Aller au contenu principal
Napoléon Ier couronné par le Temps, écrit le Code Civil.

Napoléon Ier couronné par le Temps, écrit le Code Civil.

Napoléon Ier à la ferme.

Napoléon Ier à la ferme.

Napoléon Ier couronné par le Temps, écrit le Code Civil.

Napoléon Ier couronné par le Temps, écrit le Code Civil.

Date de création : 1833

Date représentée :

H. : 131 cm

L. : 160 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) / Daniel Arnaudet

Lien vers l'image

M.M.40.47.8401 - 96-014721

La Légende dorée de Napoléon

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Jérémie BENOÎT

Durant la monarchie de Juillet, une flambée de bonapartisme se fit jour, encouragée par la politique de rassemblement national de Louis-Philippe. En quête d’une troisième voie entre les différentes tendances politiques, le souverain tenta en effet de se les rallier en cautionnant le grand événement révolutionnaire et impérial rejeté depuis 1815. Cela lui était d’autant plus facile qu’il avait lui-même combattu à Neerwinden en 1792.

Ce furent les bonapartistes qui furent les mieux traités dans cette nouvelle politique. Le roi inaugura le musée de l’Histoire de France à Versailles (1833), fit relever la statue de Napoléon au sommet de la colonne Vendôme (actuellement aux Invalides) et inaugura l’arc de triomphe de l’Étoile enfin achevé (1836). Partout l’Empire était mis en valeur, et Napoléon eut également droit de cité au Salon. Cette politique bonapartiste devait connaître son apothéose en décembre 1840 avec le retour des cendres.

Le tableau de Mauzaisse

Exemple tardif d’allégorie, ce tableau exposé au Salon de 1833 (no 3130) participe du culte napoléonien. Héros absolu, Napoléon, revêtu de son uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la garde, est élevé au ciel où le Temps le couronne, tandis que lui-même, regardant fièrement le spectateur, écrit son œuvre sur les tables de l’Histoire. Une grande diagonale souligne cette sorte d’apothéose de l’Empereur.

Mais une ambiguïté subsiste entre le propos de Mauzaisse et la réalisation de son œuvre, très pesante, très réaliste dans sa façon de montrer l’événement. Cette ambiguïté ne s’explique que par les choix politiques et sociaux de l’artiste.

Le tableau de Dulong

Exposé au Salon de 1835, ce tableau s’inspire d’une chanson célèbre de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), Les Souvenirs du peuple, qui évoque la rencontre de Napoléon et d’une jeune servante lors de la campagne de France en 1814. Un soir, l’Empereur harassé par les combats s’arrête dans une auberge de Champagne et s’écrie : « Dieu, quelle guerre ! » Après s’être endormi auprès du feu, il s’éveille et console la servante qui pleure sur les malheurs de la France et lui affirme qu’il se rend sous Paris pour la venger. Ce sont ces souvenirs que raconte la jeune fille devenue grand-mère à ses petits-enfants : « Parlez-nous de lui, grand-mère ! Parlez-nous de lui !… »

Œuvre assez faible techniquement, le tableau de Dulong n’en est pas moins intéressant par l’image de Napoléon qu’il véhicule. Nous sommes loin ici du héros victorieux ou de l’homme sacré. C’est un empereur proche du peuple, attentif à ses malheurs, que Béranger comme Dulong représentent. Toutefois, la religion n’est jamais bien loin, même en ce cas, et le tableau se présente un peu comme la transcription d’une Madeleine aux pieds du Christ. La jeune Champenoise, illuminée par le feu de la cheminée, apparaît comme touchée par la grâce du grand homme en qui elle a placé toute sa confiance. Napoléon est donc présenté comme le seul capable de sauver la France. Ainsi s’explique le côté luministe de cette scène intime.

Contrairement au tableau de Dulong, la composition de Mauzaisse ne s’inscrit pas dans la culture populaire, mais dans le contexte de l’art officiel. Sa lecture, pour être aisée, ne touche pas le peuple mais l’érudit, même si le message demeure à peu près identique entre les deux œuvres. En effet, Mauzaisse montre que l’Empereur n’est pas mort, mais qu’il survit dans le monde intemporel de l’Histoire et du Temps, assimilé au ciel. Toutefois, ce n’est plus à un dieu que nous avons affaire, mais bien à un simple mortel, peint de manière réaliste, placé dans l’au-delà par le biais l’imagination et le souvenir font survivre dans l’au-delà. Or cet au-delà n’est ni sacré, ni divin, il est celui de l’Histoire.

Pour bien comprendre la différence de conception entre Dulong et Mauzaisse, il faut se placer d’un point de vue social. Mauzaisse, artiste officiel, peint pour la bourgeoisie au pouvoir, pour des commerçants réalistes, voire matérialistes et athées, qui n’acceptent Napoléon qu’en l’intégrant dans l’Histoire. Il peint une œuvre essentiellement intellectuelle destinée à un public cultivé, insensible à une religion napoléonienne dont il se méfie. Si la bourgeoisie cherche à travers cette peinture à se rallier le peuple en lui donnant à voir une œuvre allégorique, sorte d’apothéose de l’Empereur, cette représentation ne correspond cependant en rien à l’attente des bonapartistes.

Dulong, petit artiste secondaire, vraisemblablement proche du peuple et des bonapartistes, cherche au contraire à éveiller les sentiments en s’inspirant de la culture populaire dont témoignent les chansons de Béranger. Le peintre parle ainsi aux sens, aux espoirs d’une population laissée pour compte face à la prospérité de la bourgeoisie sous le règne de Louis-Philippe.

N. HUBERT, Alain POUGETOUX, Châteaux de Malmaison et Bois-Préau. Catalogue sommaire illustré des peintures et dessins, Paris, RMN, 1989.

COLLECTIF, Société des Amis de Malmaison, bulletin 1990, p. 34-37.

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.

Jérémie BENOÎT, « La Légende dorée de Napoléon », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/legende-doree-napoleon

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Une femme force les portes de l’Académie

Une femme force les portes de l’Académie

L'Académie royale de peinture et de sculpture est fondée sur mandat royal en 1648. Elle constitue l'un des socles institutionnels sur lesquels…

Alexandre dans la tente de Darius

Alexandre dans la tente de Darius

Ce tableau a été peint, vraisemblablement, à la fin de l’année 1660. Charles Le Brun logeait à Fontainebleau, à proximité du roi, et Louis XIV «…

Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Le compositeur Cherubini et la Muse de la poésie lyrique

Compositeur italien né en 1760, Cherubini s’établit à Paris en 1788 et se fait naturaliser français. Il traverse les gouvernements : porte-parole…

<em>La Liberté guidant le peuple</em> d’Eugène Delacroix

La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix

Charles X et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution. L’opposition libérale, par le biais…

Allégorie de la régence d’Anne d’Autriche

Allégorie de la régence d’Anne d’Autriche

La régence d’Anne d’Autriche

Si sa date de réalisation est attestée – 1648 –, on ignore à la fois qui a commandé la toile et son emplacement…

L’utopisme républicain de 1848

L’utopisme républicain de 1848

La révolution parisienne de février 1848 renverse Louis-Philippe. La IIe République est proclamée, le suffrage universel instauré.…

L’utopisme républicain de 1848
L’utopisme républicain de 1848
L’utopisme républicain de 1848
L’utopisme républicain de 1848
La Liberté

La Liberté

Au lendemain de la prise de la Bastille, étendards, affiches et gravures commencent à diffuser des emblèmes du triomphe de la Révolution sur le…

La Liberté
La Liberté
La Liberté
Louis XIV et Apollon

Louis XIV et Apollon

La thématique propagandiste du Roi-Soleil

Cette gouache sur papier crème de Joseph Werner, peintre bernois appelé à la cour de Louis XIV pour son…

Les Quatre nations vaincues

Les Quatre nations vaincues

La place des Victoires a une genèse singulière puisqu’elle est voulue par François, vicomte d’Aubusson, duc de la Feuillade (1625-1691), afin de…

Les Quatre nations vaincues
Les Quatre nations vaincues
Les Quatre nations vaincues
Le culte révolutionnaire de la raison en l'an II

Le culte révolutionnaire de la raison en l'an II

Lille et le culte révolutionnaire

Dans l’histoire française, la « déchristianisation » entreprise à partir de brumaire an II (novembre 1793)…

Le culte révolutionnaire de la raison en l'an II
Le culte révolutionnaire de la raison en l'an II