Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? [Abbé E.Siéyès]
J'suis du tiers état.
Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? [Abbé E.Siéyès]
Lieu de conservation : Centre historique des Archives nationales (Paris)
site web
Date de création : 1789
Date représentée : 1789
H. : 20 cm
L. : 13 cm
Seconde édition, corrigée. Imprimé
Domaine : Archives
© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie
Bibl.hist.Fonds Peyrat 909
Le Tiers état
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
La convocation des états généraux
Les mesures prises par la royauté, à la fin de 1788, pour la réunion des états généraux – élection des représentants du tiers et rédaction de cahiers de doléances par les trois ordres, noblesse, clergé et tiers état- font le jeu du tiers état. Elles lui imposent et lui permettent pour la première fois de s’organiser et d’énoncer clairement ses positions.
En conséquence, la littérature politique foisonne pendant l’hiver 1788-1789, la liberté de presse étant tacitement reconnue. Plus de 5 000 libelles, traités, essais et pamphlets sont édités.
Le plus célèbre pamphlet de 1789
Cette brochure, parue à Paris sous l’anonymat, sort en librairie au moment de la convocation des états généraux, en pleine crise politique. Son auteur devient immédiatement le champion des revendications du tiers état.
Qu’est-ce que le tiers état ? est le troisième petit traité politique de l’abbé Emmanuel Sieyès, paru après l’Essai sur les privilèges et les Vues sur les moyens d’exécution dont les représentants de la France pourront disposer en 1789.
Les trois fameuses questions de la première page révèlent son talent politique : les aspirations du tiers sont formulées de façon apparemment mesurée, mais cette concision lapidaire est porteuse d’une audace extrême.
« Qu’est-ce que le tiers état ? – Tout. » Reprenant sous une forme amplifiée et théorisée les notions, nouvelles au XVIIIe siècle, d’utilité sociale et d’égalité civile, Sieyès identifie le tiers à la nation, ensemble d’individus libres, également doués de raison et soucieux de la chose publique. Sieyès appelle le tiers à se constituer en société politique pour composer enfin cette nation, c’est-à-dire une volonté générale, unitaire, imprescriptible, qui délègue des représentants en son nom.
« Qu’a-t-il été jusqu’ici dans la politique ? – Rien. » Sieyès qu’inspire l’esprit des Lumières montre l’absurdité de la situation sociale de son temps. Celle-ci n’est pas conforme à la raison car elle est complètement étrangère à l’activité de production, seule réalité génératrice de bien-être pour tous.
Cette première page ne mentionne pas les ordres existant dans la société d’Ancien Régime. Le point de départ de la réflexion de Sieyès sur la société n’est pas dans l’Histoire, mais dans le besoin de donner à ceux qui ne sont ni nobles ni membres du clergé la représentation qui leur revient. Etant les plus nombreux et ceux qui pourvoient aux finances du royaume, les membres du tiers doivent avoir part aux décisions. Par contre, les nobles ne peuvent avoir place dans la société à construire, car leur état de privilégiés, qui les fait vivre d’avantages injustes attachés à la naissance, les empêche aussi d’exercer une profession particulière. Sans s’en prendre au roi, le pamphlet suggère que la royauté est dès lors coupable de soutenir cette aristocratie parasite.
« Devenir quelque chose » : Comment penser l’avenir du tiers état ?
Jusqu’en 1789, le tiers état n’avait jamais eu d’existence politique ni de représentation définie auprès des deux autres ordres.
La gravure J’suis du tiers état met plaisamment en scène la satisfaction d’un savetier d’appartenir à un ordre dont l’existence politique est désormais reconnue. Il y trouve motif à une joyeuse libation et brandit verre et bouteille !
Avec les états généraux une représentation de la nation française prend la parole. Le pamphlet de Sieyès qui a joué un rôle historique considérable est annonciateur de l’esprit de la Révolution. Comme Robespierre en Artois, Mounier dans le Dauphiné, Mirabeau en Provence, Sieyès formule au nom du tiers une idéologie cohérente. Cette expression conjuguée des droits et des revendications replace dans un contexte universel les questions immédiates, comme celle, cruciale mais non tranchée par le roi, du vote des députés aux états généraux par tête plutôt que par ordre.
Cette idéologie cohérente assure au tiers état l’hégémonie sur les courants de pensée. Elle lui permet d’attirer une partie du clergé et quelques nobles éclairés, et de les entraîner, quelques mois plus tard, dans les premières phases décisives de composition d’une nouvelle souveraineté nationale.
Le triomphe du pamphlet résulte moins de cette réflexion savante que de ce qu’il offre de « génialement simple » au refus des privilèges, des abus et des incohérences.
François FURET La Révolution, 1770-1880. Paris, 1988.
Luce-Marie ALBIGÈS, « Le Tiers état », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/tiers-etat
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