Carrousel donné par Louis XIV pour la naissance du Dauphin dans la cour des Tuileries
Auteur : GISSEY de Henri
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1662-1671
Date représentée : 5 juin 1662
H. : 281 cm
L. : 381 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / image GrandPalaisRmn
MV 2130 - 86-001856
Pouvoir du spectacle, spectacle du pouvoir
Date de publication : mai 2013
Auteur : Joël CORNETTE
La première grande fête du règne personnel
Voici un an, depuis la mort de Mazarin, que le roi « gouverne par lui-même » et il tient à affirmer aux yeux du plus grand nombre le début de son règne « personnel ». D’autant que l’avenir de la dynastie est assuré par la naissance d’un dauphin, le 1er novembre 1661. Le 5 juin 1662, il organise un carrousel dans la cour des Tuileries. Il s’agit donc à la fois de célébrer cet heureux événement et de proclamer la gloire du souverain en offrant un spectacle public capable de frapper les imaginations, car les peuples, explique Louis XIV dans ses Mémoires, « se plaisent au spectacle, où au fond on a toujours pour but de leur plaire […]. Par là, nous tenons leur esprit et leur cœur, quelquefois plus fortement peut-être, que par les récompenses et les bienfaits ».
Carlo Vigarani, dont le père était architecte de Mazarin, fut désigné pour mettre en scène le carrousel, déploiement équestre d’une ampleur inédite. C’est le jardin de Mademoiselle, vaste espace situé entre le Louvre et les Tuileries, qui a été choisi : des gradins et des tribunes en bois ont été érigés pour délimiter une grande et magnifique place carrée, capable d’accueillir quinze mille personnes assises sur quatre rangs. Une double barrière permet le passage des quadrilles de cavaliers.
Du côté des Tuileries (au fond) une somptueuse tribune à trois étages a été élevée pour les reines (Anne d’Autriche, Marie-Thérèse), les princes de la cour et les ambassadeurs. C’est là, sous un dais de velours violet enrichi de fleurs de lis d’or, que la reine Marie-Thérèse attend les vainqueurs des courses pour leur remettre des prix de grande valeur, notamment une boîte avec le portrait du roi, garnie de diamants.
Le quadrille des chevaliers
Le tableau, qui met en valeur le déploiement spectaculaire de cette parade, présente en une seule scène plusieurs des épisodes qui ont marqué ces deux jours de fêtes, les 5 et 6 juin 1662, en particulier le plus impressionnant (au premier plan) : un ballet équestre qui met en action cinq quadrilles de dix chevaliers. Romains, Persans, Turcs, Indiens, « Sauvages de l’Amérique », respectivement commandés par le roi (dans un somptueux costume d’imperator romain), Monsieur, le prince de Condé, le duc d’Enghien, le duc de Guise.
Le premier jour fut consacré aux « courses de têtes » contre une tête de Turc et une tête de Méduse ; le second jour fut celui des courses de bagues, qui consistaient à enfiler à la lance en plein galop une bague pendue par une ficelle à une potence, une version adoucie des tournois interdits depuis la mort tragique d’Henri II en 1559.
Tous les commentateurs ont relevé le caractère d’entraînement guerrier de ce spectacle destiné à exalter la noblesse : Charles Perrault les appelle des « images de la guerre », et le père Ménestrier écrit que « les courses de carrousels sont militaires ».
La naissance du Roi-Soleil
Alors que l’aristocratie, privée de ses prérogatives militaires, en est réduite à servir d’écrin au souverain, le pouvoir absolu du roi se trouve ici spectaculairement affirmé, notamment par un déploiement de devises et d’emblèmes. Louis Douvrier créa, à cette occasion, la devise de Louis XIV, qui devint immédiatement célèbre : Nec Pluribus impar, souvent traduite par « A nul autre pareil ». Et c’est le roi lui-même dans ses Mémoires qui a bien expliqué cette naissance officielle du « Roi Soleil » :
« Ce fut là [lors du carrousel de 1662] que je commençai à prendre [la devise] que j’ai toujours gardée depuis, et que vous voyez en tant de lieux. Je crus que, sans m’arrêter à quelque chose de particulier et de moindre, elle devait représenter en quelque sorte les devoirs d’un prince, et m’exciter éternellement moi-même à les remplir. On choisit pour corps le soleil, qui, dans les règles de cet art, est le plus noble de tous, et qui, par la qualité d’unique, par l’éclat qui l’environne, par la lumière qu’il communique aux autres astres qui lui composent comme une espèce de cour, par le partage égal et juste qu’il fait de cette même lumière à tous les divers climats du monde, par le bien qu’il fait en tous lieux, produisant sans cesse de tous côtés la vie, la joie et l’action, par son mouvement sans relâche, où il paraît néanmoins toujours tranquille, par cette course constante et invariable, dont il ne s’écarte et ne se détourne jamais, est assurément la plus vive et la plus belle image d’un grand monarque. »
Louis XIV, Mémoires, Paris, Tallandier, 2012.
Joël CORNETTE, Absolutisme et Lumières : 1652-1783, Paris, Hachette, 2005.
Joël CORNETTE, « Pouvoir du spectacle, spectacle du pouvoir », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/pouvoir-spectacle-spectacle-pouvoir
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
La révolte du papier timbré
La révolte du papier timbré, ou des bonnets rouges, qui éclate en Bretagne en juillet 1675 est la dernière…
L’Édit de Nantes et sa révocation
La proclamation de l’Édit de Nantes au mois d’avril 1598 poursuit les deux faces d’un seul et même objectif : mettre…
Rigaud et les portraits royaux
Installé à Paris en 1681, le peintre Hyacinthe Rigaud (1659-1743) se forge rapidement une clientèle de prestige. En…
Louis XIV en Jupiter – Louis XIV en Apollon
Si ces deux œuvres s’insèrent dans la politique de propagande monarchique, elles se distinguent par leur…
Louis XIV reçoit le Grand Condé dans le Grand Escalier de Versailles après sa victoire de Seneffe en 1674
Charles Doërr est l’élève de Léon Cogniet (1794-1880), peintre de scènes historiques dont l’influence est indéniable au…
L’expédition de Cavelier de La Salle pour la Louisiane
Jean Antoine Théodore de Gudin est aujourd’hui un peintre oublié. Cet exact contemporain de Victor Hugo, fils du général d’Empire Charles Étienne…
Madame de Montespan
La date de cette peinture est incertaine. On peut proposer un intervalle grâce aux dates de naissance des enfants :…
Des représentations de Louis XIV au XIXe siècle
Cette estampe fait partie d'une série d'après Julien Léopold Boilly (1796-1874). Il est connu sous le nom de Jules Boilly, fils du célèbre peintre…
La Mort de Louis XIV
Au cœur de l’été 1715, Louis XIV approche de ses 77 ans. Le souverain souffre de multiples maux, en particulier de…
Portrait mythologique de la famille de Louis XIV
On ignore qui commande cette grande toile au peintre Jean Nocret, mais des témoins contemporains expliquent qu…
Louis
Ce fut l'aurore d'une France puissante et prestigieuse a jamais disparue sous la médiocrité républicaine...
Marianne || Est-on obligé de conserver un
Est-on obligé de conserver un tel commentaire ?...
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel