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Le Triomphe de la Liberté

Le Triomphe de la Liberté

La France montre la Liberté à des nations éloignées qui copient la Table des Droits de l'Homme

La France montre la Liberté à des nations éloignées qui copient la Table des Droits de l'Homme

La Liberté

La Liberté

Le Triomphe de la Liberté

Le Triomphe de la Liberté

Date de création : 1790

Date représentée :

H. : 89 cm

L. : 123 cm

Hulie sur toile.

Domaine : Peintures

© Coll. Musée de la Révolution française - Domaine de Vizille

Lien vers l'institution

MRF 1986 160

La Liberté

Date de publication : Mars 2008

Auteur : Mehdi KORCHANE

Au lendemain de la prise de la Bastille, étendards, affiches et gravures commencent à diffuser des emblèmes du triomphe de la Révolution sur le despotisme. Symboles de la féodalité vaincue et personnifications des vertus révolutionnaires sont associés dans des combinaisons d’abord aléatoires. Mais de cette première irruption de symboles émerge une figure qui va incarner la Nation française, jusqu’à la chute de la monarchie du moins : la Liberté.

Codifiée au XVIIe siècle, sa représentation a été soumise à des ajustements après 1789. L’Iconologie publiée par Gaucher en 1791 rappelle que la Liberté est représentée traditionnellement sous les traits d’une jeune femme vêtue de blanc, tenant d’une main le sceptre, qui « exprime l’empire que par elle l’homme a sur lui-même », et de l’autre le bonnet – pileus – qui distinguait l’esclave affranchi chez les Romains, le chat, ennemi de la contrainte, l’accompagnant parfois. Mais l’auteur enregistre aussi le nouvel usage iconographique qui distingue la Liberté acquise par la valeur : c’est « une femme tenant une pique surmonté d’un bonnet et foulant aux pieds un joug ». Quoique cette représentation conventionnelle soit la plus courante sous la Révolution, les artistes disposent souvent librement des motifs qui la composent.

Paysage symbolique ou allégorie naturalisée, le Triomphe de la Liberté de Colinart occupe, par son caractère hybride, une place à part dans l’iconographie de la Liberté. Sise sur un podium rocheux, la déesse habite un lieu naturel vraisemblable mais dont chaque élément est chargé de sens. La partie gauche du paysage montre une nature abondante (troupeau au pâturage, arbre chargé de fruits) sous un ciel clément, tandis que des nuages assombrissent la partie droite, dont la vue est en partie masquée par un arbre abattu, parmi les branches duquel gisent les chaînes brisées du despotisme. La figure féminine se tient à la charnière de ces deux mondes contradictoires. Son allure guerrière (cuirasse à la romaine, crinière de lion), sa posture dynamique et le fléchage de son sabre montrent qu’elle vient de pacifier la contrée de gauche et qu’elle s’apprête à conquérir celle de droite, au centre de laquelle se trouve un château, symbole de féodalité.

L’attribut de la pique surmontée du chapeau semble devoir identifier cette figure à la Liberté. Toutefois son écharpe tricolore pourrait tout aussi bien désigner la Nation française garantissant la Liberté par l’amour de la patrie (bouclier en forme de cœur enflammé). En outre, une allusion au contexte hollandais contemporain est introduite par la substitution du chapeau noir et rond – symbole des Patriotes de Hollande – au traditionnel bonnet sur la pique. L’acclimatation de la Liberté-Nation à un paysage naturaliste hollandisant, à la manière de Ruysdaël ou de Hobbema, accuse cette influence et montre que l’allégorie doit satisfaire l’œil autant que l’esprit.

Le dispositif narratif de l’allégorie de Valentin relative à la déclaration des Droits de l’homme est approprié à la fonction didactique de l’image : c’est celui d’une scène de genre édifiante. Tournant le dos au spectateur, les personnifications des quatre continents sont agenouillées devant la France. Par leur action comme par leur position de repoussoirs, elles indiquent au spectateur le rôle pacificateur de la Révolution, qui a placé la France sous la protection de la Liberté et lui a livré les Tables d’une Loi nouvelle et universelle. Contrairement au tableau de Colinart, Liberté et Nation sont ici dissociées ; elles sont inscrites dans un espace parcourable qu’elles n’ont pas vocation à parcourir : l’une est figée par sa qualité de statue sur son piédestal, l’autre par sa posture assise sur son trône. Valentin propose en somme une solution médiane entre l’allégorie narrative de Colinart et celle, strictement iconique, de Nanine Vallain.

La Liberté de Nanine Vallain trônait dans la salle des séances du club des Jacobins. Exempte de narration et chargée de symboles, elle relève de la conception allégorique la plus élémentaire. Vêtue à l’antique, elle tient de la main gauche la pique surmontée du bonnet et de la main droite la Déclaration des droits de l’homme, dont les feuilles déroulées se superposent à un faisceau croisée à une massue – l’union et la force. Le pied de l’allégorie foule une chaîne brisée à proximité de laquelle se trouvent deux symboles du régime déchu : la couronne renversée et les registres féodaux mutilés. Sur la pierre taillée qui sert d’assise à la Liberté sont martelées deux dates : 14 juillet et 10 août. Sur ce même socle est posée une urne funéraire dédicacée A nos frères morts pour elle. A sa base croît un lierre, signe de la fidélité qui attache à la Liberté, et à proximité pousse le laurier qui donne à ses martyrs les couronnes de la gloire. La déité s’inscrit plastiquement sur une pyramide, car venue du fond des âges elle est promise à l’éternité.

De la Révolution de 1789 à la fin de la Terreur (juillet 1794), l’allégorie de la Liberté est passée d’une conception narrative héritée de la tradition humaniste à une figuration iconique. Elle s’est débarrassée des agréments de l’art à mesure qu’augmentait sa dimension religieuse : produit de l’idéologie jacobine, la Liberté de Vallain n’est plus vouée à délecter (comme celle de Colinart) ni à édifier (comme celle de Valentin). Elle est devenue l’icône du culte révolutionnaire que la Convention s’est efforcée d’imposer au peuple pour enrayer les effets néfastes de la déchristianisation. Sa naissance a été marquée par une cérémonie célébrée dans l’église métropolitaine de Paris (ancienne cathédrale Notre-Dame) le 10 novembre 1793, au cours de laquelle fut chanté l’hymne que Joseph-Marie Chenier lui a dédié : « Toi, sainte Liberté, viens habiter ce temple, sois la déesse des Français ».

Mais la fête de la Liberté a aussi marqué la fin du règne de la Liberté. Après septembre 1792, elle a cédé le pas à la République, à laquelle elle a prêté ses traits et attributs. Quant au culte révolutionnaire, il est devenu celui de la Raison et de l’Être suprême.

Maurice AGULHON Marianne au combat. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880Paris, Flammarion, 1979.

Philippe BORDES et Alain CHEVALIER, Catalogue des peintures, sculptures et dessins. Musée de la Révolution française Vizille, 1996.

Ernst GOMBRICH Le Rêve de la Raison : le symbolisme de la Révolution française Revue FMR, VI, n° 21, 1989, p. 1-24.

Annie JOURDAN L’allégorie révolutionnaire de la liberté à la république Dix-huitième siècle, n°27, 1995, p. 503-532

Jules RENOUVIER Histoire de l’art pendant la Révolution Paris, Renouard, 1863.

Mehdi KORCHANE, « La Liberté », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/liberte

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