Eugène Viollet-le-Duc
Eugène Viollet-le-Duc
Eugène Viollet-le-Duc
Auteur : LIPHART Ernst Friedrich von
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1867-1879
H. : 27,4 cm
L. : 22,6 cm
Lithographie.
Domaine : Estampes-Gravures
© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / Franck Raux
2014.00.829 - 21-533541
Viollet le duc, roi des architectes
Date de publication : Octobre 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
L'architecte en chef
Lorsque Ernst von Liphart (1857-1932) réalise le portrait d’Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), celui-ci est auréolé de la renommée acquise lors de la restauration de Notre-Dame-de-Paris (1845-1864), à laquelle il a fait ajouter une célèbre flèche. Le peintre issu d’une famille de barons allemands d’Estonie a parcouru l’Europe entière avant de s’installer à Paris en 1873. Il étudie dans l’atelier de Gustave Boulanger à l’académie Jullian, et vit des commandes passées par les rédactions des magazines La Vie élégante et La Vie moderne.
À la même époque, tandis que Viollet-le-Duc multiplie les chantiers, les ouvrages théoriques et les explorations scientifiques (Mont-Blanc), il entre dans l’atelier de Nadar pour s’y faire photographier. Félix Tournachon, dit Nadar (1820-1910), réalise depuis plus de deux décennies des portraits de personnalités. L’architecte ne dépare pas cette série qui compte d’illustres penseurs (Proudhon), poètes (Baudelaire), peintres (Courbet) ou encore la danseuse Loïe Fuller.
Pour la postérité
La lithographie de format A4 composée par Liphart associe une pose assez convenue avec un trait plus audacieux. Viollet-le-Duc y apparaît comme un archétype de figure intellectuelle – crâne dégarni, cheveux blancs, barbe fournie, mains fines, rosette à la boutonnière et épais volume ouvert devant lui. Ce code de représentation inscrit dans la plus pure tradition occidentale est toutefois relevé d’un style singulier, privilégiant la hachure. Si le visage et les mains sont finement dessinés, l’arrière-plan sombre sur lequel le portrait se détache et, surtout, le costume, jouent d’un effet visuel que n’auraient pas renié les impressionnistes. Le choix de l’orientation, de la densité et de l’intensité des traits parallèles crée des effets de lumière qui renouvellent l’art du plissé.
À l’atelier de Nadar, on réalise (au moins) trois clichés de Viollet-le-Duc : de trois-quarts, de trois-quarts face et (presque) de face. Là aussi, il porte la redingote sur chemise blanche, agrémentée d’une montre à gousset et d’une petite cravate. Ses épaules et son buste bougent à peine, c’est sa tête qui change de position. Cette technique a été développée par Nadar lui-même, qui en a fait la publicité en affichant 12 poses prises sous différents angles afin de restituer le volume en trois dimensions. Viollet-le-Duc ne sourit pas, comme c’est la règle à l’époque – d’autant plus pour un savant d’un certain âge (64 ans) dont le sérieux constitue la meilleure carte de visite.
Maître de son image
Viollet-le-Duc a posé pour de nombreux artistes avant Liphart et Nadar. Dès 1848, aux tout débuts de la photographie, il a ainsi fait réaliser un daguerréotype… où on le reconnaît déjà en redingote avec montre à gousset. Entretemps, le jeune homme aux cheveux bouclés a conquis la légitimité et la respectabilité auquel on aspire dans son milieu social. On recense aussi de multiples portraits gravés de lui, à tous les âges – mais aucun n’a la même audace que celui livré par Liphart.
Peut-être peut-on déceler dans ce choix la face moins connue de l’homme qui a tant reconstruit et fixé de façon si imposante sa vision du Moyen Âge – de la Sainte-Chapelle à Carcassonne en passant par le Mont-Saint-Michel. Chantre des charpentes métalliques, théoricien de l’architecture rationnelle, il était aussi un précurseur de l’Art Nouveau. Aussi a-t-il dessiné pour certains monuments restaurés sous sa direction des ornementations inspirées des courbes et entrelacs du monde floral, tirant ainsi parti de son talent pour le dessin naturaliste. Ce rejet du classicisme et désir de retour à l’art médiéval des chapiteaux historiés se retrouve dans sa propension à se faire représenter au milieu de la statuaire ancienne – au château royal de Pierrefonds dans le costume d’un pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle, et à Notre-Dame-de-Paris parmi les 16 Apôtres de sa flèche.
Laurent Baridon, L'Imaginaire scientifique de Viollet-le-Duc, Paris, L’Harmattan, 1996. Françoise Bercé, Viollet-le-Duc, Paris, Éditions du Patrimoine-Centre des monuments nationaux, 2013.
Laurence de Finance et Jean-Michel Leniaud (dir.), Viollet-le-Duc : les visions d’un architecte, Paris, Norma, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2014.
Stéphanie de Saint Marc, Nadar, Paris, Gallimard, « NRF Biographies », 2010.
Néogothique : Mouvement artistique apparu à la fin du XVIIe siècle et qui court tout au long du XIXe siècle, inspiré par l’art du Moyen Âge, particulièrement par l’art gothique.
Art nouveau : Style qui se développe dès la fin du XIXe siècle, d’abord en Belgique et en France. Il s’épanouit dans l’architecture et dans les arts décoratifs. La recherche de fonctionnalité est une des préoccupations de ses architectes et designers. L’Art nouveau se caractérise par des formes inspirées de la nature, où la courbe domine.
Alexandre SUMPF, « Viollet le duc, roi des architectes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/viollet-duc-roi-architectes
Poura aller plus loin :
- Sur les pas de Viollet-le-Duc, sur le site web de la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie
- Qui était l'architecte Viollet-le-Duc ? une vidéo du Centre des Monuments nationaux
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