquet offert au roi et à la reine. Le lendemain (8 mai), Molière crée La Princesse d’Élide, comédie-ballet en cinq actes et six intermèdes chantés et dansés sur une musique de Lully.
Le troisième jour (9 mai – seconde gravure)), c’est au tour d’Alcine d’entrer en scène, sous les regards du roi et des deux reines (la reine-mère Anne d’Autriche et la reine Marie-Thérèse) abrités sous un dais. La magicienne apparaît sous les traits de la comédienne Du Parc sur une île artificielle installée sur le lac et entourée de créatures fantastiques (monstres marins, nymphes…) qui se livrent à un ballet. Le palais d’Alcine, construit sur l’île pour la circonstance, est alors le lieu du dénouement : la magicienne ne peut empêcher Roger de passer à son doigt la bague qui rompt l’enchantement. Le tonnerre et les éclairs précèdent un gigantesque feu d’artifice qui embrase le ciel et se déploie sur les ruines du palais d’Alcine vaincue. C’est cette apothéose que le graveur a représentée, selon les mêmes procédés de mise en scène que sur la gravure de la première journée (clôture de l’espace, présence de la cour-spectatrice). Acmé du spectacle, le feu d’artifice en signifie également le dénouement heureux et la libération de Roger. Vigarani a ainsi joué des effets de perspective et de mise en valeur des jardins royaux pour faire du feu d’artifice un moment d’émerveillement collectif.
Les jours suivants (10-13 mai), des courses alternent avec une visite de la Ménagerie, une loterie, et des représentations de pièces de Molière, en particulier celle – qui déplut au roi qui la fit interdire – des trois premiers actes de Tartuffe le 12 mai.
« Une impression très avantageuse »
Louis XIV a souhaité que ces fêtes galantes proposent une lecture allégorique du temps et de la Cour à laquelle participent de manière successive nobles, pour le carrousel et les courses de bague et de têtes, et comédiens (Du Parc, Béjart, Molière, Lagrange…). Elles témoignent également, outre du début de la collaboration entre Molière et Lully, de l’engouement de la Cour pour les histoires mêlant chevaliers, magiciens et créatures fantastiques, comme celle du Roland furieux. Deuxième grande fête du règne personnel, après celle du Grand Carrousel qui fut donnée place des Tuileries en l’honneur de la naissance du Dauphin les 5 et 6 juin 1662, les Plaisirs de l’Isle enchantée marquent les esprits contemporains par leur faste et scelle la complémentarité féconde des arts qui irrigue la saison festive des décennies 1660 et 1670.
Illustrations du « département de la gloire », les fêtes de mai 1664 permettent la manifestation glorieuse du roi devant un public choisi (courtisans, grands officiers de la Couronne, corps diplomatique) au cours d’un spectacle féérique mettant en scène le souverain sous une identité allégorique. Cependant, Louis XIV est sensible à l’association du peuple à la fête et renoue après 1667 avec la tradition des spectacles royaux ouverts au plus grand nombre (pour les Plaisirs de l’Isle enchantée, trois mille personnes avaient été refoulées à l’entrée du château de Versailles…). L’intention politique de contrôle social par les émotions est clairement exprimée dans ses Mémoires pour servir à l’instruction du Dauphin : « Cette société de plaisirs, qui donne aux personnes de la Cour une honnête familiarité avec nous, les touche et les charme plus qu’on ne peut dire. Les peuples, d’un côté, se plaisent au spectacle où, au fond, on a toujours pour but de leur plaire ; et tous nos sujets, en général, sont ravis de voir que nous aimons ce qu’ils aiment ou à quoi ils réussissent le mieux. Par là, nous tenons leur esprit et leur cœur […]. »
Les gravures de Sylvestre et Chauveau participent de la volonté de monstration publique de l’événement curial et festif ; elles en permettent la diffusion de l’image dans un public élargi, en opérant un filtre qui réorganise l’information. La mise en ordre du monde (gravure 1) et l’apothéose pyrotechnique (gravure 2) affirment bien que le roi est à nul autre pareil. Ces gravures fabriquent l’opinion et constituent une caisse de résonance de la politisation de la fête royale comme une mise en scène du monde.
Jean-Marie APOSTOLIDES, Le Roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Les Éditions de Minuit, 1981.
Pierre ARIZZOLI-CLEMENTEL (dir.), Versailles, Citadelles et Mazenod, 2013.
Sylvie CHEVALLEY, « Les plaisirs de l’île enchantée », Europe, janvier-février 1966, pp. 34-43.
Joël CORNETTE, Chronique du règne de Louis XIV. De la fin de la Fronde à l’aube des Lumières, SEDES, 1997.
Nicolas MILOVANOVIC et Alexandre MARAL (dir.), Louis XIV. L’homme et le roi, catalogue de l’exposition présentée au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon en 2009-2010, Skira Flammarion et Château de Versailles, 2009.
Jean HUBAC, « Les Plaisirs de l’Isle enchantée », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/plaisirs-isle-enchantee
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