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Le Passage du Rhin, 12 juin 1672.

Le Passage du Rhin, 12 juin 1672.

Le Passage du Rhin, 12 juin 1672 [les personnages].

Le Passage du Rhin, 12 juin 1672 [les personnages].

Le Passage du Rhin, 12 juin 1672.

Le Passage du Rhin, 12 juin 1672.

Date représentée : 12 juin 1672

H. : 49 cm

L. : 110 cm

Huile sur toile

Domaine : Peintures

© Photo RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

http://www.photo.rmn.fr

08-551312 / INV1490

Le passage du Rhin par Louis XIV

Date de publication : Décembre 2013

Auteur : Stéphane BLOND

L’offensive éclair de la France

Le 6 avril 1672, Louis XIV déclare la guerre aux Provinces-Unies (Pays-Bas du Nord) afin d’abaisser l’outrageuse puissance économique et commerciale de la petite république protestante. Soigneusement préparée depuis deux ans, la campagne terrestre rencontre peu de résistance. À la tête de l’armée, Louis de Bourbon-Condé (1621-1686), cousin du roi, traverse les Pays-Bas espagnols et les provinces allemandes avant d’envahir les Provinces-Unies. Le 12 juin 1672, la cavalerie atteint un bras du Rhin à proximité de Schenk, en face du village de Tolhuys, la « maison du péage ». Le fleuve est à son étiage, ce qui le rend franchissable à gué. Les troupes du prince Guillaume d’Orange (1650-1702) n’opposent que peu de résistance aux 20 000 soldats français qui traversent le fleuve sans peine.

Cette action sans fait d’armes devient le sujet d’une vaste production artistique qui mobilise tous les arts (peinture, sculpture, littérature) ainsi que la numismatique. Dans Le Siècle de Louis XIV, Voltaire (1694-1778) décrit « une action éclatante et unique, célébrée alors comme un des grands événements qui dussent occuper la mémoire des hommes ».

Le tableau d’Adam-François Van der Meulen, peintre flamand passé au service de la France, constitue un modèle du genre dans la mise en scène d’un fait militaire à des fins de propagande. Né à Bruxelles, capitale des Pays-Bas espagnols, Van der Meulen se forge rapidement une réputation picturale qui est repérée par Colbert (1619-1683). En 1664, il passe au service du roi et collabore avec Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre du roi. Il se spécialise dans la représentation des actions militaires du Roi-Soleil et devient peintre des batailles. Ce tableau commémorant la traversée du fleuve lui est commandé par la Grande Mademoiselle, Louise d’Orléans (1627-1693), cousine du roi et marraine du fils du peintre. L’œuvre agrémente le cabinet consacré aux actions de Louis XIV au sein du château de Choisy.

Le triomphe du chef de guerre

La composition du tableau repose sur plusieurs études préparatoires et esquisses, comme le projet d’une tapisserie allégorique basée sur un programme iconographique en trois volets présentés par l’artiste : « J’ai fait l’esquisse du Passage du Rhin, en trois morceaux ; le premier est la marche de la cavalerie, le milieu le Roy qui commande, et le troisième là où on fait le pont de bateaux. » Le tableau conservé au musée du Louvre correspond au volet central de ce triptyque, celui qui attribue au souverain la posture du chef de guerre. Le peintre ne suit pas le roi pendant la campagne de juin 1672, mais il se rend sur place au mois de septembre suivant afin d’étudier le site. Si les personnages sont mis en scène, la topographie est respectée, selon un style flamand alliant un ciel clair-obscur à une végétation faite d’un camaïeu de verts. Le peintre révèle aussi sa virtuosité dans la représentation des chevaux.

Ce tableau de petite taille décrit un large panorama où la lecture de l’action est guidée par une succession de plans. Dans la moitié droite de l’œuvre apparaît un groupe d’hommes à cheval qui ont pris place sur une hauteur. Parmi eux, le roi attire immédiatement le regard. Son costume étincelant et son cheval blanc à la robe pommelée sont magnifiés par la lumière. Louis XIV se tourne vers le spectateur afin de renforcer l’idée d’une démonstration en cours. Épée au fourreau, il tient le bâton de commandement qui prolonge sa main droite, la main de l’action, afin de théâtraliser l’événement.

En combinant plusieurs techniques (plans variés, saynètes, jeux de lumière, gestuelles), Van der Meulen dynamise son tableau et donne l’impression que l’événement intervient en direct. La monture royale se cabre pour traduire le commencement de la manœuvre, ce qui rappelle un autre tableau du peintre, le portrait équestre du roi devant Besançon. Au second plan, l’action se précise : les manœuvres militaires et la canonnade renforcent l’ambiance martiale, alors que les cavaliers s’élancent vers le fleuve, sabre au clair. Au dernier plan, le Rhin est envahi par une multitude de soldats déferlant sur quelques cavaliers hollandais. Des coups de canon, plutôt inoffensifs, sont tirés au loin depuis la tour du village de Tolhuys.

La Gloire, la Valeur et l’Honneur

Le tableau de Van der Meulen modèle une certaine image du roi. Il autorise de nombreux parallèles historiques avec Alexandre le Grand ou Jules César qui participent à la naissance du mythe et à ces « stratégies de la gloire » étudiées par Peter Burke (voir bibliographie). Postérieur à l’invasion des Provinces-Unies, le passage du Rhin ouvre symboliquement un nouvel espace diplomatique. Jean Racine (1639-1699) évoque l’effet de cet épisode sur les Hollandais : « Ils fuient à toute bride, et se renversant les uns sur les autres, vont porter la nouvelle jusqu’au fond de la Hollande que le roi était passé. »

Sur une esquisse préparatoire, le peintre ajoute trois figures allégoriques qui symbolisent la grandeur de l’acte : la Gloire, la Valeur et l’Honneur. À travers ce panorama historique, Van der Meulen figure la stature inébranlable du souverain, acteur d’une marche victorieuse et inarrêtable. Il a placé Louis XIV (no 1) au cœur de l’événement, à proximité immédiate du danger, afin de magnifier son courage et sa puissance. Le roi éclipse les autres personnages : le duc Philippe d’Orléans (1640-1701), son frère (no 2), lui fait face ; le Grand Condé (no 3) planifie la manœuvre, mais il est placé en retrait, derrière le souverain. Manteau bleu et pantalon rouge, un officier des gardes françaises s’adresse au roi qui, tout entier à l’action en cours, détourne à peine la tête.

Cette scène historique est l’objet de multiples répliques qui essaiment à travers le royaume, par Van der Meulen lui-même, ses disciples ou d’autres peintres, comme les tableaux de Joseph Parrocel (1646-1704), Jean-Baptiste Martin l’Ancien (1659-1735) ou encore Sauveur Le Comte (1659-1694). La gloire des armes est également célébrée par les almanachs, les médailles ou les bas-reliefs, comme sur la porte Saint-Denis, dédiée à « Louis le Grand ». En réalité, cette scène triomphale érigée en référence historique masque les revers militaires des jours suivants. Au mois de juillet, les Hollandais ouvrent les digues, inondent le plat pays et stoppent l’avancée des troupes françaises. Ce tableau illustre en fait une action en demi-teinte, sans éclat et sans rupture majeure, mais dès 1673, il permet à Van der Meulen d’être reçu à l’Académie de peinture et de sculpture.

· Lucien BÉLY, Les Relations internationales en Europe. XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Thémis. Histoire », 1992.

· Peter BURKE, Louis XIV. Les stratégies de la gloire, Paris, Le Seuil, 1995.

· Joël CORNETTE, Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1993.

· Hervé DRÉVILLON, Les Rois absolus. 1629-1715, Paris, Belin, coll. « Histoire de France », 2011.

· Sandra DE VRIES, « “Le Passage du Rhin” door Adam Frans Van der Meulen », in Bulletin van het Rijksmuseum, 1993, no 1.

· Isabelle RICHEFORT, Adam-François Van der Meulen. Peintre flamand au service de Louis XIV, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Art et société », 2004.

· Laure STARCKY, « L’épopée d’une traversée », in À la gloire du roi : Van der Meulen, peintre des conquêtes de Louis XIV, catalogue de l’exposition du musée des Beaux-Arts de Dijon (9 juin-28 septembre 1998) et du musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg (29 octobre 1998-17 janvier 1999), Dijon-Luxembourg, Musée des Beaux-Arts de Dijon-Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg, 1998. 

Stéphane BLOND, « Le passage du Rhin par Louis XIV », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/passage-rhin-louis-xiv

Anonyme (non vérifié)

toujours très intéressant, nous apprend ou rappelle pour d'autres l'Histoire de notre Nation.

mer 04/12/2013 - 17:03 Permalien

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