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Le maréchal Wilhelm Keitel signe les conditions de capitulation

Le maréchal Wilhelm Keitel signe les conditions de capitulation

<i>Comment fut signée la capitulation </i>

Comment fut signée la capitulation

Le maréchal Wilhelm Keitel signe les conditions de capitulation

Le maréchal Wilhelm Keitel signe les conditions de capitulation

Date de création : 7 mai 1945

Date représentée : 7 mai 1945

Titre complet : Le maréchal Wilhelm Keitel signe les conditions de capitulation ratifiées pour l'armée allemande au quartier général russe à Berlin.

Domaine : Photographies

Domaine public, CC0 National Archives and Records Administration (NARA)

Lien vers l'image

  • Le maréchal Wilhelm Keitel signe les conditions de capitulation

Les Armistices de mai 1945

Date de publication : Décembre 2025

Auteur : Alexandre SUMPF

Le jour V est arrivé 

Les 7 et 8 mai 1945, l’armée de Hitler, qui s’est suicidé une semaine plus tôt, accepte enfin de rendre les armes. La reddition sans conditions de la Wehrmacht, de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine fait l’objet d’une couverture médiatique à la mesure de ce moment tant attendu. Le film d’actualités américain tourné dans toute l’Europe entre le 4 et le 9 mai montre à plusieurs reprises des photographes figeant la scène au moyen de grands flashes. Ces images font le tour du monde : elles apparaissent en France dans le périodique d’obédience communiste Regards, dès le 15 mai. Parmi les auteurs des clichés pris le 7 mai dans la salle de guerre du quartier général suprême, à Reims, se trouvent plusieurs militaires, dont le sergent Albert Meserlin (1920-2009), photographe personnel du général Eisenhower, et Ralph Morse (1917-2014), le plus jeune correspondant de guerre du magazine Life

À Berlin le lendemain soir, sur ordre de Staline, le maréchal Keitel doit signer à son tour la reddition devant le maréchal soviétique Joukov (1), à l’heure fixée pour la fin des combats (23h01). Ce sont donc des Soviétiques qui immortalisent ce qui est considéré aujourd’hui comme la fin du conflit. On ne sait pas exactement qui est l’auteur du cliché, car trois photographes étaient présents. Evguéni Khaldeï (1917-1997), le plus connu d’entre eux, est l’auteur d’images iconiques comme le drapeau rouge sur le Reichstag. Mark Redkine (1908-1987) a par deux fois écarté du champ la casquette de Keitel malgré ses protestations. Timofeï Melnik (1911-1985) a privilégié les gros plans de soldats, écrivant des graffitis sur les murs du Reichstag ou s’embrassant près la colonne de la victoire du Tiergarten. Ivan Chaguine (1904-1982) a photographié la soldate régulant le trafic devant la Porte de Brandebourg. 

Les clichés réalisés à Reims et à Berlin, moins spectaculaires et moins émouvants que bien des images publiées depuis 1941, constituent un fait d’armes glorieux pour ces survivants de la guerre de l’information en Europe.

Bis repetita 

Le jeu d’aller et retour opéré par le montage du film américain fait le parallèle entre la scène de Reims, dans la nuit du 7 mai, et celle de Berlin (Karlshorst) dans celle du 8 mai. Des hauts gradés allemands, la tête basse, avancent comme vers l’échafaud, pour s’asseoir à une table où ils n’ont rien d’autre à faire que signer l’acte de reddition. C’est l’unique ordre donné par le grand amiral Dönitz, désigné comme successeur par Hitler. L’isolement de ces hauts gradés est total – on ne voit aucun soldat allemand à l’horizon, même leurs chauffeurs sont étrangers ; ils se déplacent sous la contrainte sur un territoire hier encore occupé et exploité, désormais perdu ; ils sont encerclés par une nuée d’ennemis militaires et civils ; ils font face sans leurs alliés, déjà vaincus, aux représentants de quatre puissances triomphantes. 

À Reims, comme le décrit avec précision le schéma établi par la rédaction de Regards, le général Jodl, l'amiral von Friedenburg et le major Wilhelm Oxenius doivent se soumettre devant le général François Sevez, représentant du général Alphonse Juin, chef d'état-major français, l'amiral britannique Sir Harold Burrough, commandant en chef des forces expéditionnaires navales alliées, le major général Ivan Sousloparov, représentant de l’U.R.S.S. Le général Walter Bedell-Smith, chef d'état-major du S.H.A.E.F. (2) signe l’acte de capitulation au nom des Alliés, puis Sousloparov le fait au nom de l'Armée rouge, Sevez le contresigne… en qualité de témoin. Enfin, Alfred Jodl accepte la défaite au nom des forces armées du Troisième Reich. À l’issue de la conférence de presse Eisenhower présentera à la presse les stylos employés en les disposant en forme de V. 

À Berlin le 8 mai, Keitel apparaît encore plus isolé : le cliché le saisi seul assis, entouré de militaires ennemis qui lui dictent leur loi. Il a dû déposer sur la table les attributs de son immense pouvoir déchu – son bâton de maréchal, son gant fin, sa casquette. Celles de ses adversaires victorieux sont moins martiales, mais décisives à cet instant précis : quelques feuilles de papier dactylographiées, un stylo, des tampons et un tampon buvard. Keitel a gardé son monocle et son uniforme d’apparat avec toutes ses décorations, mais il n’a d’autre rôle à jouer que celui d’exécutant.

Deux lieux, trois dates, un trou de mémoire 

La diffraction spatiale et temporelle de la fin de la guerre en Europe est due uniquement aux manœuvres politiques de Staline, seul des grands leaders de la guerre vivant (contrairement à Mussolini, Roosevelt et Hitler), et aux commandes de son pays (contrairement à Pétain et Churchill). Derrière un acte militaire classique, la reddition, se joue une grande partie politique qui engage la destinée du monde entier. 

Le 5 mai, Eisenhower a refusé la reddition devant les seules armées occidentales demandée par Dönitz, pour maintenir le front allié. Mais trois jours plus tard, la guerre froide qui couve depuis de nombreux mois éclate au grand jour : Joukov humilie Keitel au cœur d’un Berlin en ruines, conquis par l’Armée rouge et occupé par les Soviétiques. Il est 23h01 à Berlin, et donc 00h01 à Moscou. C’est ce qui explique que l’ensemble des alliés occidentaux commémore la fin du conflit le 8 mai, tandis que les Russes, héritiers autoproclamés de la puissance soviétique, font bande à part le 9 mai. 

Après l’annexion illégale de la Crimée en mars 2014, l’État ukrainien a décidé de décoloniser cette mémoire en adoptant en 2015 le 8 mai comme « Journée de mémoire et de réconciliation » : comme en Europe occidentale, on célèbre la paix retrouvée, pas l’héroïsme sanglant. Pour ne pas désorienter la population, le 9 mai a toutefois été maintenu férié comme « jour de la victoire sur le nazisme en Europe ». Même en France, où Regards est devenu indépendant du P.C.F. (parti communiste français), il demeure compliqué de déstaliniser la mémoire du conflit et de faire comprendre que le dictateur soviétique n’a pas seul sauvé l’Europe des griffes nazies, mais a surtout causé par ses décisions des millions de morts directes chez les militaires et chez les civils – notamment les peuples déportés victimes de génocide, comme les Tchétchènes et le Tatars de Crimée. La réécriture moscovite de l’histoire a aussi pour conséquence que la date du 7 mai est désormais totalement oubliée - sauf peut-être à Reims. 

L’ancienne école au 3, rue Godinot, a été transformée en un Musée de la reddition. Il perpétue une mémoire locale pesant peu face à l’ombre portée du Kremlin, hier sur l’Europe occupée et soviétisée, aujourd’hui sur un ancien empire en voie de décolonisation.

James Hastings, Redditions allemandes, 1945, Reims, Musée de la Reddition, 1995. 

Volker Ullrich, 8 jours en mai. L’effondrement du IIIe Reich, Paris, Passés composés, 2023. 

Olivier Wieviorka, Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2023.

1 - Gueorgui Konstantinovitch Joukov (1896-1974) : en 1918, il rejoint l'Armée rouge et adhère au parti communiste en 1919. Après avoir combattu lors de la Guerre civile russe, il est envoyé en Espagne en 1936. En 1941, Staline le nomme chef de l'état-major général. Il commande le front ouest. Il libère Stalingrad puis Léningrad. Maréchal en 1943, il commande l'offensive finale contre le Troisième Reich et entre dans Berlin. Le 8 mai 1945, il contresigne le document de la capitulation nazie au nom de l'U.R.S.S. Considéré comme un héros, il jouit d'une grande popularité dont Staline prend ombrage et il se retire jusqu'à la mort du dirigeant. Il revient sur le devant de la scène soviétique de 1953 à 1957, il joue une rôle important lors de l'avènement de Khrouchtchev mais celui-ci le démet de ses fonctions en 1957. Joukov se retire jusqu'à sa mort.

2- S.H.A.E.F. (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) : il s'agit du quartier général de l'état-major des forces alliés occidentales depuis 1943 sous la direction du général Dwight David Eisenhower, commandant en chef des forces alliées. Il est situé à Londres à Bushy Park lors de la préparation d'Overlord, puis s'installe en France après le débarquement en Normandie. 

Alexandre SUMPF, « Les Armistices de mai 1945 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 10/12/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/armistices-mai-1945

Le film de la reddition allemande en mai 1945 sur le site web National Archives and Records Administration

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