Humber Cycles
Terrot & Co - Cycles Motorettes
Humber Cycles
Lieu de conservation : musée national de la Voiture et du Tourisme (Compiègne)
site web
H. : 46 cm
Chromolithographie.
Domaine : Affiches
© RMN - Grand Palais (domaine de Compiègne) / Franck Raux
CMV 3987 - 06-531140
La publicité pour les marques de cycles : l’angle des loisirs
Date de publication : Juillet 2011
Auteur : Alexandre SUMPF
Les premières marques de cycles
Après l’invention de la bicyclette à pédale par Pierre Michaux en 1861, le vélocipède connaît un succès populaire assez rapide. Avec l’Exposition universelle qui se tient à Paris en 1867, il conquiert un public de plus en plus vaste, en Europe comme aux États-Unis. La Compagnie Parisienne des Vélocipèdes, entreprise pionnière créée par Michaux, voit le jour en 1868. Pour répondre à la demande croissante, les constructeurs de cycles se multiplient. Comme le montrent les deux images étudiées ici, le Britannique Thomas Humber, qui ouvre sa société en 1869, ou encore l’entreprise Terrot, fondée à Dijon par Charles Terrot en 1887, se soucient aussi de promouvoir leur production. Sous l’angle de la publicité par affiches qui suit un essor comparable à l’époque, Humber Cycles et Terrot & Co - Cycles Motorettes permettent d’appréhender l’histoire du cyclisme et de ses marques entre 1880 et 1910.
Du réalisme au symbolisme
Chromolithographie réalisée entre 1880 et 1900, Humber Cycles vante bien les mérites des cycles de la firme anglaise, mais elle concerne sa distribution en France, comme l’indique l’inscription au bas de l’image. Une touche britannique que l’on retrouve dans l’usage de la couleur et de la lumière. L’affiche fait une large place au vaste paysage montagneux (sapins et bornes au bord du chemin) où se promènent un homme et une femme montés sur des vélos (un bicycle et un tricycle). La qualité de leurs vêtements montrent qu’il s’agit de bourgeois. Avec sobriété (aucune inscription à part celle de la marque) et réalisme, l’ensemble évoque la quiétude de cette sortie au grand air.
Signée par l’illustrateur Nicolas Tamagno en 1907, Terrot & Co - Cycles Motorettes est à la fois plus chargée, plus « symbolique » et plus surprenante. Ici aussi, la marque dont on fait la réclame figure en bonne place. Avec deux mentions suggestives, l’affiche rappelle les succès des vélos Terrot aux concours du Touring Club de France (T.C.F.), qui récompensent chaque année la qualité, l’endurance et le confort des produits, ainsi que leur usage « touristique ». Elle a pour fond le paysage parisien (Arc de triomphe et Grand Palais). Au premier plan, une femme blonde et rayonnante vêtue de blanc ouvre la route à une longue file indistincte et sombre de cyclistes masculins vêtus de noir. Presque militaire, funèbre et en tout cas assez inquiétante (peut-être involontairement), cette file qui s’étend jusqu’à l’horizon contraste avec la lumière émanant du lampion que la femme, telle une éclaireuse, a accroché au guidon de son vélo (et qui fait écho à celle du phare surmontant le Grand Palais).
De la quiétude à la conquête
Si elles remplissent toutes deux la même fonction publicitaire en vantant le loisir et le tourisme associés au vélo, Humber Cycles et Terrot & Co - Cycles Motorettes sont cependant très différentes. Plus ancienne et plus anglaise, Humber Cycles montre des touristes au sens littéral (c’est-à-dire des gens aisés qui effectuent un « tour », un voyage) dans le costume réglementaire, qui plus est assez britannique (notamment le chapeau rond et la montre du gentleman). La réclame reste discrète et suggestive : l’image signifie directement toutes les valeurs de tranquillité et d’élégance (avec une touche « british » qui convient d’ailleurs tout à fait à la clientèle visée ici) associées à la marque et, par là, à la pratique, encore très bourgeoise, du vélo.
La référence bourgeoise n’est pas absente de Terrot & Co - Cycles Motorettes puisque la scène se déroule dans l’Ouest parisien (haut lieu des premiers clients, des clubs et des courses de vélo). Elle renvoie cependant plus à la « Belle Époque » (robe de la femme) de la « Ville lumière » (dont le lampion et le phare évoquent à la fois le rayonnement et l’aspect festif). L’image est aussi assez symbolique : en quittant Paris au crépuscule pour conquérir de nouveaux espaces de détente, l’héroïne ouvrirait le chemin lumineux du loisir touristique (estampillé T.C.F.) à une file d’hommes en noir, sortes d’« ouvriers » ou de soldats de la vie urbaine. Suivant le phare du progrès et de la démocratisation du vélo, ces derniers pourraient ainsi goûter une nouvelle activité, saine, naturelle et solaire.
Alain CORBIN (dir.), L’Avènement des loisirs (1850-1960), Paris, Aubier, 1995.
Pryor DODGE, La Grande Histoire du vélo, Paris, Flammarion, 1996.
Marc MARTIN, Trois siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, 1992.Alain WEILL, L’Affiche française, Paris, P.U.F., 1982.
Alexandre SUMPF, « La publicité pour les marques de cycles : l’angle des loisirs », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/publicite-marques-cycles-angle-loisirs
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