Deux femmes passant devant un étalage de fleurs au marché
Auteur : LHERMITTE Charles-Augustin
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1912
Date représentée : 1912
H. : 83 cm
L. : 110 cm
Album de photographies de Charles Lhermitte n°4, Vol.4, folio 2, ph.6 Lhermitte réalisa pour cet album de nombreuses vues de paysages, de villes, de personnages au travail etc en France et en Italie.
Épreuve sur papier. Aristotype
Domaine : Photographies
© Photo RMN - Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
06-521699 / PHO1988-19-14
Grasse
Date de publication : Juin 2012
Auteur : Alexandre SUMPF
Une ville touristique et industrielle
Au début du XXe siècle, Grasse est une destination touristique prisée, même si la ville est moins connue que Cannes ou Nice, ses voisines de la Côte d’Azur. Au tournant du siècle, quelques hôtels de luxe sont construits, ainsi que de vastes propriétés privées aux parcs somptueux, comme la villa Fiorentina ou celle du vicomte de Noailles, dotée d’un jardin méditerranéen célèbre pour ses plantes rares. À ce titre, elle attire des touristes très aisés qui y résident et, de plus en plus, des visiteurs occasionnels plus modestes, adeptes des fleurs, du climat, du cadre de vie et des senteurs de la Provence orientale.
Réputée pour ses paysages et sa flore, Grasse a aussi un passé industriel (la tannerie) et elle connaît un véritable essor à la fin du XIXe siècle, quand elle devient la capitale des parfums. Si de grandes usines sont implantées hors du centre, cette activité porteuse d’une connotation positive est pourtant loin de nuire à la vocation touristique de la « ville aux fleurs ».
C’est d’ailleurs cette image d’une cité provençale agréable (plutôt que celle d’un centre industriel) que Charles Lhermitte choisit de montrer en 1912, avec la photographie « Deux femmes passant devant un étalage de fleurs au marché, Grasse ». Une représentation pittoresque, qui nous renseigne sur la réalité de cette ville tout en rappelant certains des « signes » qui en font une destination relativement courue à l’époque.
Scène de marché
Auteur de très nombreux clichés des villes et villages de France, Charles Lhermitte (1881-1945) s’inscrit dans une veine naturaliste de la photographie documentaire qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, entend immortaliser un mode de vie traditionnel et authentique. Si les sujets qu’il choisit sont classiques et même parfois nostalgiques ou passéistes, il utilise des techniques de développement modernes, parfois inspirées du pictorialisme. Ainsi, la série d’une dizaine de clichés consacrés à la ville de Grasse qu’il a réalisée en 1912 et dont est extrait « Deux femmes passant devant un étalage de fleurs au marché, Grasse » est-elle tirée sur du papier aristotype (émulsions au gélatino-chlorure d’argent), procédé alors très récent qui donne à l’image une finesse et une netteté rehaussées par une lumière chaude et douce qui baigne tous les détails.
Le photographe a pris place parmi les étals disposés des deux côtés d’une allée sableuse bordée d’arbres qui se trouve vraisemblablement au centre de la vieille ville, les commerces (coiffeur, hôtel) et les bâtiments visibles sur la gauche laissant en effet penser qu’il s’agit là d’une artère à la fois ancienne, commerçante et animée. Son regard s’est arrêté sur deux femmes assez bien vêtues (robes, chapeaux, ombrelles) alors qu’elles passent devant un étal de fleurs que le soleil illumine. Assemblées en bouquets que la marchande enveloppe de papier blanc avant de les entasser sur son petit étal, elles semblent être aussi importantes pour le photographe que les deux femmes – qui d’ailleurs les ignorent.
La ville aux fleurs
Utilisant parfaitement la technique photographique qu’il a choisie, Lhermitte parvient à donner une atmosphère pittoresque à sa représentation. La précision et le jeu de lumière semblent renforcer cette scène quotidienne presque intemporelle.
Ainsi, on retrouve tous les éléments significatifs d’une petite ville du Sud-Est (soleil, allée, bâtiments, platanes, paysans de la région), de son cadre et de son mode de vie (le marché) et plus particulièrement ceux de Grasse : les fleurs.
Sans prendre en compte l’activité industrielle de la ville, Lhermitte a choisi de mettre en avant son aspect « typique », à travers une scène anodine. Loin des plages ou des casinos, la « ville aux fleurs » n’offre en effet aux visiteurs que la tranquillité et la quotidienneté authentiques d’une bourgade provençale ici presque revendiquées.
BOYER, Marc, L'Invention de la Côte d'Azur. L'hiver dans le Midi, Éditions de l'Aube, 2002.
CORBIN, Alain, L’avènement des loisirs (1850-1960), Flammarion, coll. « Champs », Paris, 2001.
GONNET, Paul (dir), Histoire de Grasse et de sa région, éditions Horvath, Roanne, 1984.
GOUJON, Jacques, Cent ans de tourisme en France, éditions du Cherche-Midi, Paris, 1990.
Alexandre SUMPF, « Grasse », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/grasse
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