Le pont aérien pendant le blocus de Berlin de 1948
Un avion de transport américain transportant du fret anniversaire à l'aéroport de Tempelhof
Le pont aérien pendant le blocus de Berlin de 1948
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK, Berlin)
site web
Date de création : 1er juillet 1948
Date représentée : 1er juillet 1948
Domaine : Photographies
© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BPK
30010672 - 07-526733
Le Pont aérien lors blocus de Berlin
Date de publication : Février 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
Berlin, la guerre sans fin
En 1948, Berlin n’en finit plus de se relever de ses ruines. La capitale du Troisième Reich à l’architecture monumentale imaginée par Albert Speer a été presque rasée, d’abord sous l’effet des raids aériens de l’US Air Force, puis lors de la bataille finale d’avril 1945. Les lance-roquettes multiples « Katioucha » et les chars T-34 de l’Armée rouge ont achevé de réduire en cendres la cité, immeuble après immeuble. Les quatre nations vainqueurs – États-Unis, France, Grande-Bretagne et Union soviétique – se partagent le pays en quatre zones, la zone soviétique occupant 43% du total à l’Est. La guerre froide s’est officiellement déclarée en 1947 avec les doctrines Truman (1) et Jdanov (2) qui actent aux États-Unis et en U.R.S.S. une vision du monde en deux mondes antagonistes (capitaliste et communiste) et irréconciliables.
Berlin est elle-même partagée en quatre, les trois zones occidentales étant isolées en plein cœur de la zone soviétique. La cité devient le cœur de la confrontation entre les deux super puissances – en attendant la Corée (3), le Vietnam (4) et Cuba. Dans la partie occidentale de l’Allemagne, Américains, Britanniques et Français instituent le 20 juin 1948 un Deutsche Mark. De peur que cette monnaie que les Soviétiques ne contrôlent pas envahissent la zone soviétique à travers Berlin, Staline ordonne de couper Berlin-Ouest du monde le 24 juin 1948. Le blocus dure jusqu’au 12 mai 1949. Pour approvisionner les 2,2 millions d’habitants de cette partie de la ville, les Occidentaux organise un pont aérien, ballet incessant d’avions qui est resté dans toutes les mémoires.
Le ciel t’aidera
Pris en contre-plongée et de dos, le cliché montrant des enfants saluant un avion du haut d’un immeuble en ruines est devenu une icône du pont aérien de Berlin. Le cadre est saturé par les gravats dans la partie inférieure, les silhouettes du groupe de jeunes Allemands dans la partie intermédiaire, et l’imposant aéronef qui occupe presque tout le ciel visible. Ce dernier est en train de prendre de l’altitude, course vers la hauteur soulignée par les bras levés, les jambes étirées par la course, et soulignée aussi par la direction des poutrelles d’acier. Si l’atterrissage remplit les estomacs et fait naître des sourires, le décollage allume l’espoir et fait croître la confiance en l’avenir.
Bien différente est la photographie réalisée un mois plus tard. Cette image de propagande multiplie les références à l’Amérique, c’est-à-dire aux États-Unis, visible à deux endroits de la carlingue et sur le panneau explicatif. Quatre hommes clefs du pont aérien sur le terrain ont les honneurs de la postérité : le pilote à droite, avec son blouson d’aviateur en cuir, le gestionnaire, armé de sa casquette et son fichier, en chemise blanche immaculée, et deux ouvriers de l’aéroport de Tempelhof s’occupant du déchargement, en gilet et casquette. Ils ne travaillent pas à mains nues, mais au moyen d’un chariot élévateur. La mécanique vient au secours de l’alliance américano-allemande (de l’Ouest).
Une victoire sans effusion de sang
Si l’Armée rouge a conquis Berlin, au prix de dizaines de milliers de vies de soldats et de trop nombreuses victimes civiles, les armées alliées ont gagné la deuxième bataille de Berlin. Dès le 23 juin, un pilote américain a eu l’idée d’emmener avec lui des pommes de terre ; le 26, le pont aérien est officiellement lancé, l’aéroport nazi de Tempelhof réaménagé, puis celui de Tegel construit par les Français en à peine trois mois. En tout, 2,34 millions de tonnes de provisions sont acheminées entre la fin juin 1948 et la mi-mai 1949, dont les deux tiers par des avions américains. Staline doit finalement se résoudre à lever le blocus de Berlin. Le pilote Gail Halvorsen a eu l’idée d’ajouter chewing-gums et tablettes de chocolat aux colis parachutés avant l’atterrissage – pour le plus grand bonheur des enfants qui pistent donc les avions pour être les premiers à récupérer les friandises. Le geste de solidarité allié, qui implique toute une chaîne d’approvisionnement en amont des centaines de vols quotidiens, restera gravé dans le cœur des Berlinois. Les États-Unis font la démonstration de leur puissance économique et de la viabilité du plan Marshall (5) : voté en octobre 1947, il ouvre un crédit de plusieurs milliards de dollars pour la reconstruction de l’Europe.
Jacques Bariéty, « La France et la crise internationale du blocus de Berlin », Histoire, économie, sociétés, 13/1, 1994, p. 29-44.
Georges-Henri Soutou, La Guerre froide : 1943-1990, Paris, Fayard / Pluriel, 2010.
Alfred Wahl, L'Allemagne de 1945 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2009.
1 - Harry Truman (1884-1972) : Vice-président de Franklin D. Roosevelt. Il devient le président des États-Unis à sa mort en avril 1945 jusqu'en 1953. Il décide de lancer les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Il met en place la politique du containment qui cherche à limiter l'influence de l'U.R.S.S. et du communisme dans le monde.
2 - Andreï Jdanov (1896-1948) : bolchévique dès 1915, proche de Staline, il devient membre du Bureau politique en 1938. Il dirige la propagande soviétique et l'agit-prop. À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il organise le Kominform chargé de fédérer l'ensemble des partis communistes. Il développe, face à la doctrine Truman du containment, l'idée d'un monde divisé en deux : le camp impérialiste et anti-démocratique incarné par les U.S.A. et le camp anti-impérialiste et démocratique incarné par l'U.R.S.S..
3 - Guerre de Corée (1950-1953): à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, la Corée est occupée par les Soviétiques au nord et les Américains au sud du 38e parallèle. La Corée, état indépendant, séparée en deux est l'un des enjeux majeurs du début de la Guerre froide. Le 25 juin 1950, l'armée nord-coréenne appuyée par l'U.R.S.S. et la Chine envahit la Corée du sud et s'empare de Séoul. L'armée américaine intervient et repousse les nord-coréens au-delà du 38e parallèle. Après des combats et des pourparlers de paix, l'armistice est signé le 27 juillet 1953 : elle entérine la partition durable de la Corée.
4 - Guerre du Viêt Nam (ou Vietnam) (1954-1975) : en 1954, après la défaite Diên Biên Phu, la France se retire de la péninsule indochinoise et le Viêt Nam déclare son indépendance. Mais le pays est divisé par le 17e parallèle : au nord, le pays est dirigé par le parti communiste d'Hô Chi Minh, au sud par un parti pro-occidental soutenu par les U.S.A. Dès 1954, le nord mène une guérilla pour réunifier le pays ; l'armée américaine s'engage alors auprès de l'armée sud-vietnamienne, dans le contexte de la Guerre froide. Dès lors, le conflit prend de plus en plus d'ampleur et les troupes américaines sont de plus en plus présentes. Après une vingtaine d'années de combats et des milliers de morts, un accord est signé en 1973, les États-Unis se retirent du Vietnam. En 1975, l'armée nord-vietnamienne entre dans Saïgon et réunifie le pays.
5 - Le plan Marshall : le secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères George Marshall propose en 1947 à Harry Truman, président des États-Unis, un programme d'aide américaine pour la reconstruction de l'Europe. Voté en avril 1948, les pays européens reçoivent près de 13 milliards de dollars (85% en dons, 15% en prêt). Le plan Marshall est refusé par les pays de la sphère d'influence de l'U.R.S.S. C'est aussi un marqueur de la Guerre froide.
Guerre froide : Période historique mondiale qui s'étend de 1945 à 1990. À l'issue de la seconde guerre mondiale, le monde est divisé entre le bloc de l'Ouest dominé par les États-Unis et le bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique : on parle alors d'un mode bipolaire. Il s'agit d'une guerre idéologique (états communistes ou états libéraux) et stratégique, les affrontements se font sur des terrains non-occidentaux (comme la guerre du Vietnam, Cuba, Afghanistan). La guerre froide se termine avec la chute du mur de Berlin et la désintégration du bloc de l'Est.
Contre-plongée : point de vue de bas en haut.
Alexandre SUMPF, « Le Pont aérien lors blocus de Berlin », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/pont-aerien-lors-blocus-berlin
En savoir plus sur le colonel Gail S. Halvorsen (1920-2022) surnommé The Candy Bomber
Lien à été copié
Découvrez nos études
La Construction du mur de Berlin
Depuis la défaite du régime nazi, le 8 mai 1945, Berlin vit comme Vienne au rythme des autorités quadripartites d’occupation. Située dans la…
Soldats soviétiques après la bataille de Berlin
L’avance des Soviétiques s’est accélérée dès le début de 1945, grâce au déclenchement d’une offensive massive…
Berlin dans les années 30 : entre frénésie et chaos
La Première Guerre mondiale et la défaite allemande ont eu d’importantes conséquences politiques et économiques. D’une…
France, Allemagne, deux modèles universitaires
Dans la première décennie du XIXe siècle, deux modèles…
Démonstration de force à Checkpoint Charlie
Ce 27 octobre 1961, la guerre froide manque d’un cheveu de virer à l’incendie planétaire. Depuis plusieurs semaines, la capitale…
La guerre juste
Dans une nation moins déchristianisée que la France, où la foi ne constitue pas le principe de ralliement d’un parti (comme…
L'entrée de Napoléon à Berlin
Alors que la quatrième coalition, rassemblant l’Angleterre, la Russie et la Prusse, s’est organisée durant l’année…
Le Faux Hitler
La progression des forces Alliées contre les nazis a donné lieu à la production et à la diffusion de…
Dans les ruines de Berlin
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la ville de Berlin est dévastée. Cible de raids aériens anglais depuis 1940,…
Les J.O. font Führer. Berlin, 1936
L’affiche composée par Franz Theodor Würbel (1858-1941) pour la XIe olympiade d’été de l’ère moderne en…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel