Le passé, le présent et l'avenir.
Auteur : DAUMIER Honoré
Lieu de conservation : musée d’Art et d’Histoire Paul-Éluard (Saint-Denis)
site web
Date de création : 1834
Date représentée : 1834
H. : 21,4 cm
L. : 19,6 cm
Lithographie. Illustration pour le journal "La Caricature", 9 janvier 1834.
Domaine : Presse
© Saint-Denis, musée d'art et d'histoire - Cliché I. Andréani
Louis-Philippe vu par Daumier
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Robert FOHR
Au début de l’année 1834, au moment où paraît cette planche, la monarchie de Juillet, régime né de l’insurrection populaire des « Trois Glorieuses » (28, 29, 30 juillet 1830) mais d’assise essentiellement bourgeoise, est entré dans une période de crise économique et d’agitation sociale. Cette situation, attisée par les républicains avec lesquels la monarchie est en conflit ouvert depuis les funérailles du général Lamarque (juin 1832), va conduire le gouvernement à mener une politique de répression et à faire voter des lois restreignant les libertés d’expression et d’association.
C’est dans ce contexte que paraît dans le journal La Caricature, auquel Daumier collabore depuis 1831, ce portrait-charge du roi Louis-Philippe.
Par la silhouette piriforme donnée à la tête du roi, cette caricature s’inscrit dans la continuité de la formule trouvée en 1831 par Charles Philipon, directeur de La Caricature, et souvent reprise ensuite par Daumier : dès décembre 1831 dans Gargantua, en février 1832 dans Le Cauchemar, et en mars 1832 dans Masques de 1831 où, au milieu des visages grimaçants de personnalités du régime représentées comme des masques de carnaval, figure une poire sur laquelle apparaissent de manière très estompée (en raison du risque de délit d’offense à la personne royale) les traits de Louis-Philippe.
En 1834, toutefois, malgré ses démêlés avec la justice, Charles Philipon, directeur de La Caricature et du Charivari, décrira ouvertement, dans un bois publié par ce dernier journal, le processus qui permet de passer du royal faciès à la poire. Quant au thème de la tête à trois visages, il se rattache à l’iconographie ancienne de l’allégorie de la Prudence, mais, associé comme il l’est ici au principe de lecture temporelle de gauche à droite, il se réfère plus précisément à Une allégorie de la Prudence de Titien (Londres, National Gallery), triple portrait de l’artiste, de son fils Orazio et de son neveu Marco, soit un vieillard, un adulte et un enfant mis en parallèle avec les têtes d’un loup, d’un lion et d’un chien. Ce tableau célèbre se trouvait déjà en Angleterre à l’époque, mais on ne peut exclure que Daumier, dont la culture artistique était vaste, en ait eu connaissance à travers une copie, car l’œuvre de Titien était passée dans des collections parisiennes au XVIIIe siècle.
Si toute dimension allégorique est ici absente, la signification de ce portrait-charge ressort clairement de la lecture successive des visages du roi dans l’ordre indiqué par le titre de la planche : à gauche, une expression de confiance mêlée de suffisance (le passé), de face un air grincheux et fermé (le présent), à droite, enfin, une expression d’effroi.
Ces trois visages reflètent évidemment l’évolution du climat politique et social de la monarchie de Juillet à laquelle Daumier s’amuse à prophétiser – avec justesse, mais il est vrai avec beaucoup d’avance – l’avenir le plus sombre…
Philippe RÉGNIER (dir.), La Caricature entre république et censure, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1996.
Philippe VIGIER, La Monarchie de Juillet, Paris, PUF coll. « Que sais-je ? », 1982.
COLLECTIF, Daumier, 1808-1879, catalogue de l’exposition au Grand Palais (5 octobre 1999 – 3 janvier 2000), Paris, RMN, 1999.
Robert FOHR, « Louis-Philippe vu par Daumier », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 06/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/louis-philippe-daumier
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