Naissance de Vénus
Napoléon III
Portrait de la baronne Nathaniel de Rothschild
Portrait de madame Léopold Stern
Naissance de Vénus
Auteur : CABANEL Alexandre
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 130 cm
L. : 225 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
RF 273 - 01-015735
L'Art pompier, un art officiel
Date de publication : Février 2011
Auteur : Charlotte DENOËL
Le système des beaux-arts
Au XIXe siècle, le système académique en place depuis le règne de Louis XIV continue à régenter la vie artistique. Aucun artiste ne peut lui échapper, qu’il soit ou non passé par l’École des beaux-arts. Placée sous le contrôle des membres de l’Académie des beaux-arts, créée en 1816, l’École assure la prééminence des préceptes du classicisme : le dessin et la copie d’œuvres demeurent les deux moyens privilégiés d’accès aux arts, et l’Antiquité reste la référence absolue.
Pour apprendre à rendre les formes, les élèves de l’École pratiquaient le dessin d’après nature ou d’après l’antique, formation pratique qu’ils complétaient au sein d’ateliers privés ou bien au Louvre. Leur cursus académique était sanctionné par plusieurs types d’épreuves, la plus prestigieuse étant le concours du prix de Rome dont les sujets étaient empruntés à l’histoire ancienne, mythologique ou biblique. Les lauréats effectuaient un séjour de quelques années à l’Académie de France à Rome. Durant leur pensionnat, ils continuaient d’être soumis à la tutelle de l’Académie, à laquelle ils devaient faire plusieurs envois, tandis qu’ils se consacraient à l’étude des œuvres de l’Antiquité et de la Renaissance italienne. Triomphalement accueillis à leur retour en France, ils étaient assurés d’une glorieuse carrière. Souvent, ils étaient submergés de travail, entre les envois qu’ils devaient faire pour être admis à exposer au Salon annuel et les commandes auxquelles ils devaient répondre, qui émanaient aussi bien de riches particuliers que de l’État lui-même. Le public se passionnait pour ces artistes académiques qui, fidèles à l’esthétique « pompiériste » officielle, ont bénéficié de tous les honneurs durant la plus grande partie du XIXe siècle.
Un art officiel
Alexandre Cabanel (1823-1899), lauréat en 1845 d’un second prix de Rome et professeur à l’École des beaux-arts, acquit la célébrité avec cette Naissance de Vénus qu’il a présentée au Salon de 1863, toile que l’empereur Napoléon III acheta immédiatement pour sa collection personnelle. S’il n’a pas toujours remporté l’adhésion des critiques, ce nu féminin d’un grand érotisme n’en a pas moins obtenu un vif succès parmi les visiteurs du Salon. Grâce à ses tons pastel et à une technique savante qui l’inscrit dans la plus pure tradition académique, le peintre l’a en effet voilé des attraits de la mythologie, à la différence du Déjeuner sur l’herbe de Manet, présenté la même année au Salon des refusés et jugé beaucoup plus trivial. Cette œuvre marque le début de la carrière officielle du peintre, tout dévoué à la bourgeoisie régnante.
Napoléon III a commandé plusieurs toiles à Alexandre Cabanel, rapidement devenu un familier de la cour impériale. En 1865, le peintre envoie au Salon ce portrait officiel en pied où l’empereur pose avec un certain naturel en habit de soirée, le torse barré du large ruban rouge de la Légion d’honneur. Disposés près de lui sur une table, les insignes officiels de la souveraineté, la couronne, le manteau d’hermine et la main de justice, apportent de la solennité à la scène. Très prisé du couple impérial, ce tableau prit place dans le cabinet de travail de l’impératrice Eugénie aux Tuileries.
À la même époque, un autre artiste fut également couvert d’honneurs : Jean-Léon Gérôme (1824-1904), chef de file du style néogrec et du courant hyperréaliste, nommé professeur à l’École des beaux-arts en 1864 puis membre de l’Institut. Parmi le petit nombre de portraits qu’il réalisa durant sa longue carrière, celui de la baronne Nathaniel de Rothschild, daté de 1866, représente une figure de la grande bourgeoisie parisienne. Attirée par les arts plastiques, Charlotte de Rothschild pratiquait l’aquarelle et exposait régulièrement ses œuvres au Salon. Elle rassembla également une collection très éclectique, et c’est pour évoquer cette facette de la baronne que Gérôme a choisi de la représenter dans son luxueux intérieur. Comme dans le portrait de la mère de cette dernière, peint par Ingres, l’un des maîtres de Gérôme, le modèle se tient devant une cheminée ornée d’objets précieux et de plusieurs toiles. En même temps qu’elles reflètent l’esthétique dominante, la manière très lisse du peintre et la précision avec laquelle il représente le cadre de vie de la baronne témoignent de son intérêt ethnographique pour la façon dont les gens vivaient, qu’ils soient ses contemporains ou qu’ils appartiennent au passé.
L’art pompier : un art longtemps déprécié
Cette esthétique dominante, où l’exactitude le dispute à la profusion de détails et à la trop grande richesse de la palette, lui valut très tôt le qualificatif péjoratif de « pompier ». L’origine de ce terme est mystérieuse : il dérive tantôt des personnages des tableaux de David, qui ressemblent aux sapeurs-pompiers des années 1830, tantôt du caractère arrogant, pompeux des toiles de l’époque. Selon celui qui l’emploie, le mot désigne tour à tour la technique picturale trop lisse, trop soignée, l’accumulation baroque de détails insignifiants, la saturation des couleurs vives, la recherche du sensationnel, l’adoption d’un faux idéal classique et l’attachement excessif et servile aux théories du classicisme. D’une manière générale, il vise l’art académique officiel qui règne sans partage au XIXe siècle et dont les représentants sont formés et récompensés par les grandes institutions étatiques, École des beaux-arts, Académie, Salon.
Les courants de l’art moderne, en premier lieu l’impressionnisme, se sont constitués en réaction à cette omniprésence de l’art pompier. Le conflit entre l’art académique et les impressionnistes éclate en 1863, lorsque Napoléon III se voit contraint d’ouvrir un Salon où les œuvres refusées par le jury du Salon officiel pourront être exposées. Avec la naissance du Salon des refusés, la scission est consommée entre les tenants de l’art académique et les artistes novateurs.
Durant la majeure partie du XXe siècle, l’art pompier continue de faire l’objet d’une dépréciation sous la plume des critiques, qui y voient l’incarnation du mauvais goût du XIXe siècle. Ce n’est que depuis les années 1970 qu’il est progressivement réévalué (ce dont témoigne notamment l’ouverture, en 1986, du musée d’Orsay) et que l’on reconnaît l’influence du système académique sur la formation des courants et des avant-gardes qui prendront sa suite.
Laurence DES CARS, Dominique DE FONT-RÉAULX et Édouard PAPET (dir.), catalogue de l’exposition Jean-Léon Gérôme (1824-1904). L’histoire en spectacle, musée d’Orsay, Paris, 19 octobre 2010-23 janvier 2011, Paris, Musée d’Orsay-Skira-Flammarion, 2010.
Philippe GRUNCHEC, catalogue de l’exposition Les Concours des Prix de Rome, 1797-1863, École nationale supérieure des beaux-arts, 8 octobre-14 décembre 1986, Paris, É.N.S.B.A., 1986.
James HARDING, Les Peintres pompiers. La peinture académique en France de 1830 à 1880, Paris, Flammarion, 1980.
Louis-Marie LECHARNY, L’Art pompier, Paris, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », 1998.
Cécile RITZENTHALER, L’École des beaux-arts du XIXe siècle. Les pompiers, Paris, Mayer, 1987.
Pompier : Adjectif qui désigne de manière ironique l’art officiel de la seconde moitié du XIXe siècle. Le terme fait référence aux pompiers qui surveillaient le Salon. Leur casque et leur uniforme chamarré rappelaient le goût de ces artistes académiques pour les représentations fantaisistes de l’Antiquité.
Académie des beaux-arts : Créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie royale de musique, fondée en 1669, et de l’Académie royale d’architecture, fondée en 1671. Institution qui rassemble les artistes distingués par une assemblée de pairs et travaillant le plus souvent pour la couronne. Elle définit les règles de l’art et du bon goût, forme les artistes, organise des expositions.
Charlotte DENOËL, « L'Art pompier, un art officiel », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/art-pompier-art-officiel
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M
c'est très bien expliqué
YRO
Bonsoir,
Je lis votre article très intéressant mais je ne comprends pas la datation de l’œuvre "1875", étant donné sa présentation au salon officiel de 1963 ni le lieu de conservation car il me semble que le tableau se trouve au Musée d'Osay.
Y-a t-il plusieurs versions ?
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