Portrait allégorique de Catherine II, Impératrice de Russie
Auteur : LAMPI Giovanni Battista
Lieu de conservation : musée de la Révolution française (Vizille)
site web
H. : 58 cm
L. : 42 cm
Esquisse pour le grand portrait de l'impératrice, daté 1793, qui se trouve au musée de l'Ermitage (Saint-Petersbourg).
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais / Michèle Bellot
1991-99 - 91-001779
Catherine II, un despote éclairé face à la Révolution française
Date de publication : Novembre 2011
Auteur : Guillaume NICOUD
Une autocrate, financière des Lumières puis de la contre-Révolution
Depuis 1762, Catherine II règne en autocrate (unique détentrice d’un pouvoir dit de droit divin) sur une population essentiellement composée de serfs dans l’immense Empire russe. Admiratrice des Lumières françaises, surnommée la « Sémiramis du Nord » par Voltaire, elle finance l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Lectrice de L’Esprit des lois (où Montesquieu considère que son prédécesseur Pierre le Grand avait donné « les mœurs et les manières de l’Europe » à la nation russe), elle s’attelle à la promotion des valeurs d’ordre public, de progrès matériel et d’éducation pour définitivement ancrer le pays à l’Europe occidentale.
C’est cette image de despote éclairé qu’elle entend donner d’elle quand Johann Baptist Lampi, portraitiste de la cour d’Autriche, la peint à Saint-Pétersbourg en 1793.
Mais la France, de berceau des Lumières, est alors devenue le foyer de ferments révolutionnaires qui agitent toute l’Europe. En proclamant l’égalité des droits selon le principe moral de la loi naturelle, la Révolution française ébranle jusqu’au pouvoir de Catherine II, qui tente alors d’organiser une réaction.
La « Sémiramis du Nord »
Debout un peu de biais sous un dais de velours cramoisi, Catherine II vient de se lever de son trône. Elle porte le manteau impérial, décoré des cordons des ordres russes, sur un costume blanc et bleu, et tourne vers le spectateur sa tête ornée d’un diadème et d’une petite couronne. Tout en s’appuyant au fauteuil de sa main droite qui tient le sceptre, elle semble désigner de la main gauche les deux figures allégoriques représentées à ses pieds : le Temps, vieillard portant une faux et un sablier, apparaît comme foudroyé par elle, tandis qu’une jeune femme admirative, l’Histoire, guette l’occasion de compléter les annales de l’impératrice. Les trois figures sont unies par l’accord chromatique entre le bleu, le rouge et le vert de leurs vêtements.
À gauche, la couronne et le globe impériaux sont posés sur un piédestal. Le trône est décoré d’un lion à sa base, de la figure de la Justice au dossier et couronné de deux anges tenant un serpent enroulé, symbole d’éternité.
Dans la colonnade figurée au second plan sont placées les statues de la Prudence (avec un miroir, un serpent enroulé autour d’une flèche et un cerf pour attributs) et de la Constance (tenant une colonne et portant une main au feu, en signe de courage selon l’exemple antique de Mucius Scaevola).
En croisade contre « l’hydre jacobine »
Ce petit tableau serait une des esquisses préparatoires à un grand portrait d’apparat (Ermitage, Saint-Pétersbourg). Les deux figures allégoriques y sont remplacées par un autel décoré du portrait de Pierre le Grand et où sont posés deux livres qui symbolisent l’activité législatrice de la souveraine.
Alors que Catherine II s’affiche comme une souveraine qui gouverne son empire guidée par la justice, en France, la Constitution de 1793 proclame un nouvel État de droit fondé sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Pour lutter contre « l’hydre jacobine », Catherine signe le 8 février 1793 un oukase qui met un terme aux relations entre les deux pays. Les résidents français en Russie doivent jurer « devant Dieu Tout-Puissant et sur son Saint Evangile, que n’ayant jamais adhéré de fait ni de volonté aux principes impies et séditieux introduits et professés maintenant en France, [ils regardent] le gouvernement qui s’y est établi comme une usurpation et une violation de toutes les lois, et la mort du Roi Très-Chrétien Louis XVI comme un acte de scélératesse abominable et de trahison infâme ».
Durant cette même année, alors que la Terreur s’établit en France, Catherine II tente d’endiguer les idées révolutionnaires en Russie comme en Pologne et offre son soutien aux princes émigrés, accueillant notamment le comte d’Artois, frère du défunt Louis XVI.
En 1794, Lampi réalise un nouveau portrait de Catherine (Ermitage) où l’impératrice est debout, le sceptre à la main, près d’un fauteuil et d’une table décorée d’un vase de fleurs et d’une pendule : la Révolution française aurait-elle mis à bas pompe et allégorie ?
Philippe BORDES et Alain CHEVALIER, Musée de la Révolution française : catalogue des peintures, sculptures et dessins, Vizille-Paris, Musée de la Révolution française-R.M.N., 1996.
Isabel de MADARIAGA, La Russie au temps de la Grande Catherine, trad. de l’anglais par Denise Meunier, Paris, Fayard, 1987.
Guillaume NICOUD, « Catherine II, un despote éclairé face à la Révolution française », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/catherine-ii-despote-eclaire-face-revolution-francaise
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