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L'Empereur accorde la grâce des Flittas

L'Empereur accorde la grâce des Flittas

Date de création : 1865-1868

Date représentée : 21 mai 1865

H. : 175 cm

L. : 251,5 cm

Huile sur toile.

Voyage en Algérie, 21 mai 1865

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot

Lien vers l'image

MV 5008 - 12-562625

Voyage de Napoléon III en Algérie, 1865

Date de publication : Novembre 2021

Auteur : Guillaume BOUREL

Napoléon III et l’Algérie

Conquis progressivement à partir de la prise d’Alger du 5 juillet 1830, les territoires algériens sont devenus départements en 1848 sous la IIe République, qui y intensifie l’implantation de colons français. Celle-ci s’est faite au détriment des tribus musulmanes, qui perdent les meilleures terres et se voient pour certaines cantonnées.

Le Second Empire entend rompre avec cette orientation. Napoléon III est positivement influencé par les notables musulmans lors d’un premier séjour en 1860. Reprenant les idées des saint-simoniens, il envisage la colonisation comme une entreprise par laquelle la France apporte la civilisation aux peuples arabes, dont elle se veut la protectrice. En mai 1865, Napoléon III effectue un second séjour de plusieurs semaines en Algérie, séjour qui l’amène à Relizane, au cœur du Pays Flitta à peine pacifié. En effet, la présence française contribue à entretenir les insurrections, telle celle en 1864 de la tribu des Flittas, dans le sud de l’Oranais. Durement réprimée par l’armée, la tribu vit ses chefs internés à Corte.

Henri-Alfred Darjou, qui dépeint cette scène, est un peintre reconnu par l’Académie des beaux-arts ; il a exposé au Salon de 1853. Son tableau est une commande d’État pour le musée de Versailles ; le thème précis et même les dimensions ont été spécifiés au peintre par l’intendant des Beaux-Arts de la Maison de l’Empereur, Émilien de Nieuwerkerke, en 1866. Darjou met en image la version officielle de l’événement, en s’appuyant sur des informations recueillies auprès d’officiers.

La clémence de l’empereur

Après s’être rendu à Relizane, dans le sud de l’Oranais, le convoi de Napoléon III visite la plaine de la Mina. À cette occasion, les membres de la tribu des Flittas entourent la voiture de l’empereur.

Au premier et à l’arrière-plan, les guerriers musulmans, aux étendards colorés, se tiennent à l’écart, comme pour indiquer que la région est pacifiée et soumise.

Au second plan, le peintre montre la foule débordant l’escorte et se ruant sur la voiture de l’empereur, formant une masse blanche qui fait ressortir le personnage principal de la scène : Napoléon III. Le mouvement du cheval au premier plan, des bras de certains guerriers, des étendards et l’alignement de l’escorte de l’empereur convergent vers ce point de fuite.

Contrastant avec l’ombre du premier plan, la lumière focalise le regard sur la supplication des Flittas au centre de la scène et la mansuétude de l’empereur en retour. La présence d’un vieillard et d’un enfant à droite de la scène, de quelques femmes à gauche, et les bras suppliant levés en direction de Napoléon III rendent la scène touchante. Les Flittas implorent l’empereur qui, dans sa magnanimité, promet la libération de leurs chefs internés en Corse.

L’Algérie, un « royaume arabe »

Le tableau, commandé par l’administration impériale à Darjou dès le retour de Napoléon III de son voyage en Algérie, illustre l’œuvre que celui-ci entend y entreprendre à partir de cette date. Le projet de l’empereur est de placer les Arabes sous sa protection directe. Comme il l’écrit à Mac Mahon en 1865, « ce pays est à la fois un royaume arabe, une colonie européenne et un camp français ». La formule « royaume arabe » est à comprendre comme un signe de sollicitude envers les populations autochtones et la reconnaissance de leur identité. Rompant avec la politique assimilationniste de la IIe République, Napoléon III entend respecter les mœurs et le culte de la population musulmane, mais aussi la mettre à l’abri des excès de la colonisation qui, dans l’esprit de l’empereur, doit se limiter à la bande littorale.

Dès le retour de Napoléon III à Paris, le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 octroie la nationalité française aux musulmans, qui demeurent toutefois des sujets relevant du droit coranique. Le sénatus-consulte instaure dans la loi la distinction qui perdurera entre citoyens et indigènes.

La politique de Napoléon III d’un « royaume arabe » protégé ne survit pas à l’avènement de la IIIe République, qui voit triompher les intérêts des colons français et l’assimilation de l’Algérie.

AGERON Charles-Robert, L’évolution politique de l’Algérie sous le Second Empire, dans "Politiques coloniales au Maghreb", Paris, Presses universitaires de France, coll. « Hier » (no 20), 1972.

FRÉMEAUX Jacques, Algérie (1830-1914) : naissance et destin d’une colonie, Paris, Desclée de Brouwer, 2019.

REY-GOLDZEIGUER Annie, Le royaume arabe : la politique algérienne de Napoléon III (1861-1870), Alger, Société nationale d’édition et de diffusion, 1977.

RIVET Daniel, « Le rêve arabe de Napoléon III », L’Histoire, no 140, 1991.

Guillaume BOUREL, « Voyage de Napoléon III en Algérie, 1865 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/voyage-napoleon-iii-algerie-1865

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