Guerre civile.
Les Fédérés aux Grandes Ecuries de Versailles.
Guerre civile.
Auteur : MANET Edouard
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 1871
Date représentée : mai 1871
H. : 48,7 cm
L. : 63,4 cm
Lithographie sur Chine appliqué
Domaine : Estampes-Gravures
Bibliothèque Nationale de France - Domaine public © Gallica
43 B 476
La Répression de la Commune
Date de publication : Septembre 2004
Auteur : Bertrand TILLIER
La " terreur tricolore "
A la charnière des mois de mai et juin 1871, pendant et après la " semaine sanglante " au cours de laquelle la Commune est vaincue, deux actions répressives sont successivement menées. La première concerne les exécutions sommaires opérées à travers Paris par les soldats versaillais. Du 21 au 28 mai et jusqu’au 30 mai, des communards ont été fusillés sur-le-champ, au pied des barricades qui venaient d’être enlevées ou dans les prévôtés installées dans les gares, les casernes, les abattoirs, les squares et les jardins publics. C’est cette réalité trouble et difficile que représente Manet (1832-1883) dans sa lithographie Guerre civile. Avec les premiers jours de juin commence le temps de la justice " régulière " que Benoît Malon appellera la " terreur tricolore ". En quelques jours, les troupes de Mac-Mahon raflent plus de 40 000 prisonniers qui sont parqués en divers lieux improvisés à Versailles : dans les casernes, les dépôts et les maisons d’arrêt, à l’Orangerie ou aux Écuries du château. C’est le spectacle de ces hommes et de ces femmes entassés les uns avec les autres que dessine Gustave Courbet (1819-1877) sur l’une des pages du carnet de croquis au fusain où il a consigné quelques scènes de la Commune et de sa répression.
Des gisants modernes et indistincts
Dans leurs œuvres graphiques où la noirceur des techniques sert la dureté des sujets, Manet et Courbet mettent en scène des corps anonymes et violentés, pour dire la violence de la répression menée par les versaillais. Après avoir représenté dans La Barricade (lithographie, 1871-1873) l’exécution sommaire d’un communard, Manet montre ici le corps de la victime au pied d’une barricade désertée. Par un cadrage serré, l’artiste concentre l’attention du spectateur sur ce gisant dont la solitude dit l’ineptie de la répression rapide et sauvage. Il pourrait s’agir du corps de la victime d’un meurtre crapuleux, s’il ne se confondait pas volontairement avec les épaves de la Commune terrassée : pavés de la barricade, tonneaux, débris indistincts... A la solitude du cadavre vu par Manet pourraient s’opposer la multitude et l’amoncellement des corps des fédérés détenus dans les Grandes Ecuries de Versailles. Mais ces individus ébauchés par l’artiste et rongés par l’obscurité de leur cachot ne font plus qu’un unique corps de guenilles terrifiantes – une sorte de monstre vautré par terre dont Courbet saisit le tragique spectacle pour en dénoncer aussi l’ineptie et la violence. Endormis dans leurs loques, ces fédérés semblent morts, sacrifiés dans les geôles versaillaises, et ressemblent au cadavre dessiné par Manet. Par leur statut d’objets graphiques – et plus encore chez Courbet où il s’agit d’une page de carnet de croquis – autant que par leur sujet, ces œuvres de Manet et Courbet laisseraient penser qu’il s’agit de scènes prises sur le vif. Dans les deux cas, elles sont aussi parmi les plus violentes de ces artistes, quoique leurs situations respectives soient différentes. En effet, Manet ne revint à Paris qu’au moment de la “ semaine sanglante ” et ne fut pas inquiété. Tandis que Courbet assista à la Commune, se cacha pendant la “ semaine sanglante ” et fut arrêté au début du mois de juin. Faut-il pour autant en déduire que les deux artistes ont travaillé “ sur le motif ” ? A coup sûr, non. Leur travail a certainement été exécuté de mémoire. Mais c’est par cette apparence de moments saisis sur le vif que ces œuvres sont efficaces dans leur entreprise de dénonciation de la brutalité de la répression de la Commune par les autorités versaillaises.
Postérité de la répression
Quand les Parisiens revinrent en masse dans la capitale, dans les premières semaines de juin 1871, ils se trouvèrent souvent confrontés à la dure réalité de la répression républicaine. Ils s’en indignèrent, comme Manet qui, dans sa correspondance pourtant peu favorable à la Commune, condamne le caractère sauvage de sa répression. Ces actions terribles et spectaculaires suscitèrent deux attitudes sociales : celle du monde ouvrier qui nourrit avec elles une défiance persistante à l’égard de la République et de son armée, souvent mobilisée pour des opérations répressives ; celle des classes moyennes et dirigeantes pour lesquelles le spectre de la révolution sociale perçue comme menace permanente et fondée, trouve dans la Commune même matée sa confirmation.
Jacques ROUGERIE Paris libre, 1871 Paris, Editions du Seuil, coll." Politique ", 1971.
Robert TOMBS La Guerre contre Paris[1981], Paris, Aubier, 1997.
Courbet et la Commune Catalogue de l’exposition au Musée d’Orsay, Paris, RMN-musée d’Orsay, 2000.
Manet Catalogue de l’exposition au Grand-Palais, Paris, RMN-Grand-Palais, 1983
Bertrand TILLIER, « La Répression de la Commune », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/repression-commune
Lien à été copié
Découvrez nos études
Image de la Commune : la barricade du boulevard Puebla
Parmi les images de la Commune s’impose souvent celle de la barricade avec ses tas de pavés derrière lesquels sont…
La Répression de la Commune
A la charnière des mois de mai et juin 1871, pendant et après la " semaine sanglante " au cours de laquelle la Commune…
Charge anti-républicaine
Le 22 avril 1885, Le Figaro titre « Nouvel incident au Salon » : le tableau de Maurice Boutet de Monvel est définitivement refusé à l’exposition…
Février et juin 1848
Le 24 février 1848, Louis-Philippe, qui régnait depuis la révolution de juillet 1830, abdique. Sur la place de la Bastille, Charles Lagrange,…
L'ère des barricades, 1827-1851
A l’époque où la barricade constitue un sujet nouveau dans la peinture et la littérature, son rôle devient…
Commune : le peuple en arme
La Commune n’a pas disposé d’armée au sens strict. Ses rangs étaient composés d’une part de gardes…
La défaite de l'Empire
Fin mars 1814, la campagne de France et le Premier Empire tirent à leur fin. Fortes de 800 000 soldats européens, rejointes par le comte d’Artois…
L’écrasement de la Commune
Proclamée en mars 1871 dans la capitale assiégée par les troupes allemandes, la Commune de Paris est une tentative de…
Mai 1968 : les barricades
Parmi toutes les images de Mai 68, celles qui montrent les affrontements entre étudiants et forces de l’ordre dans le…
La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix
Charles X et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution. L’opposition libérale, par le biais…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel