Aller au contenu principal
l'amour en 1867

l'amour en 1867

Date de création : 1866

Date représentée : 3 février 1867

H. : 46,5 cm

L. : 31 cm

gravure sur bois parue dans le journal La Lune du 3 février 1867

Domaine : Presse

© RMN - Grand Palais (domaine de Compiègne) / image Compiègne

lien vers l'image

09-579616 / C2006.0.130

Cora Pearl, célèbre courtisane du Second Empire

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Catherine AUTHIER

Les portraits-charges de Gill

Sous le Second Empire, la presse illustrée connaît un essor considérable, notamment les journaux satiriques où fleurissent les caricatures de Cham, Daumier ou les portraits-charge qu’André Gill publie à partir de 1866 dans le journal La Lune. Pendant deux ans, le dessinateur rend compte chaque semaine de l’actualité du Tout-Paris à travers les portraits des célébrités artistiques ou littéraires les plus en vue.

On découvre ici, à la une du journal, la caricature polychrome en pleine page de la courtisane d’origine anglaise Cora Pearl, selon les codes esthétiques habituels de Gill, une énorme tête sur un corps fluet, entourée d’accessoires précis permettant au lecteur d’identifier immédiatement le sujet.

L’amour en 1867


La courtisane Cora Pearl était déjà riche et célèbre lorsqu’elle tenta sa chance comme artiste lyrique le 26 janvier 1867 dans le rôle de Cupidon dans la très célèbre opérette d’Offenbach, Orphée aux Enfers. Gill la représente ici en incarnation de L’Amour, une semaine après sa prise de rôle, en ange ailé sur fond de cœur, avec arc et carquois piétinant de multiples factures, de dentiste, pantomime ou sellier. Le caricaturiste joue ici sur le double emploi de la jeune femme dans les années 1866-67, à savoir celui de fameuse cocotte, extrêmement prisée à Paris, une figure féminine emblématique de beauté et de luxe, et celui d’artiste lyrique improvisée au théâtre.

Il fallait d’ailleurs beaucoup de culot pour se lancer dans une opérette sans réelle maîtrise de la technique vocale. Cora Pearl n’avait en effet probablement reçu de son père musicien que de simples rudiments d’éducation musicale. En revanche, elle possédait sans aucun doute une certaine présence scénique. Forte de sa réputation de grande horizontale, elle tenait pour acquis dans la salle le public du demi-monde et celui de ses principaux clients dont son amant favori le prince Napoléon, le cousin de l’empereur. Ces supporters étaient venus pour l’encourager et l’applaudir.

Cette première ne fut pourtant pas un succès. Si un spectateur comme Zed (le baron de Maugny) admet le plaisir de la regarder « presque nue, constellée de diamants », il demeure consterné par sa prestation qui ne lui attira, dit-il que des sifflets. Malgré son amateurisme évident, elle réussit à tenir pendant une douzaine de représentations. Ensuite, elle fut huée par un groupe d’étudiants qui n’acceptait plus de voir une courtisane, britannique de surcroît, tenir un rôle dans une salle d’opéra. La cocotte Marie Colombier, comme Zed trouvent d’ailleurs son accent anglais absolument ridicule lorsqu’elle chante : « Je suis Kioupidone », une partie du public éclatant de rire ce qui finit par la décourager et l’incita à abandonner.

Cora, icône féminine du Second Empire


Femmes richissimes, audacieuses et provocantes, les courtisanes étaient perçues comme des figures décadentes, emblématiques de la fête impériale. Elles incarnaient parfaitement la corruption et la débauche du régime du Second Empire, dénoncées ici par Gill.

Elles étaient également des modèles de beauté. Elles vont en effet lancer des tendances et inventer de nouvelles manières d’être belle. En matière de maquillage et de soins d’hygiène, elles faisaient preuve d’originalité et de modernité, dans un style résolument nouveau, en diffusant leur pratique auprès du plus grand nombre, initiant par là même un nouvel art d’être femme.

La marchande d’amour Cora Pearl était particulièrement réputée pour avoir été innovante en matière d’esthétique, véritable découvreuse dans ce domaine. Elle faisait des apparitions toujours plus étonnantes et servit de modèles pour les autres femmes de son temps. Elles aurait notamment révolutionné la manière de se maquiller en lançant la mode d’ombrer les yeux, cils et paupières ainsi que l’usage d’une nouvelle poudre de fond de teint qu’elle aurait créée elle-même en y ajoutant des substances nouvelles qui donnaient un effet particulier. C’est également elle qui lança la mode chez les femmes de se teindre les cheveux, apparaissant parfois en rousse, sa couleur naturelle qui lui valut l’appellation de Lune Rousse parfois en blonde, ce que tout le monde remarquait.

Dotée d’une personnalité originale et irrévérencieuse, célébrée dans la presse pour ses frasques et ses amours dissolues, elle maîtrisait parfaitement l’art de faire parler d’elle. Entretenant une allure sensuelle et féminine avec une silhouette mince et tonique elle fut incontestablement l’une des icônes féminines du Second Empire.

AUTHIER Catherine, Femmes d’exception, femmes d’influence : une histoire des courtisanes au XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 2015.

CHEVÉ Joëlle, Les grandes courtisanes, Paris, First, 2012.

HOUBRE Gabrielle, Le livre des courtisanes : archives secrètes de la police des mœurs (1861-1876), Paris, Tallandier, 2006.

RICHARDSON Joanna, Les courtisanes : le demi-monde au XIXe siècle, Paris, Stock, 1968.

ROUNDING Virginia, Les grandes horizontales : vies et légendes de quatre courtisanes du XIXe siècle, Monaco/Paris, Éditions du Rocher, coll. « Anatolia », 2005.

Catherine AUTHIER, « Cora Pearl, célèbre courtisane du Second Empire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/cora-pearl-celebre-courtisane-second-empire

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La courtisane, un monstre ?

La courtisane, un monstre ?

Un regard trouble entre misogynie et fascination

Le recours à l’allégorie pour dénoncer la prostitution est très fréquent au XIXe siècle…

Liane de Pougy et le charme de l’ambiguïté à la Belle Époque

Liane de Pougy et le charme de l’ambiguïté à la Belle Époque

La métamorphose d’une mère de famille en « grande horizontale »

Depuis le Second Empire, le portrait photographique connaît un véritable essor,…

Liane de Pougy et le charme de l’ambiguïté à la Belle Époque
Liane de Pougy et le charme de l’ambiguïté à la Belle Époque
Liane de Pougy et le charme de l’ambiguïté à la Belle Époque
Cora Pearl, célèbre courtisane du Second Empire

Cora Pearl, célèbre courtisane du Second Empire

Les portraits-charges de Gill

Sous le Second Empire, la presse illustrée connaît un essor considérable, notamment les journaux satiriques où…

La Belle Otero, emblème de la Belle Époque

La Belle Otero, emblème de la Belle Époque

Le soleil d’Espagne dans les théâtres parisiens

La fièvre de l’exotisme parcourt l’Europe pendant tout le XIXe siècle, influençant la…

La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
La Belle Otero, emblème de la Belle Époque
Les marchandes d’amour du Palais-Royal

Les marchandes d’amour du Palais-Royal

Le goût pour la mode et la galanterie

Au XVIIIe siècle les gravures mettant en scène les costumes, les chapeaux et bijoux fleurissent…

Splendeurs et misères d’une courtisane : Émilienne d’Alençon

Splendeurs et misères d’une courtisane : Émilienne d’Alençon

La photographie au service d’une cocotte de haut vol

Contrairement aux hétaïres grecques, les courtisanes de la Belle Époque n’ont pas besoin d’…

Rolla ou Le suicide pour une courtisane

Rolla ou Le suicide pour une courtisane

L’alibi littéraire

En 1878, le peintre Henri Gervex ancien médailliste du Salon, voit son œuvre Rolla brutalement retirée de l’exposition par l’…

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

La République s’amuse

Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour…

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Thomas Couture et la décadence

Thomas Couture et la décadence

L’allégorie, une grande tradition picturale

Formé dans l’atelier d’Antoine Gros et de Paul Delaroche, Thomas Couture se révèle rapidement un…

La traite des planches ou La prostitution au spectacle

La traite des planches ou La prostitution au spectacle

La traite des planches ou la prostitution au spectacle.

Le dessin de Degas comme la photographie de la vedette Polaire attestent l’engouement…

La traite des planches ou La prostitution au spectacle
La traite des planches ou La prostitution au spectacle