Thérèse Degas.
Madame Jeantaud au miroir.
La Femme à la potiche.
Mademoiselle Dihau au piano.
Thérèse Degas.
Auteur : DEGAS Edgar
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 89 cm
L. : 67 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© Photo RMN - Grand Palais - H. Lewandowski
93DE6044/RF 2650
La femme bourgeoise chez Degas
Date de publication : Juin 2015
Auteur : Fleur SIOUFFI
La femme bourgeoise chez Degas
La femme bourgeoise chez Degas
Au milieu du XIXe siècle, la bourgeoisie contribue largement à faire triompher l’individu, la famille et la vie privée. Le discours public, tant juridique que politique, social, esthétique et scientifique, s’attache à délimiter les rôles et les espaces masculin et féminin : à l’homme la direction des affaires et la scène publique, à la femme l’intendance du foyer et la sphère privée. Prisonnière d’une extrême codification de sa vie quotidienne, la femme bourgeoise est constamment en représentation, surtout sous le regard des peintres.
Dans son ambition de faire des portraits de femmes prises dans leurs attitudes familières et typiques, Degas puise par excellence ses modèles dans sa famille et parmi ses proches amies.
Ainsi, pour le portrait de Thérèse Degas, le peintre fait poser l’une de ses sœurs cadettes peu avant son mariage. Coiffée d’une capote blanche nouée d’un large ruban rose et vêtue d’une crinoline grise recouverte d’un châle de dentelle noire, la jeune femme montre, timidement mais sérieusement, la main gauche qui porte la bague de fiançailles. Derrière elle, une fenêtre qui ouvre sur la baie de Naples, résidence de son fiancé, évoque sa future vie de femme mariée, pour laquelle elle s’est préparée.
Tout aussi apprêtée, Mme Jeantaud, l’épouse d’un ami du peintre, vérifie son allure dans une armoire à glace avant de sortir. En jouant sur la complémentarité du modèle et de son reflet dans le miroir, Degas décrit dans les moindres détails la tenue de l’élégante – le chapeau proéminent, la cape aux attaches saillantes qui laisse entrevoir la robe et surtout la cravate-lavallière qui en maintient la collerette, le manchon en fourrure posé sur ses genoux, et même les perles à ses oreilles –, et met en valeur la variété des matières et l’harmonie des couleurs.
Le modèle de la Femme à la potiche pose chez elle, vêtue d’une robe de maison beige et dorée. Près d’elle, une table où sont posés ses bijoux et ses gants, et sur laquelle trône une potiche multicolore contenant un superbe bouquet de fleurs pourpres aux larges feuilles exotiques.
Pour le portrait de l’une de ses amies, Mlle Dihau au piano, Degas, passionné de musique, choisit de la représenter devant son instrument. La jeune pianiste, très coquettement vêtue d’un chapeau à fleurs et à plumes, semble interrompre son morceau pour se retourner, fièrement, vers le spectateur.
La manière dont Degas saisit quelques moments de vie de ces quatre femmes est empruntée à la photographie. Fasciné par ce nouveau mode de représentation du réel, le peintre cherche à échapper dans chacun de ces portraits à la disposition traditionnelle de la figure sur le fond par la multiplication des points de vue - en exploitant par exemple le reflet d’un miroir-, ou encore par le recours à des angles inattendus – comme dans la Femme à la potiche où la figure est entamée par le décor.
Par ces quatre portraits de femmes, Degas pose plus largement un regard objectif sur la femme bourgeoise à son époque. Au-delà de la ressemblance physique, à leur avantage mais sans flatterie, le peintre transcrit parfaitement les enjeux et conventions de leur vie quotidienne, à travers leurs vêtements – reflets de la mode à cette époque et surtout attributs du paraître –, leurs occupations – souvent improductives mais toujours symboliques comme jouer d’un instrument – et leur intérieur – révélateur de leurs devoirs et qualités en tant que maîtresses de maison. Très attentif à ses semblables, Degas apparaît comme le témoin privilégié de la condition de la femme, fer de lance des ambitions de la bourgeoisie, dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Philippe ARIES et Georges DUBY Histoire de la vie privée, 3 : De la Révolution à la Grande Guerre Seuil, 1987.Jean-Paul ARON Misérable et glorieuse, la femme au XIXe siècle Fayard, 1980.Christophe CHARLE Histoire sociale de la France au XIXe siècle Seuil, 1991.Adelie DAUMARD Les Bourgeois et la bourgeoisie en France Aubier, 1987.Georges DUBY et Michèle PERROT (dir.) Histoire des femmes, le XIXe siècle Plon, 1991.I. DUNLOP Degas Neuchâtel, Ides et Calendes, 1979.G. FORGE Degas Flammarion, 1988.Henri LOYRETTE Degas Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1988.D. SUTTON Degas Nathan, 1986.Collectif, Catalogue d’exposition : Degas e l’Italia Villa Médicis, 1984.Collectif, Catalogue d’exposition : Degas Grand Palais, 1988.
Impressionnisme : Courant artistique regroupant l’ensemble des artistes indépendants qui ont exposé collectivement entre 1874 et 1886. Le terme a été lancé par un critique pour tourner en dérision le tableau de Monet "Impression soleil levant" (1872). Les impressionnistes privilégient les sujets tirés de la vie moderne et la peinture de plein air.
Fleur SIOUFFI, « La femme bourgeoise chez Degas », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/01/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/femme-bourgeoise-degas
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