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<i>L'Éternel Cartel</i>

L'Éternel Cartel

<i>Le voilà, le communiste !</i>

Le voilà, le communiste !

<i>L'Éternel Cartel</i>

L'Éternel Cartel

Auteur : CABROL Raoul

Date représentée :

Domaine : Affiches

© ADAGP

Capitaliste et salopard en casquette

Date de publication : Octobre 2003

Auteur : Danielle TARTAKOWSKY

L’Union nationale et les communistes en 1927

Depuis juin 1926, la France est dirigée par un gouvernement d’Union nationale ayant à sa tête Poincaré. Le parti communiste qui s’est présenté aux législatives de 1924 sur les listes du Bloc ouvrier et paysan ne se reconnaît pas davantage dans ladite Union que dans le défunt Cartel des gauches renvoyés dos à dos. Depuis l’occupation de la Ruhr et la guerre du Maroc, il mène une action antimilitariste et anticolonialiste résolue (le programme du Cartel, reproduit sur l’affiche de Cabrol, place en bonne position le Maroc et la Syrie). Le 22 avril 1927, le ministre de l’Intérieur radical Albert Sarrault prononce un violent réquisitoire contre ce parti, que résume sa formule « le communisme, voilà l’ennemi ».

L’affiche occupe alors une place de premier plan dans la propagande politique. Les adversaires du parti communiste déclinent ici la formule avec variation : « le voilà, le communiste ! ». Les communistes se l’approprient textuellement, pour la subvertir. Ils mobilisent ainsi des procédés classiques de la propagande.

« Le communisme, voilà l’ennemi »

Le Centre de propagande des républicains nationaux a été créé en 1927 par Henri de Kérillis pour satisfaire aux besoins de l’Alliance démocratique et de la Fédération républicaine en la matière. L’affiche de Galland, destinée à la prochaine campagne électorale, constitue une de ses premières réalisations. Un prolétaire identifiable à sa mise crache sur ce que la France des années 20 a de plus sacré : le tombeau du Soldat inconnu au pied de l’Arc de triomphe et la flamme qui symbolise tous les morts de la Grande Guerre. C’est ce geste et lui seul qui le spécifie comme « communiste », désigné comme tel par le texte à l’avant-plan, tandis qu’à l’arrière plan se profile une manifestation aux allures d’émeute. Le noir et le rouge dramatisent la scène à l’excès. Elle peut faire référence à une récente « profanation » de l’Arc de triomphe advenue au terme d’une manifestation consécutive à l’exécution de Sacco et de Vanzetti et violemment dénoncée par la grande presse. Mais sa portée se veut plus générale : le communisme, c’est le désordre, la violence ; plus grave, c’est le sacrilège.


L’affiche communiste est due à Cabrol, qui use ici, comme à son habitude, d’un système de représentation relevant plutôt de la caricature de presse. Son affiche est en effet découpée en quatre vignettes dont la dernière a la taille des trois autres. De surcroît, l’usage de bulles et les discours tenus défient la lecture rapide requise par le genre affiche. Dans les trois premières vignettes, les coalitions successives (Bloc national, Cartel des gauches, Union nationale) sont figurées par leurs programmes et par leurs dirigeants (Poincaré, Briand, Herriot, Painlevé), ou, s’agissant de la troisième par ceux qui devraient en être des adversaires (Blum, Jouhaux). Les points des programmes retenus par le parti communiste sont ceux qui ont trait à la guerre, à la répression anti-ouvrière ou à la politique monétaire dont on sait les effets sociaux ; tandis que les dirigeants retenus, unanimes, déclarent « le communisme, voilà l’ennemi ». La quatrième vignette se veut explicative de ces similitudes virant à l’identité : en dernière analyse, ces politiques profitent tous au capitaliste, figuré, comme l’était le communiste de Galland, par un stéréotype. Ce qui donne sens au titre L’Éternel Cartel (que l’affiche ne dit pas « de gauche ») socialo-radical-nationalo-capitaliste », soit, sur un autre mode, l’orientation « classe contre classe » qui prévaut aux législatives de 1928.

Stéréotypes

Ces deux affiches sont l’une et l’autre marquées par les procédés initiés par le dessin de presse. Elles s’organisent autour de deux stéréotypes de classe qui se sont imposés avant guerre : le prolétaire, signifié par sa casquette, et le capitaliste ayant pour attributs son chapeau haut de forme, son cigare, son costume et, bien sûr, sa panse avantageuse.

Le prolétaire, pour peu qu’il soit figuré sur un mode plus sympathique et ayant, alors, le plus souvent les manches de chemise retroussées, peut parfaitement figurer dans les caricatures ou affiches des organisations ouvrières. En revanche, le capitaliste ainsi conçu est bien sûr le quasi-monopole de la propagande adverse. Ces images surgies dans les années 1880-1890 persistent à circuler quand même les mutations économiques et sociales des années 20 inviteraient à les nuancer (augmentation du nombre des employés, développement de la deuxième industrialisation).

On les retrouve presque trait pour trait dans le cinéma des années 30 et même dans la propagande graphique ou parfois cinématographique au delà.

Fabrice d’Almeida, « La propagande des modérés », in Société et représentation, n° 12, 2001.

« Le rire au corps », in Société et représentation, n° 10, 2001.

Philippe Buton et alii, Le Couteau entre les dents, Gervereau, 1989.

Nicole Racine et Louis Bodin, Le Parti communiste dans l’entre-deux-guerres, Colin, 1972.

Christian Delporte, Les Crayons de la propagande, Paris, CNRS, 1993.

Danielle TARTAKOWSKY, « Capitaliste et salopard en casquette », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/capitaliste-salopard-casquette

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