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Le directeur de la prison de Trèves.

Le directeur de la prison de Trèves.

Gardien à Hinzert (S.S. à Hinzert).

Gardien à Hinzert (S.S. à Hinzert).

Le directeur de la prison de Trèves.

Le directeur de la prison de Trèves.

Date de création : 1942

Date représentée :

H. : 7

L. : 5

Papier journal, peinture à l'huile

Domaine : Dessins

© Collection Centre Pompidou, Dist. RMN - Grand Palais / Philippe Migeat

http://www.photo.rmn.fr

07-521365 / AM1728D(9)

La captivité de Jean Daligault : les bourreaux

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Alexandre SUMPF

De Trèves à Hinzert

Prêtre, dessinateur, peintre et graveur, Jean Daligault s’engage dans la Résistance en 1940, à travers la branche caennaise du réseau « Armée Volontaire ». Arrêté le 31 août 1941, il est détenu à Fresnes, jugé, transféré en Allemagne pour être incarcéré à la prison de Trèves (Rhénanie-Palatinat), puis interné en 1942 non loin de là, dans le camp de concentration de Hinzert. Ayant quitté Hinzert le 22 mars 1943, l’abbé Daligault séjourne dans les prisons de Trèves, Wittlich, Cologne puis de nouveau Trèves en septembre 1943. Transféré à la prison de Munich le 28 avril 1945, il y est tué le jour même d’une balle dans la tête. Le lendemain, un détachement de l’armée américaine libère le camp.

Durant cette période d’emprisonnement, Daligault dessine et peint en secret son quotidien à l’aide de tous les matériaux qu’il arrive à se procurer ou à dérober. À Hinzert, il arrive qu’on lui fournisse des morceaux de papier et de carton volés dans un atelier de production de chaussures installé dans le camp. Il dessine alors avec du charbon de bois ou de la suie. Il vole parfois des bouts de bois dans la réserve des S.S. et sculpte des scènes ou des bustes de ses camarades.

Conservées par l’aumônier de la prison de Trèves, ces œuvres sont retrouvées à la libération. Datant toutes les deux de 1942 et suivant le parcours du détenu (qui quitte la prison pour le camp à ce moment), Le directeur de la prison de Trèves et Gardien à Hinzert constituent un témoignage dont le caractère exceptionnel tient à la fois au contexte, à l’auteur et aux conditions de réalisation.

Les gardiens


Le directeur de la prison de Trèves est un portrait que Jean Daligault a peint à l’huile sur du papier journal – quelques mots allemands transparaissent d’ailleurs aux endroits peu couverts par la peinture. Ce portrait en buste consiste en un ensemble de traits noirs ou gris clair qui, par leur disposition, donnent un tour assez impressionniste à la représentation. Vieux, massif et sévère (les sourcils froncés, l’œil et le regard noirs, le nez pointu et presque offensif), le directeur est cependant aisément reconnaissable.

Gardien à Hinzert a lui aussi été peint sur du papier journal, comme le montre le texte allemand cette fois très présent. Mais, dans ce portrait en buste d’un S.S., les traits noirs sont plus nets et plus larges, et Daligault a privilégié les figures géométriques juxtaposées ou emboîtées. Carré (ses épaules massives barrent l’espace), le gardien en uniforme a une tête rectangulaire coiffée d’un képi en forme de losange (avec un insigne rectangulaire). Le nez (un rectangle), les oreilles (des triangles), les poches (des rectangles) et les boutons (ronds) de sa veste répondent à cette composition. Presque enfantin, le dessin aux traits pourtant réguliers montre une face caricaturale, un peu difforme, aux yeux divergents.

L’art malgré tout


Comme d’autres œuvres réalisées dans des situations de captivité et de violence, Le directeur de la prison de Trèves et Gardien à Hinzert expriment une mise à distance de sa condition par Daligault. Peindre lui permet de donner un sens au contexte et à la souffrance, de les dépasser pour parvenir malgré tout à l’art.
Mais il s’agit bien de rendre compte de ce réel plutôt que de le fuir. Ainsi, les deux personnages représentés ont-ils tous les attributs des dominants et des bourreaux : les corps sains et bien nourris (graisse ou muscle) s’opposent à ceux de leurs victimes, comme si l’autorité et le sentiment de sa légitimité se traduisaient aussi par ce biais (en plus de l’uniforme pour le S.S.).

Le regard noir, presque cruel, du directeur se distingue cependant de celui, inexpressif et vide, du S.S. Si le premier de ces personnages est à la fois plus complexe (dans la composition et son résultat) et plus inquiétant, le second – une masse tout en angles – se réduit à une caricature de la force brute. Peut-être Daligault a-t-il ainsi signifié le passage de la prison au camp, qui représente aussi une gradation dans la violence et l’inhumanité.

Centenaire de la naissance de Jean Daligault, 1899-1945, Direction des Archives du Calvados, Caen, 1999.DE LA MARTINIERE, Joseph, Mon témoignage de déporté N.N., tome II : Hinzert, Paris, FNDIRP, 1989.DORRIÈRE, Christian, Cinq ans d’Enfer et Cinquante de purgatoire, tome I : Jean Daligault, une page de la résistance à Caen, Caen, 1995.DORRIERE, Christian, L’Abbé Jean Daligault - Un peintre dans les camps de la mort, Le Cerf, « Collection Epiphanie », 2001 Jean Daligault Peintures et Sculptures, introduction de Madame LORACH, Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, éditions de la Martinière, Paris, 1996.

Alexandre SUMPF, « La captivité de Jean Daligault : les bourreaux », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/captivite-jean-daligault-bourreaux

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