Le Triomphe de l'ordre.
La Veuve du fusillé.
Le Triomphe de l'ordre.
Auteur : PICHIO dit PICQ Ernest
Lieu de conservation : musée d’Art et d’Histoire Paul-Éluard (Saint-Denis)
site web
Date de création : 1877
Date représentée : 1871
H. : 32 cm
L. : 46 cm
dit aussi "le Mur des Fédérés" lithographie
Domaine : Estampes-Gravures
© Saint-Denis, musée d'art et d'histoire - Cliché I. Andréani
NA 2024
Le mur des Fédérés
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Bertrand TILLIER
Le mur des Fédérés
À la fin de la « Semaine sanglante », le samedi 27 mai 1871, les troupes versaillaises parviennent à investir le cimetière du Père-Lachaise où des fédérés s’étaient repliés tandis que les quartiers du Trône, de Charonne et de Belleville étaient assaillis. Durant plusieurs heures, les communards résistent au point que les combats se seraient parfois terminés au corps à corps et à l’arme blanche, entre les tombes, non loin des sépultures de Nodier, Balzac et Souvestre.
Cent quarante-sept communards faits prisonniers sont fusillés contre le mur est de l’enceinte du cimetière. Dans les heures et les jours qui suivent, les corps de milliers d’autres fédérés tombés lors des combats de rue dans les quartiers environnants sont ensevelis à leurs côtés, dans une fosse commune. En leur mémoire, une section de cette muraille est appelée dès la fin des années 1870 le « mur des Fédérés ».
Commémorer
Dès le début de la décennie 1880, une commémoration annuelle s’y déroule, à l’initiative d’anciens communards et de leurs proches, bientôt relayés par les organisations militantes de gauche, politiques et syndicales. De nos jours, le dimanche le plus proche du 28 mai – qui en 1871 marqua la fin de la « Semaine sanglante » et l’écrasement de la Commune –, est encore la date d’une annuelle « montée au Mur ».
Le Triomphe de l’ordre, dit aussi Le Mur des Fédérés, et La Veuve du fusillé ont été réalisés en 1877 par Ernest Pichio (1826-1893), lors de la proscription en Suisse de l’artiste, exilé à Genève. D’obédience communarde, Pichio a peint dans Le Triomphe de l’ordre – la lithographie connue est tirée du tableau disparu – une vision lyrique des exécutions massives et sommaires des fédérés au Père-Lachaise. Sous un ciel apocalyptique, il montre les communards adossés à une muraille surplombant une fosse profonde. Les visages des condamnés expriment le même effroi que les traits tétanisés des agonisants et des morts qui jonchent le fond et le pourtour de la fosse. Fauchés par une batterie de canons représentée à droite, les corps convulsifs des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards disent la terreur de la répression qu’incarnent les deux soldats versaillais surveillant froidement les exécutions.
Dans La Veuve du fusillé, Pichio semble « écrire » la suite de cette histoire. Au pied de la même muraille, une femme en deuil accompagne ses deux jeunes enfants et leur désigne l’inscription gravée dans la pierre : « Mai 1871 / Aux martyrs / sans nom / morts pour la liberté. » Les enfants viennent déposer une couronne mortuaire dédiée à leur père, là où d’autres jonchent déjà le sol, en un hommage qui a encore les apparences de la clandestinité.
Le mythe politique
Exécutées avant même que les montées annuelles au mur des Fédérés ne soient tolérées – quoique étroitement surveillées par la police –, ces deux œuvres de Pichio semblent fixer les débuts du culte dans les années qui précèdent l’amnistie générale de 1880. Le « mur » y est sublimé par une dramatisation toute romantique des héros, dont la mort effroyable, exemplaire et sacrificielle, est particulièrement propice au culte de la mémoire et aux symboles politiques les plus efficaces.
La force de Pichio est de savoir jouer, dans ces deux images contemporaines, avec des régimes temporels différents – le présent des massacres de la « Semaine sanglante » et le présent de leur commémoration –, susceptibles de provoquer deux attitudes politiques et militantes complémentaires : l’indignation devant Le Triomphe de l’ordre et le recueillement face à La Veuve du fusillé.
Alain DALOTEL, « Un pèlerinage rouge : la montée au mur des Fédérés (1878-1914) », Gavroche, no 9, avril-mai 1983, p. 14-20.
Bernard NOËL, Dictionnaire de la Commune, 2 vol., [1971], Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1978.
Madeleine REBÉRIOUX, « Le mur des Fédérés », in Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire, [1984], t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1997, p. 535-558.
Danielle TARTAKOWSKY, Nous irons chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, XIXe-XXe siècles, Paris, Aubier, 1999.
Bertrand TILLIER, « Le mur des Fédérés », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/mur-federes
Lien à été copié
Découvrez nos études
Être catholique à la fin du XIXe siècle
Au XIXe siècle, on observe une désaffection à l’égard de l’Église, un détachement qu’ont préparé l’essoufflement de la pratique…
La prise de Constantine
En 1834, le roi Louis-Philippe se résout à maintenir la présence française en Algérie, mais choisit de restreindre l’…
La famine de 1921
Le mur des Fédérés
À la fin de la « Semaine sanglante », le samedi 27 mai 1871, les troupes versaillaises parviennent à investir le cimetière du…
Un Monument pour tous les morts
C’est dans le cadre de la loi du 23 prairial an XII qu’a été créé le cimetière de l’est parisien, nom officiel du Père-…
La Toussaint
Consacrée à tous les saints martyrs et fixée au 13 mai par le pape Boniface IV en 610, la commémoration de la fête de la Toussaint, inspirée d’une…
Le Père-Lachaise et les derniers combats de la Commune
Situé au cœur du Paris populaire où les communards sont solidement implantés, le cimetière…
Ronald Hoskier, une légende de l'Escadrille Lafayette
Créée le 20 avril 1916, l’…
1er mai 1891 : la fusillade de Fourmies
Le 1er mai 1891, pour la deuxième fois, les organisations ouvrières du monde entier se préparent à agir par…
La Mort de masse
À l’entrée en guerre, dans les premiers jours d’août 1914, la population fait bloc autour du régime républicain…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel