Marie-Antoinette, reine de France, et ses enfants
Auteur : VIGÉE LE BRUN Élisabeth Louise
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1787
Date représentée : 1787
H. : 275,2 cm
L. : 216,5 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / Gérard Blot
MV 4520 - 95-005914
Marie-Antoinette restaure son image
Date de publication : Mars 2013
Auteur : Joël CORNETTE
En 1785, Marie-Antoinette, dont le désir de maternité a été enfin comblé, veut un tableau où elle serait représentée avec ses enfants. En effet, l’image de « l’Autrichienne » ne cesse de se dégrader dans l’opinion : les libelles, les pamphlets diffusent de multiples rumeurs sur ses dépenses, sur ses coiffures extravagantes, sur ses mœurs, mettant même en doute la légitimité des enfants royaux.
Présenter la souveraine comme la mère d’un futur roi de France serait une manière de restaurer son image. Une exposition au Salon est même prévue. Adolf Ulrik Wertmüller (1752-1811), peintre suédois, fut chargé de cette mission. Son tableau, malhabile, déplut fortement, et, lors du Salon, les comptes rendus furent particulièrement sévères : « Il fallait représenter la reine comme mère des enfants et comme souveraine. »
C’est alors – nous sommes en septembre 1785 – qu’Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842) est sollicitée. Depuis 1778, l’année où elle réalisa un grand portrait en pied de Marie-Antoinette, elle est devenue véritablement « peintre de la reine », et une vraie amitié est née entre les deux femmes. Au point que Marie-Antoinette a intercédé personnellement pour qu’Élisabeth Louise, une femme, puisse entrer, en mai 1783, à l’Académie – très masculine – de peinture et de sculpture : « La Reine, écrit d’Angiviller, surintendant des Bâtiments, honore la dame Le Brun de ses bontés, cette femme en est digne, non seulement par ses talents, mais encore par sa conduite. »
Mais pour cette nouvelle commande, Élisabeth est quelque peu désemparée, car elle n’a guère l’habitude des portraits de groupe. Aussi demande-t-elle l’avis de Jacques Louis David (1748-1825), peintre déjà célèbre et reconnu : ils choisissent comme modèle une Sainte Famille de Raphaël.
Des esquisses à la réalisation finale, il faudra deux ans à Vigée Le Brun pour achever cette œuvre monumentale.
Ce tableau, célébrissime, représente la reine assise, tenant sur les genoux son avant-dernier-né, Louis-Charles, duc de Normandie ; la petite Marie-Thérèse s’appuie affectueusement contre sa mère, tandis que le dauphin se tient près du berceau vide. L’artiste a rendu l’intensité de la présence de la reine, majestueuse, sereine et grave. La noblesse de son port de tête est accentuée par le panache qui orne son béret de velours écarlate. Son regard est tranquille.
La déclinaison des couleurs est parfaitement maîtrisée : complémentarité des rouges, des verts, des ocres des étoffes et du berceau, teintes que l’on retrouve associées dans les arabesques et les fleurs des coussins et tapis. La lumière venue de la galerie des Glaces éclaire la scène, tandis que, derrière le groupe, un meuble luit dans la pénombre : il s’agit d’un serre-bijoux appartenant à la reine. Marie-Antoinette semble dire à la postérité que ses enfants constituent son seul trésor. Peut-être a-t-elle lu l’Avis d’une mère à son fils (1726), de madame de Lambert (1647-1733), qui rapporte qu’une « dame grecque montrait à la mère de Phocion ses pierreries, et lui demandait les siennes ; elle lui montra ses enfants et lui dit : “Voilà ma parure et mes ornements” ».
Accusée de creuser le déficit royal, éclaboussée par l’affaire du collier, critiquée pour n’être ni une bonne mère, ni une bonne épouse, la souveraine en majesté inflige ainsi à ses détracteurs un spectaculaire démenti !
Le tableau fut exposé au Salon de 1787. « Ma peur, écrit Élisabeth Louise, était si forte que j’en avais la fièvre. J’allai me renfermer dans ma chambre, et j’étais là, priant Dieu, pour le succès de ma Famille royale, quand mon frère et une foule d’amis vinrent me dire que j’obtenais le succès général. »
En réalité, les réactions furent partagées : les journalistes du Salon sont d’abord intrigués par le berceau vide ; un libelle dit aussi qu’« on se plaint que la Reine n’ait point d’intention dans ses regards » ; et on reproche d’avoir donné « aux chairs d’une femme de trente ans » une transparence invraisemblablement diaphane. Il s’agit là néanmoins d’un des tableaux les plus justement célèbres de madame Vigée Le Brun.
À partir de 1789, Élisabeth Louise fait partie des victimes de la campagne de libelles et de pamphlets visant à discréditer la famille royale et son entourage : on l’accuse notamment d’être la maîtresse de Calonne, l’ancien contrôleur général des Finances, et on la dépeint en profiteuse des deniers de la nation.
« Je suis né poltronne et indécise. » C’est ce qu’elle écrit dans ses cahiers manuscrits. En juillet 1789, elle, si proche de la reine, sent sa vie menacée. Aussi, le 6 octobre à minuit, le jour même où le roi, la reine, le dauphin, ont été contraints par la foule en colère de quitter Versailles pour Paris, Élisabeth Louise et Julie, sa fille unique, quittent la capitale dans la diligence qui les conduit à Lyon. Comme l’écrit Geneviève Haroche, « ce n’est pas le départ d’une artiste qui veut découvrir l’Italie contrairement à ce que son entourage cherchera à faire croire, c’est une femme à qui son anxiété sauve la vie »…
Après un long exil à Rome, Vienne, Londres, Saint-Pétersbourg, elle reviendra en France en 1800. Elle publiera ses Souvenirs en 1835, avant de s’éteindre en 1842 alors qu’elle est devenue une vieille dame de quatre-vingt-sept ans, habitée par les fantômes du passé. Sa tombe au cimetière de Louveciennes porte pour simple épitaphe « Ici, enfin, je repose… ».
Simone BERTIÈRE, Marie-Antoinette l’insoumise, Paris, Fallois, 2002.
Claire CONSTANS, Musée national du château de Versailles. Les peintures, Paris, R.M.N., 1995.
Guy CHOSSIGNAND-NOGARET, La Vie quotidienne des femmes de roi d’Agnès Sorel à Marie-Antoinette, Paris, Hachette, 1990.
Jules FLAMMERMONT, « Les portraits de Marie-Antoinette », in Gazette des Beaux-Arts, 1898.
Évelyne LEVER, Marie-Antoinette, la dernière reine, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 2000.
Françoise PITT-RIVERS, Madame Vigée-Lebrun, Paris, Gallimard, 2001.
Muriel VIGIÉ, Le Portrait officiel en France du Ve au XXe siècle, Paris, Van Wilder, 2000.
Joël CORNETTE, « Marie-Antoinette restaure son image », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 22/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/marie-antoinette-restaure-son-image
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Mme Codico
Très bon commentaire, votre analyse m'intéresse énormément, je suis professeur d'histoire-géographie depuis dix ans maintenant et je me sers régulièrement de votre site pour mes élèves. Et ils adhèrent !!! Si vous pouviez nous donner encore plus de renseignements tout serait parfait, il manque parfois de petites précisions. En espérant que vous prendrez en compte mon petit com' comme disent les jeunes ;-) @+
Mme lambert
je tenais à vous dire que le tableau " Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg, reine de France et ses enfants " fut réaliser en 1787 et non en 1789: il n'a pas pu être réalisé en plus cette année car il y a eu la révolution française
kiki26
Vous dites que le tableau mesure 271cm par 195cm alors qu’après vous dites 2,75 m sur 2,15 m
Histoire-image
Bonjour,
Merci pour votre œil avisé et pour l'intérêt que vous portez à notre site.
Les dimensions sont bien de 2,75 m sur 2,15 m.
Les corrections sont désormais effectives sur le site,
A bientôt,
Juliette
Nikita Viktoriya
Bonsoir,
Je pense qu'il est important de signaler à nos élèves que le Dauphin représenté ici est décédé pendant les Etats Généraux en 1789. Cela rend ce témoignage pictural encore plus émouvant et cela explique peut-être, en parti, l'état d'esprit de Louis XVI jugé "absent" lors de cette réunion. Cette "anecdote" tragique peut intéresser nos élèves. Merci pour votre travail :) Nikita
Dana
Bonsoir,
j'ai vu qu'il y avait déjà un commentaire à ce sujet, mais je renouvelle la signalisation tout de même quant à l'erreur de date qui figure sur le cartel, sous la reprod de l'oeuvre: vous avez inscrit qu'il s'agissait d'une oeuvre créée en 1789 alors qu'elle fut créée et présentée au Salon en 1787.
Quoi qu'il en soit, merci pour votre site et pour l'effort de synthèse qui donne un aperçu toujours intelligent et efficace pour comprendre les oeuvres présentées. Un véritable outil de travail qui permet à la fois de se faire une idée rapide, mais surtout d'approfondir grâce à vos sources bibliographiques riches et utiles.
Dana
(Mais d'ailleurs, ce n'est pas parce qu'il y a eu la Révolution que les artistes ont arrêté de peindre - Pour répondre au commentaire plus bas -, au contraire, Vincent, David, exposent au Salon de 1789. (D'ailleurs, Elisabeth Vigée Le Brun, ami de David, lui demande conseils quant à la réalisation de cette oeuvre).Certes, ils ne représentent pas la famille royale, mais le Salon est maintenu.
Certes, le programme iconographique de l'oeuvre de Le Brun vise à en faire une propagande ou du moins à donner une nouvelle image de la Reine comme mère responsable - déjà tardif en 1787 -, qui le rend sans intérêt en 1789).
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