Aller au contenu principal
Le Mont-Saint-Michel.

Le Mont-Saint-Michel.

La salle des chevaliers au Mont-Saint-Michel.

La salle des chevaliers au Mont-Saint-Michel.

Lettre de détenus républicains adressée à M. Thiers.

Lettre de détenus républicains adressée à M. Thiers.

Réponse de M.Thiers à la lettre des républicains.

Réponse de M.Thiers à la lettre des républicains.

Le Mont-Saint-Michel.

Le Mont-Saint-Michel.

Date de création : 1842

Date représentée : 1842

Bibliothèque historique MI 233, Normandie. Deuxième partie

Domaine : Estampes-Gravures

© Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie

http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr

BIB/MI/233 p.139

Le quartier des prisonniers politiques au Mont-Saint-Michel (1832-1834)

Date de publication : Novembre 2004

Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS

Le quartier des prisonniers politiques au Mont-Saint-Michel (1832-1834)

Le quartier des prisonniers politiques au Mont-Saint-Michel (1832-1834)

Un quartier politique ajouté à la prison centrale

Le Mont-Saint-Michel apparaît, dès la fin du Moyen Âge, comme un lieu de détention commode par son isolement et ses fortifications. Au XVIIIe siècle, il est surnommé la « Bastille des mers », car le roi de France y exile des prisonniers par lettres de cachet. Les moines devenant moins nombreux, le rôle de l’abbaye tend à se réduire et des locaux sont progressivement affectés à l’incarcération de prisonniers. La Révolution chasse les derniers religieux et libère les prisonniers de la monarchie mais bientôt, elle envoie au Mont des prêtres (réfractaires puis constitutionnels), des chouans et des condamnés de droit commun. Napoléon Ier et Louis XVIII en font une maison de force, humide et glaciale, pour les condamnés aux travaux forcés.

Sous Louis-Philippe, Adolphe Thiers, secrétaire d’État au département du Commerce et des Travaux publics, alors en charge des prisons, entreprend de réformer le code pénal. Une peine nouvelle, la détention en forteresse, est établie pour les auteurs de crimes politiques. Le Mont devient l’une de ces forteresses dont Thiers fixe, par ordonnances, arrêtés et circulaires, le régime intérieur. Mais le goût renaissant pour le Moyen Âge suscite la réaction d’écrivains et d’amateurs d’art qui s’élèvent contre l’utilisation du Mont-Saint-Michel comme prison.

Le Mont-Saint-Michel en 1842

Le Mont connaît un véritable état de délabrement au temps de la prison centrale. Des ruines sont partout visibles : l’hôtellerie, à gauche, s’est effondrée en 1817. Cinquante ans avant l’érection de la célèbre flèche, les bras d’un télégraphe se profilent au sommet. Les remparts sud, construits pour protéger l’abbaye et le village contre les menaces de la guerre de Cent Ans, sont repérables : à droite, les tours de l’Arcade et du Roi, vers le centre, l’échauguette de la Pilette et, à gauche, les bâtiments des Fanils, magasins-dépôts du monastère défendus par la tour Gabriel. Des pièces d’artillerie hors d’usage jonchent la base des murailles. L’aspect du monument transformé en prison impressionne alors vivement Victor Hugo[1].

L’incarcération des « politiques » se fait, de 1830 à 1844, dans les anciens logis de l’abbé, hauts bâtiments étayés par des contreforts et des arcs de décharge, situés en contrebas de l’église. Remaniés au XVIIe et au XIXe siècle, ils sont appelés Grand et Petit Exil. L’étroitesse de leurs ouvertures résulte des bouleversements qu’a subis leur architecture intérieure. Pour réaliser vingt petites chambres dont chacune accueille deux ou trois détenus, on a aménagé trois étages au lieu de deux et multiplié les cloisons.

Ce dessin d’une grande exactitude archéologique est dû au décorateur de théâtre Charles Séchan (1803-1874). Il participe, comme lithographe, avec le peintre Eugène Cicéri (1813-1890) et nombre d’autres artistes à l’illustration des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France du baron Taylor et de Charles Nodier : vingt-trois volumes grand in-folio paraissent de 1820 à 1878, contenant plus de 3 000 lithographies. Les Voyages annoncent vouloir « disputer au marteau des barbares les débris des chefs-d’œuvre ».

La salle des Chevaliers transformée en atelier de filature de coton

La lithographie montre les chapiteaux du XIIIe siècle et évoque avec un « pittoresque » discret le fonctionnement de la centrale. En fait, l’administration pénitentiaire, aussi peu soucieuse du respect des bâtiments de l’abbaye que des conditions d’hygiène dans lesquelles vivent, selon les années, de huit cents à mille détenus de droit commun, a implanté des ateliers de filature du coton, de rouennerie, de tisseranderie, de fabrication de chapeaux de paille et de chapeaux vernis dans les grandes salles abbatiales. Il faut imaginer de même l’église tout entière divisée par des planchers, avec des dortoirs sur deux étages dans la nef et des ateliers dans le chœur !

Lettre de détenus républicains à Adolphe Thiers

Au sein de la grande centrale, les détenus politiques au Mont ne constituent que de petits groupes : au total soixante-dix-sept détenus entre 1832 et 1835. Ils sont de tendances opposées : légitimistes, partisans de Charles X évincé en 1830, républicains à partir de 1832.

Cette lettre composée au Mont par les détenus républicains s’adresse directement à Adolphe Thiers. Ils s’y posent d’emblée en militants provisoirement vaincus d’une cause qui ne manquera pas un jour de triompher. Avec un bel aplomb, plusieurs se prétendent « décorés de juillet », or les dossiers des médaillés de 1830 révèlent que seul Jeanne a reçu une distinction sous forme de pension !

Les prisonniers négocient globalement leurs conditions de vie, soutiennent des revendications et adoptent des comportements en apparence insignifiants comme le port de la barbe (il y aura aussi des bonnets rouges et des cocardes tricolores), mais importants pour se démarquer de la population carcérale et défier l’autorité. Leur objectif est d’établir un contre-pouvoir au sein du quartier politique. Mettre en difficulté le directeur de la prison, au passage, en répandant à l’extérieur l’idée que le sort des prisonniers est aggravé par ses « nombreux abus » et « vexations inutiles », est un moyen habile de le discréditer auprès du ministre.

Réponse de Thiers

De sa main, Thiers note point par point la réponse à donner : des mesures prudentes mais libérales qui entérinent la plupart des demandes. Le ministre considère les prisonniers comme des intellectuels alors que ce sont plutôt des travailleurs manuels ; les changements politiques qui se succèdent depuis quarante ans l’incitent aussi à la mansuétude.

Mise en place des « régimes politiques » d’incarcération

L’innovation importante par rapport à la Restauration est la libre expression politique des détenus. Les « politiques » conservent leur drapeau, chantent les hymnes de leur faction, lisent même les journaux (qu’apportent les visiteurs). Ils ne sont pas astreints au travail ni au port de l’uniforme carcéral, ils reçoivent des visites, disposent d’un parloir, ont la possibilité de faire venir des victuailles et des meubles du dehors. D’après leur correspondance privée, les prisonniers semblent avoir apprécié ce régime nouveau et particulier ; toutefois le combat politique les incite à ne pas le reconnaître.

La multiplication des attentats entraîne ensuite un durcissement des conditions de détention. Mais à partir de 1844, le Mont redevient une prison pour les seuls condamnés de droit commun. Celle-ci sera définitivement supprimée en 1863.

André-Ariodant POTTIERLa Normandie illustrée.Monuments, sites et costumes...dessinés d'après nature par Fx.Benoist et lithographiés par les premiers artistes de Paris, les costumes dessinés et lithographiés par Hte.Lalaisse,...Texte par M.Raymond Bordeaux et Mlle Amélie Bosquet, sous la direction de M.André Pottier,...pour la Haute-Normandie ; et par MM.Charma, Le Héricher, de La Sicotière et Travers, sous la direction de M.Georges Mancel,...pour la Basse-NormandieNantes : Charpentier père, fils et Cie, 1852.BnF Est.Dc-241e-Fol.-Dc-241f-Fol.- BN Impr.Fol-Lk2-1200

Luce-Marie ALBIGÈS, « Le quartier des prisonniers politiques au Mont-Saint-Michel (1832-1834) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/quartier-prisonniers-politiques-mont-saint-michel-1832-1834

Anonyme (non vérifié)

Ci-dessus, il est faux d'affirmer que seul Jeanne était décoré de Juillet. Ils étaient effectivement plusieurs à avoir reçu cette décoration

mer 28/09/2011 - 13:31 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Peut-être qu'ils ont été effectivement plusieurs à a avoir été décorés de Juillet.
Mais l'auteur relève que selon les registres des médaillers seuls Jeanne recevait une pension à ce titre et que d'autres prétendaient l'être, à tort.
Benoît

jeu 29/09/2011 - 14:50 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
A-t-on conservé les les noms des prisonniers 3 ans avant et 3 ans après 1789 ?
Si oui, où puis-je les compulser ?
Merci d'avance pour votre réponse.
Jean-Pierre Ledru

jeu 13/09/2012 - 18:14 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour, la liste des prisonniers politiques a t'elle été conservée ? si oui où peut-on la consulter ? car j'ai un arrière arrière grand Père qui y a séjourné et sculpté pendant sa détention, un support de cierge pascal toujours conservé à l'Eglise paroissiale du Mont ! l'époque doit se situer en 1858 (Passage de Napoléon III à Rennes)
merci pour la réponse que vous pourrez me donner.

mar 09/10/2012 - 11:52 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,
Comme Madeleine le demande existe- il une liste des prisonniers du Mont pour la période 1830-1831?
J'ai moi-même un arrière grand-père qui a été incarcéré au Mont et j'aimerais en savoir un peu plus.
Merci de votre réponse.

jeu 22/11/2012 - 16:39 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Il existe une liste des décorés de Juillet, consultable en ligne sur Internet. Il faut demander sur Google : "Album des décorés de Juillet" et les voilà dans l'ordre alphabétique

Il y eut aussi des "médaillés de Juillet", des "sous-lieutenants de Juillet"

Pierre Baudrier

jeu 23/07/2015 - 15:58 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Philippe Auguste et Paris

Philippe Auguste et Paris

Auguste et fondateur

Le nom de Philippe Auguste, c’est-à-dire Philippe II, est étroitement associé à l’essor de Paris au XIIIe siècle sur le plan…

Appel des dernières victimes de la Terreur à la prison Saint Lazare

Appel des dernières victimes de la Terreur à la prison Saint Lazare

A l’été 1794, la « Grande Terreur », mise en place par les

lois de prairial an II (mai 1794)[1], sévit impitoyablement. La guillotine…

Le suffrage universel, estampe dédiée à Ledru-Rollin

Le suffrage universel, estampe dédiée à Ledru-Rollin

La république selon la citoyenne Goldsmid

Avec la révolution de février 1848, la France connaît une ébullition éditoriale. Journaux et images…

Funérailles et Apothèose de Thiers, La France pleurant devant son corps

Funérailles et Apothèose de Thiers, La France pleurant devant son corps

L’hommage au grand homme

A sa mort, en septembre 1877, Thiers présentait une figure ambivalente. Sa longue carrière avait été celle d’un libéral…

4 septembre 1870 : la République est de retour

4 septembre 1870 : la République est de retour

Les dernières heures du Second Empire

Lorsque la nouvelle de la capture de Napoléon III suite à la défaite de Sedan arrive à Paris, un certain…

Louis-Adolphe Thiers (1797-1877), président de la République française

Louis-Adolphe Thiers (1797-1877), président de la République française

Au début de la IIIe République, régime qu’il a contribué à instaurer, Adolphe Thiers termine une longue carrière politique commencée…

L’écrasement de la Commune

L’écrasement de la Commune

L’écrasement de la Commune

Proclamée en mars 1871 dans la capitale assiégée par les troupes allemandes, la Commune de Paris est une tentative de…

Le salon de la princesse Mathilde

Le salon de la princesse Mathilde

Régime décrié depuis la défaite de Sedan qui l’a mis à l’index de l’Histoire, le Second Empire n’en reste pas moins une période de profondes…

Portraits officiels : Louis-Philippe et Napoléon III

Portraits officiels : Louis-Philippe et Napoléon III

Une ère nouvelle

Les Trois Glorieuses obligent Charles X à fuir Paris. Conscient de son impopularité, le souverain déchu espère voir son petit-…

Portraits officiels : Louis-Philippe et Napoléon III
Portraits officiels : Louis-Philippe et Napoléon III
Portraits-charges des célébrités du juste milieu

Portraits-charges des célébrités du juste milieu

Les bustes-charges des “ Célébrités du juste milieu ” et les lithographies qui en découlent remontent aux débuts de la monarchie de Juillet. Leur…

Portraits-charges des célébrités du juste milieu
Portraits-charges des célébrités du juste milieu
Portraits-charges des célébrités du juste milieu
Portraits-charges des célébrités du juste milieu