"Et lui ? Aidez-nous à lui trouver du travail quand il reviendra"
Lieu de conservation : La Contemporaine (BDIC, Nanterre)
site web
H. : 79 cm
L. : 60 cm
Titre complet : Et lui ? Aidez-nous à lui trouver du travail quand il reviendra : recensement professionnel des prisonniers de guerre.
Domaine : Affiches
Domaine Public © CC0 Collections La contemporaine, Nanterre
AFF30362-4
Les Prisonniers de l’an 40
Date de publication : Février 2023
Auteur : Alexandre SUMPF
Symboles d’un passé honni
Quand les affiches sur les prisonniers de guerre commencent à fleurir sur les murs des deux zones, en 1941, la France est plongée dans le chaos économique, la révolution politique et le désarroi social. Les relations avec l’empire colonial ne peuvent compenser le choc de la défaite militaire de juin 1940 et la perte de la Zone nord occupée et surtout exploitée par les nazis. Outre la détention en Stalag (1) de 1,575 million de soldats français (sur les 1,85 million capturé en 1940), le pays déplore un chômage massif qui affecte 1,69 million de personnes en novembre 1940. C’est dans ce contexte de crise généralisée que l’État français installé à Vichy met en œuvre son programme volontariste. L’affiche Et lui ? est ainsi commandée conjointement par le commissariat à la lutte contre le chômage fondé le 11 octobre 1940 et le commissariat général au reclassement des prisonniers rapatriés et aux familles de prisonniers, institué tout juste un an après. Confronté à la dislocation de ses forces vives, le régime du maréchal Pétain entreprend alors d’opérer un recensement professionnel non dépourvu d’arrière-pensées politiques.
Rendre présents les absents
Le dessinateur anonyme de Et lui ? propose une composition trinitaire jouant à la fois sur les trois couleurs du drapeau national et trois situations possibles pour un homme en âge de travailler. Le regard du spectateur converge vers la figure blanche au centre, dont la stature se surimpose à l’image grâce à un contour noir qui détache sa silhouette spectrale : le jeune soldat est trop grand pour le cadre (sa tête perce le texte en haut) et deux fois plus grand que les deux autres personnages. À sa droite, un ouvrier en bleu de travail usine une pièce de métal chauffée à blanc ; à sa gauche, un paysan en sabots de bois retourne le sol de la patrie. Contrairement à eux, le prisonnier est torse nu, les bras ballants, les mains vides et inoccupées, les muscles saillants, mais contraints au repos. Contrairement à eux, son visage possède des traits qui dénotent la tristesse et l’incertitude avec le front barré d’une ride, la bouche aux coins baissés, les yeux plissés. Il garde malgré tout la tête haute et nous regarde sans détour.
Un avenir radieux ?
Porté par Pétain et autorisé par les nazis, le mouvement de la Famille du prisonnier participe de l’État humanitaire vichyste qui entend à la fois réparer les catastrophes du passé et en tirer parti pour réorganiser la société autour des valeurs cardinales de la Révolution nationale que sont le travail, la famille et la patrie. Privés du soutien des hommes dans la fleur de l’âge, les femmes et les enfants de France sont censés trouver dans le Maréchal une sorte de père universel, omniscient et omnipotent, bienveillant, mais exigeant. On doit secourir les prisonniers comme les réfugiés, les expulsés, les bombardés, les indigents mais, affirme l’affiche Et lui ?, aucun de ces soldats n’a le droit de hanter les familles tel un fantôme. Organiser son retour à la vie civile signifie œuvrer au redressement national. Libéré de son devoir de militaire, il sera réengagé aussitôt sur le front économique… dans un effort de guerre paradoxal pour un État qui n’a ni les moyens de reprendre le combat, ni le pouvoir de garantir la paix à ses citoyens.
François Marcot, Les affiches en France de 1939 à 1945, Éditions du Musée de la Résistance et de la Déportation, 1987.
Dominique Rossignol, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944 : l’utopie Pétain, Paris, PUF, 2018.
Jean Védrine et alii (dir.), Les prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance, 1940-1945, Paris, Fayard, 2013.
1 - Stalag : camp des prisonniers de guerre en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale
Alexandre SUMPF, « Les Prisonniers de l’an 40 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/prisonniers-40
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