Les Berlinois de l'Ouest saluent le mur en direction de Berlin-Est, dans la Bernauer Strasse
La Construction du mur de Berlin
Les Berlinois de l'Ouest saluent le mur en direction de Berlin-Est, dans la Bernauer Strasse
Auteur : SCHULZE Horst E.
Lieu de conservation : Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK, Berlin)
site web
Date de création : 26 août 1961
Date représentée : 26 août 1961
Photographie
Domaine : Photographies
© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Horst E. Schulze
30020744 - 09-533996
La Construction du mur de Berlin
Date de publication : Février 2024
Auteur : Alexandre SUMPF
Depuis la défaite du régime nazi, le 8 mai 1945, Berlin vit comme Vienne au rythme des autorités quadripartites d’occupation. Située dans la partie orientale du territoire, l’ancienne capitale forme un isolat au cœur de la zone soviétique transformée en République démocratique allemande (R.D.A.) en 1949. À plusieurs reprises, Berlin a été le théâtre d’un embrasement de la guerre froide – lors du blocus de 1948, de la grève de 1953, ou de l’ultimatum soviétique de 1958 exigeant le départ des troupes alliées pour faire de Berlin une ville démilitarisée. La crise de Berlin pousse quelque 47 000 Allemands à se réfugier à l’Ouest, en passant par les rues de Berlin comme le font quotidiennement des milliers de Berlinois de l’Est. Au cœur de l’été 1961, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev (1) décide en concertation avec les autorités communistes de construire un mur pour mettre fin à la liberté de circulation entre les zones. Photographe de presse, Horst Schulze (1925-1971) est présent quand les maçons mobilisés de force matérialisent la séparation au moyen d’un mur de pierres. Son collègue allemand de l’Ouest Klaus Lehnartz (1936-2008), fameux pour avoir fixé sur pellicule le quotidien des Berlinois, documente, lui, le renforcement du dispositif pendant l’été 1963.
Le rideau de béton
Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, 14 000 policiers ont mis en place un réseau de barbelés quelques mètres à l’intérieur de la zone soviétique, se gardant ainsi de créer un contentieux diplomatique. Il est encore possible de circuler, sous surveillance. Schulze risque sa chance et réalise plusieurs clichés. Ici, il joue habilement des effets de distance avec un premier plan sur le mur en construction à hauteur d’œil, très rapproché, presque flou. Cet obstacle occulte toute la partie inférieure de la scène. Le photographe a fait le point sur le groupe de Berlinois qui se tient debout à distance respectable. De l’autre côté de la rue, de l’autre côté du mur, femmes, enfants et hommes contemplent ce triste spectacle et font signe à d’autres Berlinois, coincés à l’Est, sans doute debout derrière Schulze. En juillet 1963, le dispositif créé par l’opération « Muraille de Chine » d’août 1961 se renforce.
Klaus Lehnartz s’est placé, comme l’indique la pancarte au premier plan à droite, à la limite du secteur français. Six maçons est-allemands manœuvrent des blocs de béton armé préformé au moyen d’une grue, au beau milieu de la Swinemünder strasse, où les numéros sont conservés à l’identique. La modernité brute du matériau et l’absence d’esthétique tranchent avec le classicisme des façades… où les fenêtres ont été murées par souci de sécurité. La présence d’un soldat mitraillette à l’épaule ajoute encore un degré d’incongruité à ce qui aurait pu passer pour une banale opération de travaux publics.
Une histoire coupée en deux
Si la coupure au cœur de la Berlin concentre l’attention mondiale à l’époque, du fait notamment de la couverture médiatique, en réalité, c’est toute la ville qui se trouve encerclée par un système défensif associant sur 155 kilomètres de murs de béton hauts de 3,60 mètres, réseau de fil de fer barbelé et miradors. Les 53 000 habitants de l’Est travaillant à l’Ouest doivent changer de métier et s’insérer malgré eux dans la nouvelle économie socialiste. La construction du Mur photographiée par ces Berlinois devient un événement de portée mondiale, symbole absolu de la guerre froide. Le 26 juin 1963, le président américain John F. Kennedy prononce dans la partie Ouest de la ville son fameux discours « Ich bin ein Berliner ! » (Je suis un Berlinois), prélude à un assouplissement du droit de visite des Berlinois de l’Ouest à l’Est. Si l’activité économique des deux parties de la cité se ressent de la coupure, les familles peuvent garder le contact et s’entraider. Le Mur incarne surtout la politique répressive qui s’abat sur les citoyens de R.D.A., qui constatent les progrès de la reconstruction à l’Ouest, plus rapide et plus rutilante, grâce à leurs proches et à la télévision émettant en R.F.A. Deux récits s’affrontent, instrumentalisant à coup d’images les habitants qui sont en quelque sorte les otages locaux d’une guerre froide mondiale.
Georges-Henri Soutou, La Guerre froide : 1943-1990, Paris, Fayard / Pluriel, 2010.
Fred Taylor, Le Mur de Berlin. 13 août 1961 - 9 novembre 1989, Paris, Perrin, 2011.
Alfred Wahl, L'Allemagne de 1945 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2009
Guerre froide : Période historique mondiale qui s'étend de 1945 à 1990. À l'issue de la seconde guerre mondiale, le monde est divisé entre le bloc de l'Ouest dominé par les États-Unis et le bloc de l'Est dominé par l'Union soviétique : on parle alors d'un mode bipolaire. Il s'agit d'une guerre idéologique (états communistes ou états libéraux) et stratégique, les affrontements se font sur des terrains non-occidentaux (comme la guerre du Vietnam, Cuba, Afghanistan). La guerre froide se termine avec la chute du mur de Berlin et la désintégration du bloc de l'Est.
Alexandre SUMPF, « La Construction du mur de Berlin », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/construction-mur-berlin
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