La ménagerie impériale, page de garde.
Auteur : HADOL, dit WHITE Paul
Lieu de conservation : musée national du château de Compiègne (Compiègne)
site web
Lithographie coloriée. Titre complet : « La ménagerie impériale, composée des ruminants, amphibies, carnivores et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans ». (page de garde).
Domaine : Estampes-Gravures
© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot
00-028982
La ménagerie impériale
Date de publication : mai 2006
Auteur : Alain GALOIN
La caricature – de l’italien caricare, « charger, exagérer » – est l’expression plastique la plus significative de la satire dans le graphisme, la peinture et même la statuaire. Elle connaît un véritable essor au XIXe siècle, période au cours de laquelle l’instabilité des institutions et l’agitation politique engendrée par les multiples changements de régime nourrissent l’inspiration de dessinateurs talentueux tels que Traviès, Daumier, Grandville, Gavarni, Cham, Gill ou Alfred le Petit. À cette époque en effet, les journaux satiriques prolifèrent, comme La Silhouette, La Caricature, Le Charivari, La Lune ou L’Éclipse, pour ne citer que les plus connus d’entre eux.
La mesure est étrangère à la caricature, qui est un art résolument engagé. Hostiles au libéralisme bourgeois qu’ils stigmatisent à l’envi, les caricaturistes des années 1830-1870 sont tous attachés, à des degrés divers, aux valeurs républicaines. La République est pour eux un espoir toujours caressé, souvent déçu, et leur soif de justice et de liberté confère à leurs œuvres une puissance subversive que le pouvoir politique redoute. Pour échapper aux rigueurs de la censure mise en place par le roi Louis-Philippe en 1835, les caricaturistes doivent renoncer à l’attaque franche et directe des personnalités au pouvoir et s’orienter vers la peinture de mœurs ou vers la création de personnages populaires, comme Joseph Prudhomme, Robert Macaire ou Ratapoil, imaginés par Daumier. La satire politique se fait alors indirecte, plus insidieuse. Il faudra attendre la très libérale loi sur la presse du 29 juillet 1881 pour que la verve satirique des caricaturistes puisse à nouveau s’exprimer pleinement et librement.
La Ménagerie impériale, composée des ruminants, amphibies, carnivores et autres budgétivores qui ont dévoré la France pendant 20 ans est un recueil de caricatures exécutées par Paul Hadol, dit White (1835-1875). L’ouvrage est paru en 1870, après la chute du Second Empire. Sorti des presses de l’imprimerie Coulbœuf, il est composé d’une trentaine de feuilles volantes de 17 centimètres de largeur sur 27 centimètres de hauteur.
Sur chaque feuille, le dessinateur a réalisé le portrait-charge d’une personnalité du régime impérial déchu : la tête aux traits fortement accentués est greffée sur un corps zoomorphe. Chaque personnage est affublé – ménagerie oblige – d’un nom d’animal suivi de deux caractéristiques désobligeantes stigmatisant ses vices réels ou supposés. Les derniers feuillets du recueil constituent le Musée des Empaillés : ils regroupent plusieurs figures par page dans un environnement digne du Muséum d’histoire naturelle.
La lithographie qui est ici proposée orne la couverture du recueil. La République, vêtue à l’antique et coiffée du traditionnel bonnet phrygien, écarte la tenture du cirque censé abriter la « ménagerie impériale ». Elle invite le public à entrer en désignant l’enseigne avec une règle. À droite, Napoléon III est figuré sous les traits d’un rapace. La caricature est sous-titrée « Le grand vautour de Sedan ». C’est également sous la forme d’un vautour que l’empereur est représenté sur le feuillet qui lui est consacré dans le recueil. Il y est montré dépeçant une France exsangue qu’il retient dans ses serres. Paul Hadol lui impute deux vices : « Lâcheté – Férocité ».
Les caricatures qui composent La Ménagerie impériale imaginée par Paul Hadol sont d’une rare cruauté. Publiée après la chute de l’empire, cette œuvre satirique est l’expression plastique du discrédit et de l’opprobre qui frappent le régime impérial après la défaite de Sedan. Napoléon III et son entourage sont jugés seuls responsables d’une guerre catastrophique à laquelle, pourtant, l’opinion publique et la plupart des hommes politiques étaient largement favorables. Le souverain vaincu, prisonnier, qui a été contraint de remettre son épée au roi de Prusse Guillaume Ier, fait figure de lâche. C’est le début de ce que Jean des Cars a appelé « la légende noire du Second Empire », régime honni que l’on a longtemps considéré comme une parenthèse fâcheuse dans l’histoire mouvementée du XIXe siècle. Il serait cependant caricatural et réducteur de limiter le règne de Napoléon III à une fête impériale effrénée et « budgétivore », le Second Empire étant précisément la période où la France est entrée dans l’ère du modernisme économique et des progrès techniques et industriels.
Annie DUPRAT, Histoire de France par la caricature, Paris, Larousse, 1999.Annie DUPRAT, « Iconologie historique de la caricature politique en France du XVIe au XXe siècle », in revue Hermès n° 29, mai 2001.Philippe KAENEL, Le Métier d’illustrateur.1830-1880, Paris, Éditions Messenne, 1996.Bertrand TILLIER, Cochon de Zola, ou les Infortunes caricaturales d’un écrivain engagé, Paris, Séguier, 1998.Bertrand TILLIER, La Républicature : la caricature politique en France, Paris, C.N.R.S.Éditions, 1997.Bertrand TILLIER, À la charge ! La caricature en France de 1789 à 2000, Paris, Éd.de l’Amateur, 2005.
Alain GALOIN, « La ménagerie impériale », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/menagerie-imperiale
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Henri IV, le premier roi « médiatique » de l’histoire de France
Dans sa (re)conquête du pouvoir après l’assassinat d’Henri III le 2 août 1589 sous le couteau de Jacques Clément, Henri IV a su accompagner…
Enterrement de la IIe République
Singulier destin que celui de cet enterrement de campagne ! Symbole de l’ordure moderne pour les contemporains, chef-d’œuvre révéré aujourd’hui,…
Portrait de Turenne en général romain
S’il l’identification du modèle ne fait pas de doute – il s’agit d’Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de…
Louis XIV et Apollon
Cette gouache sur papier crème de Joseph Werner, peintre bernois appelé à la cour de Louis XIV pour son…
Un manifeste du romantisme
En juin 1816, La Méduse amirale, frégate de quarante-quatre canons, quitte l’île d’Aix sous les ordres du comte de Chaumareix, un émigré qui ne…
La Guerre de dévolution
Le décès du roi d’Espagne Philippe IV, survenu le 17 septembre 1665, réveille les appétits dynastiques de…
Les Barrières de Paris
Au début de la Révolution française, les sites de prélèvement de l’octroi sont pris pour cible et…
L'allégorie sous le Consulat
Après le coup d’Etat des 18 et 19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799), qui transformait la République française, jusqu’alors gouvernement…
Les Meurtrissures de la Grande Guerre
Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) est âgé de cinquante-cinq ans quand la Première Guerre…
L’Apothéose de Napoléon III
Le développement du rationalisme scientifique au XVIIIe siècle a entraîné le déclin de l’allégorie dans l’art. Victime de l’air du temps qui…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel